Les palmarès qui saluent les meilleurs employeurs existent un peu partout en Occident. Pour les entreprises qui triomphent dans ces concours, est-ce que l'effort en vaut la chandelle ?
À la veille de la période d'inscriptions au Défi Meilleurs Employeurs 2011, organisé par Les Affaires, Towers Watson et l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, nous avons voulu connaître les bénéfices que pouvait tirer une organisation à bien traiter ses employés. Des sociétés qui se sont distinguées à notre concours, mais aussi dans d'autres événements du genre au Canada, témoignent : les avantages dépassent largement les coûts.
Kazimir Olechnowicz ne veut pas connaître l'heure à laquelle arrivent ses 1 700 employés. Ce qui l'intéresse, c'est le résultat de leur travail. " On ne veut pas d'un guide de procédures; les gens doivent développer leurs propres approches, explique le pdg de la société d'ingénierie CIMA+. Les superviseurs doivent faire en sorte que les gens soient heureux d'être au bureau. "
Mobiliser par la passion et non par la pression, telle est la devise de l'entreprise. Elle s'est distinguée à plusieurs reprises au Défi Meilleurs Employeurs et arrive en tête du classement des Employeurs de Choix au Québec (5e au Canada).
Chouchouter ses employés réussit à CIMA+, si on en juge par le portefeuille de clients de la firme d'ingénierie, qui compte entre autres Transports Québec, Hydro-Québec et Bell.
D'autres employeurs partagent cette vision. Pour Aéroplan Canada, par exemple, qui pilote le programme de points du même nom, traiter aux petits soins ses 1 200 employés est d'abord une décision d'affaires. " C'est difficile de dénicher d'excellents candidats, alors quand on les trouve, on veut les garder ", dit Nicole St-Pierre, directrice des ressources humaines de l'entreprise située à Montréal. Aéroplan semble être sur la bonne voie puisque depuis deux ans, elle est élue Meilleur employeur de Montréal, selon le classement régional du Canada's Top 100 Employers.
La culture d'entreprise, une force mobilisatrice
Faire le bonheur de ses employés va bien au-delà de leur offrir une carotte pour récompenser leurs efforts. Alain Gosselin, professeur de gestion des ressources humaines à HEC Montréal, observe que les meilleurs employeurs peuvent s'appuyer sur un pdg inspirant et des pratiques de gestions particulières.
Un bon patron suscite des attitudes positives. " C'est ce qu'on appelle un indice de mobilisation, indique le professeur. Ces attitudes entraînent des comportements positifs : des employés fidèles qui soumettent des idées et qui sont plus performants ", souligne l'expert. Pour cela, il est primordial qu'il y ait une cohérence entre ce qu'on prêche et ce qu'on fait.
Lorsque les valeurs du président sont véhiculées par les superviseurs et partagées par le personnel, on parle alors de culture d'entreprise. " Si un président tient un discours sur la confiance, mais que le superviseur fait vivre l'enfer, les employés n'adhéreront pas ", croit M. Gosselin.
Ainsi, M. Olechnowicz a veillé à ce que les postes clés soient détenus par des personnes positives. " Quand une équipe ne fonctionne pas bien, on a souvent vu de grandes différences en changeant son superviseur. Ce dernier doit avant tout être un bon motivateur ", indique le pdg de CIMA+.
Pour faire en sorte que les nouveaux employés soient aussi porteurs de la culture, on ne recrute pas, on sélectionne, relate Chantal Westgate, professeure de comportement organisationnel et spécialiste des ressources humaines de l'Université McGill. CIMA+ cherche des candidats entreprenants et responsables. " Pour travailler chez nous, il faut aimer prendre des décisions, dit le pdg. Ça ne me dérange pas que les gens se trompent, s'ils apprennent de leurs erreurs. Mais tout le monde n'est pas à l'aise avec cette approche. "
La confiance, une valeur primordiale
On remarque que la confiance compte parmi les valeurs les plus importantes chez les meilleurs employeurs. Celle-ci peut se traduire par le fait de laisser les gens agir et de les juger sur leurs résultats, comme le fait CIMA+. Selon Mme Westgate, les jeunes souhaitent plus d'autonomie et sont particulièrement sensibles à cette approche. Le micromanagement n'a plus la cote.
La confiance s'établit notamment par la communication et la transparence. Le dialogue est un pilier de la culture d'Aéroplan. " Nous expliquons nos objectifs, notre stratégie et nos résultats, bons ou pas, affirme Nicole St-Pierre. C'est essentiel pour que les gens aient la conviction de contribuer, de se démarquer. "
De fait, le personnel se sentira valorisé si on sollicite sa participation. Les employés d'Aéroplan sont regroupés en équipe avec à leur tête un " champion ". Ce dernier a pour mission d'organiser des séances de remue-méninges pour améliorer le milieu de travail de l'équipe. Toutes les six semaines, les champions rapportent le fruit de ces séances aux responsables des ressources humaines pour voir quelles suggestions pourront être implantées. " On a bénéficié de 80 initiatives cette année ", dit Mme St-Pierre.
L'entreprise de contenants métalliques brésilienne Brasilata pousse l'idée encore plus loin en rassemblant ses employés autour du concept qu'ils sont tous des inventeurs. Lorsqu'une personne est embauchée, elle signe un contrat dans lequel elle s'engage à innover. En plus d'être valorisée, elle est concrètement mise au défi d'améliorer le produit de l'entreprise. En 2009, chaque employé générait en moyenne 180 idées et plusieurs d'entre elles ont été retenues.
Quant à la rémunération, elle est moins déterminante qu'on pourrait le croire. Sans pour autant être négligeable, évidemment. " Les gens doivent être convaincus d'être payés équitablement, précise Alain Gosselin, de HEC Montréal. Si on vous dit que vous êtes important, mais qu'on ne vous paie pas bien, ce n'est pas cohérent. "
Mme Westgate pense qu'il est plus rentable de miser sur l'innovation pour être concurrentiel. " Et pour cela, il faut des gens. Deux entreprises peuvent recourir à la même technologie, mais ce qui fait le succès, c'est la culture d'entreprise. Cela ne se copie pas. " Alors, si l'objectif d'une entreprise est de se démarquer de ses concurrents pour faire des profits, qu'elle mise sur ses employés.