Qu’ont en commun l’amiral Horatio Nelson, qui a stoppé la conquête de Napoléon en 1805, et le géant Google? Un succès colossal qui s’appuie sur la «réalisation créative», soit l’art de mettre en œuvre une stratégie anticonformiste. Voici leur plan d’attaque pour accomplir de grandes réalisations, même quand tout semble se liguer contre vous.
Auteur: Eric Beaudan, Ivey Business Journal.
Nous sommes en 1805. Presque toute l’Europe subit les assauts de Napoléon 1er. Une seule nation ose encore lui résister, l’empêchant de concrétiser sa domination européenne: l’Angleterre. Avec 200 000 soldats d’élite rassemblés dans le nord de la France, l’empereur compte sur l’appui de l’amiral Villeneuve, qui doit unir ses forces à celles des Espagnols pour consolider la région du Pas-de-Calais, contre les troupes d’invasion qui marchent sur l’Angleterre.
Surveillant la scène, Napoléon s’enthousiasme: «Soyons les maîtres du Pas-de-Calais pendant six heures, et nous serons les maîtres du monde», aurait-il déclaré. Un obstacle se dresse pourtant devant ses rêves de conquête: Horatio Nelson, l’amiral le plus redoutable de la Royal Navy (Marine royale britannique). L’amiral Villeneuve connaît bien les prouesses de l’Anglais. Même avec une flotte de 33 vaisseaux qui brille de tous ses feux, y compris le fleuron espagnol Santísima Trinidad (le plus grand navire de guerre au monde, avec ses 130 canons), Villeneuve craint les 27 vaisseaux de Nelson, dont les hommes sont fin prêts pour le combat.
Au matin du 21 octobre 1805, quand Horatio Nelson rattrape finalement Villeneuve, au large du cap Trafalgar, il remporte une victoire éclatante. Les Anglais coulent ou capturent 18 navires ennemis et tuent plus de 14 000 marins français et espagnols, soit 10 fois plus que le nombre de victimes dans leurs rangs. Fait prisonnier à bord de son propre vaisseau, Villeneuve se suicidera quelques jours après la défaite. Le rêve de Napoléon de dominer l’Europe échoue lamentablement.
Le génie de Nelson
Comment Horatio Nelson a-t-il pu remporter une victoire aussi décisive? C’est simple: il maîtrisait la réalisation créative, cette capacité de mettre en œuvre une stratégie tellement bien conçue, comprise et acceptée par tous que le succès est presque assuré, même quand les perspectives semblent défavorables. Les capitaines sous les ordres de l’amiral Nelson savaient, avant même d’amorcer le combat, qu’ils allaient l’emporter. Ils ont baptisé leur approche «la touche Nelson», tout simplement.###
Cette stratégie n’avait rien de délicat. L’amiral Nelson ne souhaitait pas seulement vaincre la flotte ennemie, il voulait l’écraser. Au lieu de la traditionnelle «ligne de bataille», qui consiste à placer les vaisseaux de guerre en deux lignes parallèles pour qu’ils se canonnent à bonne distance — ce qui se traduit généralement par de longues batailles qui ne font pas de véritables vainqueurs —, Horatio Nelson a choisi de percer les lignes ennemies à un angle de 90 degrés, pour attaquer séparément les navires en combat rapproché. Parce que les Anglais pouvaient charger leurs armes et tirer presque deux fois plus vite que les Français et les Espagnols, le plan d’attaque de l’amiral britannique a assuré à ses troupes de couler ou de capturer beaucoup plus de navires ennemis que ne l’auraient permis des tirs à longue portée. Au cap Trafalgar, Horatio Nelson a scindé sa flotte en deux lignes d’attaque: une qu’il dirigeait depuis le Victory, l’autre que dirigeait l’amiral Collingwood à bord du Royal Sovereign. Les deux lignes de vaisseaux ont percé le centre de la flotte franco-espagnole, une stratégie audacieuse qui allait rapporter gros.
Les 5 ingrédients de la réalisation créative
En analysant l’approche de l’amiral Nelson, on met aisément en lumière les ingrédients qui composent la recette gagnante de la réalisation créative. Appliquée aux organisations, cette recette leur donne l’occasion de se démarquer et augmente considérablement leurs chances d’obtenir des résultats sensationnels, contre toute attente.
1. Une stratégie exclusive, comprise et acceptée par tous. En forçant l’adversaire à s’engager dans une bataille décisive, grâce à une approche à angle droit qui mettait à profit une plus grande puissance de feu dans des combats rapprochés avec chaque navire ennemi, Horatio Nelson a opté pour une stratégie et des tactiques à la fois visionnaires et séduisantes. Tous les soirs, l’amiral britannique invitait dans sa cabine ses différents capitaines pour discuter de sa stratégie et la peaufiner, et il effectuait quotidiennement des exercices afin de s’assurer que l’équipage maintienne son efficacité à charger les armes, l’élément clé de la réussite de son plan. Cette stratégie unique de la flotte britannique, qui consistait à percer les lignes ennemies, et l’avantage concurrentiel d’un maniement d’armes plus efficace donnaient aux Anglais le double coup de massue nécessaire pour démolir les forces alliées des Français et des Espagnols.
2. Un dialogue franc. L’ouverture d’esprit avec laquelle Horatio Nelson abordait ses pairs et ses supérieurs révèle à merveille sa personnalité. Il a défendu ardemment sa stratégie au sein de l’amirauté, en a parlé ouvertement avec son équipage et a même encouragé ses capitaines à débattre de ses idées. Pour obtenir l’avantage tactique qu’il espérait, l’amiral Nelson avait compris qu’il devait déroger à la tradition du silence de la Marine royale en cas de désaccord, et inviter ses capitaines à faire preuve d’initiative en brisant les règles établies.
3. La clarté des rôles et des responsabilités. Après avoir partagé sa stratégie avec ses capitaines, Horatio Nelson a consigné le tout dans un document écrit remis à chacun, établissant clairement qui devait faire quoi. La flotte serait divisée en deux lignes d’attaque qui perceraient les forces françaises et espagnoles en leur centre —avec des directives précises pour chacune des deux divisions. L’amiral britannique a même envoyé à ses capitaines un bref rappel: «Quand un capitaine ne peut recevoir ou comprendre les signaux, il ne commettra jamais d’erreur en plaçant son navire tout contre un vaisseau ennemi.» Les premiers lieutenants étaient aussi informés de la stratégie, afin de poursuivre l’assaut si leur capitaine tombait au combat.
4. Une action audacieuse. Bien avant sa victoire à Trafalgar, Horatio Nelson avait démontré qu’il n’hésitait pas à faire preuve d’audace. À la bataille du Nil en 1798, il avait annihilé une flotte française au cours d’une attaque de nuit, ce qu’aucune autre flotte n’avait osé jusque-là. Après cette bataille, il s’était forgé une telle réputation de prendre des mesures draconiennes que l’amiral Villeneuve «avait l’impression de combattre non pas un opposant extrêmement doué et audacieux, mais une véritable institution bâtie sur l’excellence et la précision, capable de déjouer les probabilités dès le départ». Après avoir vu la formation d’attaque de Nelson, l’amiral espagnol se serait exclamé: «Nous sommes damnés!» Même si les navires français et espagnols ont eu l’occasion de tirer les premiers coups, alors que la flotte anglaise avançait lentement vers eux, Horatio Nelson n’a pas hésité à foncer au cœur des lignes ennemies.
5. Un leadership visible. La seule façon pour les leaders de stimuler le pouvoir créatif de leurs troupes, c’est de se montrer durant les escarmouches qui surviennent tout au long de la réalisation d’un projet. À la bataille de Trafalgar, Horatio Nelson a refusé d’enlever ses décorations ou de cacher son uniforme d’amiral. Il était convaincu que sa seule présence sur le pont du Victory pousserait ses marins à lutter encore plus fort. À mi-chemin de la bataille, un tireur d’élite français a repéré l’amiral Nelson dans son uniforme et l’a atteint. Horatio Nelson est mort après avoir été conduit aux ponts inférieurs, devenant aussitôt un héros.
Les 5 ingrédients en pratique
Appliquée aux organisations, cette recette de la réalisation créative leur donne l’occasion de se démarquer et augmente, contre toute attente, leurs chances d’obtenir des résultats remarquables. En voici quelques exemples.
1- Une stratégie inspirante. Trouver une stratégie unique et inspirante, qui décrit clairement ce que chacun doit faire, ou ne pas faire, pour obtenir des résultats exceptionnels.
> La décision de Google de se concentrer sur les recherches dans Internet, plutôt que sur le contenu.
> L’approche de Four Seasons de construire des hôtels de taille moyenne.
> Les efforts de Toyota pour répondre aux besoins de la clientèle dans tous les marchés.
2- Un dialogue franc. L’ouverture aux idées des autres, les débats honnêtes, les désaccords et la résolution des conflits sont des éléments essentiels d’un travail d’équipe efficace menant à une réalisation réussie. Instaurer une culture de la candeur stimule l’engagement des employés et favorise l’innovation.
> La lettre ouverte que Larry Page et Sergey Brin envoient chaque année aux actionnaires de Google.
> Les 600 000 suggestions que font annuellement les employés de Toyota pour améliorer l’entreprise ou ses procédés de fabrication.
3- La clarté des rôles et des responsabilités. Les directeurs et les employés doivent comprendre comment leur propre rôle et leurs responsabilités individuelles contribuent à la stratégie globale. La clarté des rôles nourrit les attentes et consolide l’engagement des individus à accomplir des actions précises.
> Le PDG de Thomas Cook demande à chacun de ses subordonnés d’assumer la gestion d’un projet stratégique.
> Chaque employé de Toyota a la possibilité de tirer sur une cordelette optique qui stoppe toute la chaîne de production.
4- Une action audacieuse. Les actions audacieuses procurent un élan incroyable. Elles propulsent solidement l’organisation dans une nouvelle direction, donnant un avant-goût de la façon dont la stratégie sera déployée.
> Pendant la guerre du Golfe, le «crochet du gauche» du général Schwarzkopf, qui a fait croire à un débarquement massif sur les côtes du Koweït pendant que des troupes alliées contournaient le dispositif irakien
> La démarche de Google de numériser le contenu de toutes les bibliothèques de la planète.
> L’investissement précurseur de Toyota dans la technologie hybride.
5- Un leadership visible. Les principaux leaders d’une organisation doivent se montrer le bout du nez pour aider les troupes à se concentrer sur l’objectif, suivre l’atteinte des étapes clés et créer une culture propice à l’apprentissage, au courage et à la persévérance.
> Akio Toyoda qui se décrit comme un «chef propriétaire» chez Toyota.
> La PDG de Four Seasons, Kathleen Taylor, qui visite jusqu’à 30 hôtels de la chaîne chaque année.
La méthode Google
La réalisation créative explique très bien la croissance de Google, depuis sa fondation jusqu’à sa position de leader mondial de la recherche sur Internet.
Une stratégie exhaustive
Dès le départ, l’attrait unique de l’algorithme développé par les cofondateurs de Google, Larry Page et Sergey Brin, a permis à l’entreprise de se démarquer des autres moteurs de recherche dans Internet. Alors qu’ils étudiaient à l’université Stanford, les deux complices ont élaboré une formule, appelée PageRank, qui analysait les liens vers et de tous les sites Web, puis déterminait l’importance relative de chaque site en fonction du nombre de liens y conduisant. Tandis que les premiers fournisseurs de services Internet comme AOL et Netscape ont concentré leurs efforts sur les courriels, mesurant leurs succès au nombre d’utilisateurs qu’ils gardaient en «jardin fermé», Google a opté pour une page d’accueil principale toute simple, laissant la logique implacable de PageRank diriger le plus rapidement possible les internautes vers d’autres sites.
Ce qui semblait au premier coup d’œil une bonne façon de perdre de l’argent sur Internet s’est transformé en une véritable mine d’or. En s’en tenant à leur stratégie unique et en se concentrant sur la recherche dans Internet, plutôt que sur le contenu, Larry Page et Sergey Brin ont bâti une entreprise qui détient maintenant 60% du marché mondial de la recherche sur Internet, et qui confirme sa position d’ «adversaire la plus formidable que Microsoft ait jamais affrontée».
Un dialogue franc
La culture de franc dialogue chez Google puise ses racines dans l’amitié qui unit Larry Page et Sergey Brin, qui se sont connus sur le campus de l’université Stanford à l’été 1995. Comme l’énonce la philosophie de Google: «Nous échangeons des idées, les évaluons et les mettons en œuvre avec une promptitude qui peut étourdir. Les réunions, qui ailleurs se prolongeraient durant des heures, ne sont bien souvent que de simples conversations tenues pendant que nous attendons notre dîner. Peu de murs séparent ceux qui écrivent les codes de ceux qui préparent les chèques.»
Depuis le premier appel public à l’épargne (PAPE) de Google, en 2004, Larry Page et Sergey Brin ont tenu promesse d’écrire à tour de rôle, au début de chaque année, une lettre ouverte aux actionnaires, sur un ton très direct, dans laquelle ils expliquent les orientations de l’entreprise. D’ailleurs, dans la première lettre, inspirée par les propos de Warren Buffett, les deux cofondateurs ont assuré aux actionnaires potentiels que l’entreprise ne chercherait jamais à embellir ses résultats trimestriels, une pratique courante parmi les sociétés cotées en Bourse. La candeur et la transparence de Larry Page et de Sergey Brin, de même que leur engagement à protéger PageRank de l’influence des annonceurs, jouent un rôle essentiel dans les succès de Google.
La clarté des rôles et des responsabilités
Au tout début de Google, Larry Page et Sergey Brin étaient si proches qu’ils partageaient un poste de travail rectangulaire à Googleplex, le siège social de l’entreprise situé à Mountain View, en Californie. En 2001, quand Eric Schmidt s’est joint à eux, en tant que PDG, il apportait une expérience des affaires dont le géant du Web avait bien besoin pour équilibrer l’énergie créative et le génie technique que les cofondateurs possédaient déjà. Maintenant, les trois comparses sont si liés qu’ils disent: «Plusieurs décisions sont prises par un seul d’entre nous, qui en informe ensuite les deux autres… Souvent, nous pouvons même prédire les divergences d’opinions que nous aurons.»
Au sein de l’entreprise, les employés de Google sentent comme nulle part ailleurs qu’ils ont leur mot à dire dans les décisions et qu’ils sont responsables de leurs propres succès. Cette philosophie d’exploitation se reflète d’ailleurs partiellement dans la structure de Google, formée d’équipes qui ne s’encombrent pas de la couche de cadres intermédiaires qu’on trouve dans bon nombre d’organisations. Larry Page, Sergey Brin et Eric Schmidt ont compris que pour attirer et garder dans leurs rangs certains des meilleurs esprits scientifiques et innovateurs au monde dans le domaine de l’informatique, ils devaient simplifier la structure et offrir à leurs ingénieurs de l’espace pour stimuler leur pensée créatrice. Une règle très ancienne témoigne avec éloquence de l’engagement de Google à favoriser la réalisation créative: les ingénieurs de l’entreprise doivent consacrer 20% de leur temps à leurs projets personnels, hors du cadre de leurs tâches habituelles.
Une action audacieuse
Depuis la création de Google, ses cofondateurs n’ont jamais reculé devant les actions audacieuses, déterminantes, pour faire progresser l’entreprise. Leur première grande décision a consisté à télécharger la totalité du réseau Internet dans les ordinateurs de Google, puis à utiliser son moteur de recherche pour lancer l’algorithme PageRank sur chaque page. Google adopte aussi une approche très audacieuse du développement de nouveaux produits, dévoilant souvent des versions bêta de sa technologie pour obtenir les commentaires et critiques des utilisateurs.
L’idée de numériser tous les livres de la planète, qu’ils soient écrits en anglais, en français ou en urdu, semble complètement farfelue. Pourtant, c’est précisément le défi auquel Google s’est attaqué en 2002, ignorant effrontément le risque de nombreuses poursuites intentées par les éditeurs aussitôt que l’université du Michigan a annoncé son intention de participer au projet pilote. Le géant Google a pris une décision tout aussi audacieuse quand il a choisi d’ignorer le tollé provoqué par son produit Gmail, prévoyant avec raison qu’il réussirait à préserver la confidentialité et la confiance des internautes même s’il permettait à son algorithme de «lire» leurs courriels et d’afficher des publicités en lien avec les messages.
Un leadership visible
Depuis leurs modestes débuts dans un garage de Palo Alto jusqu’au son de la cloche à la Bourse de New York en 2004, le jour du PAPE de Google, Larry Page et Sergey Brin ont toujours affiché le style de leadership visible qui obtiendrait l’aval de l’amiral Nelson. Le duo a tenu tête à la Commission des valeurs mobilières des États-Unis et aux firmes de placement de Wall Street en établissant les règles de son PAPE, insistant notamment pour que le prix initial de l’action soit fixé au montant passablement élevé de 85$, coupant de moitié les honoraires traditionnellement perçus par les courtiers. La décision de lever la censure qui pesait sur ses sites chinois, ou de délaisser complètement la Chine, est un autre exemple de l’engagement tangible des cofondateurs à respecter leur seule devise : «Ne jamais rien faire de mal.»
Larry Page et Sergey Brin ne sont pas les seuls dirigeants visibles de Google. Prenons le cas de Marissa Mayer, la 20e employée engagée par l’entreprise. Elle est devenue une véritable icône non seulement pour avoir été la première femme ingénieure du géant, mais aussi, et surtout, en raison de l’impact considérable qu’elle a eu sur les produits Google: c’est elle qui en détermine le style, la couleur et le contenu épuré. À tel point que le New York Times a décrit Marissa Mayer comme «l’un des rares cadres à être devenu une célébrité, du moins dans ce monde un peu fermé des mordus de l’informatique».
Comment y arriver? Même si la réalisation créative a bien servi Horatio Nelson et Google, vous doutez qu’elle fonctionnera pour vous? Détrompez-vous, cette méthode peut aider toute personne à obtenir d’excellents résultats dans une organisation, en dépit du bon sens. Voici ce qu’il faut faire:
- Évaluez votre stratégie: Votre stratégie actuelle est-elle si unique et inspirante qu’elle enthousiasme vos troupes et vous-même? Permet-elle de détecter une occasion d’affaires aussi formidable que celle dont Larry Page et Sergey Brin ont profité quand ils ont choisi de concentrer leurs activités sur la recherche dans Internet, alors que tous leurs concurrents se battaient pour proposer un contenu exclusif? À titre de consultant, j’ai travaillé avec les principaux leaders d’entreprises comme Thomas Cook Amérique du Nord et la Banque de Montréal, afin de vérifier si leurs cadres comprenaient, acceptaient et endossaient parfaitement les orientations définies par l’organisation. Dans les établissements visés, nous avons découvert qu’il y avait une profonde disparité entre la façon dont les cadres interprètent la stratégie et les niveaux d’acceptation dans l’organisation. Cela résultait généralement de plusieurs tendances:Compter trop souvent sur des conseillers externes, des consultants et des experts de l’industrie pour concevoir une stratégie. Thomas Cook a embauché une firme de consultation stratégique pour fixer de brillantes orientations, mais il a fallu travailler beaucoup plus fort que prévu pour convaincre le personnel et l’équipe de leadership d’y adhérer. Quelle est la leçon? Mettez votre équipe à contribution pour réfléchir à une nouvelle stratégie et la concevoir. Ne mettez pas votre personnel devant un fait accompli.
Ne pas sortir des sentiers battus. Horatio Nelson, Larry Page et Sergey Brin ont développé leur propre vision stratégique, qui bousculait les principes établis de la guerre navale ou de la recherche sur Internet. Ne craignez pas les idées à contre-courant et défiez la logique qui prévaut dans votre industrie.
Croire que tout le monde «embarque». C’est rarement le cas au début de tout processus de changement important. Le rôle du leader consiste à promouvoir sans arrêt le projet, à l’expliquer encore et encore, mais aussi à écouter ce qu’en disent les personnes responsables de sa réalisation.
Ne pas énoncer clairement «qui fait quoi». Aux Services financiers Thomas Cook, le PDG a exigé que tous ses subordonnés se chargent d’un projet stratégique. En clarifiant ainsi les rôles et les responsabilités de chacun, il a ouvert la porte au changement.
- Favorisez la pensée audacieuse. Faites en sorte que votre stratégie devienne, non pas une camisole de force, mais un puissant outil favorisant l’autonomie. En tant que leader, vous naviguez entre deux eaux: d’un côté, vous devez définir une cible osée vers laquelle l’organisation se dirigera; de l’autre, vous devez dynamiser les troupes pour qu’elle s’approprie la stratégie, mettant alors sa pensée créatrice au service de la mise en œuvre. La plus grande erreur que commettent les dirigeants consiste à croire qu’une fois la stratégie élaborée, sa réalisation est un travail de routine qui ne mérite pas qu’on s’en préoccupe. Les leaders de la réalisation créative utilisent la stratégie comme un tremplin pour stimuler l’audace et la créativité de tout le personnel. Ils placent la mise en œuvre — pas la stratégie — au cœur de leurs efforts. Ils n’exigent pas que chacun suive aveuglément la stratégie, mais favorisent plutôt ce que Horatio Nelson appelait la «désobéissance créative». L’amiral Nelson a poussé cette philosophie au maximum quand, au début de sa carrière, il a carrément désobéi à un ordre de son supérieur en fonçant sur une flotte ennemie plutôt que de battre en retraite. En donnant carte blanche à votre personnel pour qu’il pense et agisse avec audace, vous enverrez le message que vous vous souciez de la mise en œuvre. De plus, vous parviendrez à instaurer un climat de confiance et de collaboration et à stimuler les aptitudes créatrices de votre personnel, tout en repoussant les limites de votre organisation.
- Dirigez de l’avant-scène. À la guerre comme en affaires, c’est en prenant pleinement la place qui leur revient que les leaders peuvent aider leur personnel à se concentrer sur leurs tâches. Même à l’ère de Twitter et du GPS, rien ne remplace un véritable leader qui passe du temps dans les tranchées, en compagnie de ceux qui transigent directement avec la clientèle. C’est le meilleur moyen d’obtenir un feedback immédiat de ses décisions. Kathleen Taylor, chef de l’exploitation de la torontoise Four Seasons, visite annuellement jusqu’à 30 hôtels ou auberges de la chaîne, de Doha à Shanghai. À ce rythme, elle parvient à visiter chaque établissement au moins une fois tous les trois ans. Non seulement en profite-t-elle pour rencontrer les employés et tous les chefs de service (de 30 à 40 personnes par hôtel), mais passe-t-elle aussi du temps, en privé, avec le directeur général de chaque établissement et sa famille. exprimant ainsi son appréciation pour l’engagement des dirigeants à l’endroit de Four Seasons. Kathleen Taylor dirige depuis l’avant-scène, même dans des régions comme le Moyen-Orient, où on ne s’attend pas à voir une femme s’investir autant ni se trouver au cœur d’une entreprise. Comme elle, vous aussi devez, en tant que leader d’une réalisation créative, rester bien visible pour donner tout son sens à votre stratégie et aux orientations de votre organisation.
La clé pour atteindre des sommets inespérés
Quand on examine la vie et les accomplissements de leaders et d’entreprises extraordinaires, on constate qu’ils ont choisi d’appliquer des stratégies peu courantes qui ont attiré des résultats remarquables. Leur point commun? Une formule articulée très clairement, qui assure un lien étroit entre la stratégie et sa mise en œuvre. Concevoir, appliquer et faire évoluer cette formule exclusive est le rôle fondamental du leader.
Marcel Proust a écrit: «Le voyage de la découverte ne consiste pas à découvrir de nouveaux paysages, mais à voir avec de nouveaux yeux.» Ce regard neuf vous aidera à concevoir votre propre version de la réalisation créative, qui sera spécifique à vos besoins, afin de puiser à même le potentiel créateur de votre organisation. Voilà le défi qu’ont relevé avec brio Horatio Nelson et Google, et la clé qui pourrait vous permettre d’atteindre des sommets jusqu’ici inatteignables.