Christian Dubuc, président d'Osemi Canada, se pince encore. " Notre partenariat avec l'Université de Sherbrooke nous fait gagner des années de R-D et nous permettra de nous positionner rapidement dans un marché hyperconcurrentiel. "
La petite entreprise de trois employés, spécialisée dans la fabrication de dispositifs électroniques et de semi-conducteurs, collabore avec l'équipe du professeur Richard Arès, de la Faculté de génie. Objectif : concevoir un réacteur utilisé dans le procédé de fabrication des diodes électroluminescentes (DEL). Les DEL sont employées dans les écrans à cristaux liquides, ainsi que pour l'éclairage domestique et commercial.
Solarpro, un fabricant d'équipement pour salon de bronzage, participe aussi à ce projet de recherche de 1,2 million de dollars financé à hauteur de 445 000 $ par Québec.
Ces entreprises de Richmond, près de Sherbrooke, poursuivent des objectifs différents, mais ont toutes deux beaucoup à gagner. Osemi y voit une occasion de faire valoir son expertise dans les semi-conducteurs et de percer de nouveaux marchés. Solarpro veut diversifier ses activités afin d'assurer sa pérennité, le bronzage artificiel étant très controversé.
Elle a fait appel à l'Université de Sherbrooke pour l'aider à concevoir un appareil de luminothérapie avec des applications dermatologiques (amélioration de la cicatrisation, production de collagène) et médicales (réhabilitation musculaire, traitement de la dépression). Mais cet appareil nécessite des DEL, lesquelles sont coûteuses et longues à produire. La technologie mise au point en partenariat avec l'Université permettra d'accélérer la production des DEL et d'en réduire le coût, ce qui réglera le problème d'approvisionnement de Solarpro.
La PME d'une dizaine d'employés entrevoit une autre façon de marquer des points grâce à cette technologie : elle travaille à la conception d'un nouvel appareil de bronzage muni de DEL. " Il générera moins de rayons UVA, ce qui le rendra plus sécuritaire, souligne son président Daniel Pépin. Grâce à cela, nous devancerons des leaders dans le domaine ! Sans l'apport de l'Université et d'Osemi, il nous serait beaucoup plus difficile d'innover de la sorte. "
Une technologie attendue
Solarpro et Osemi ne sont pas les seules entreprises à fonder autant d'espoir sur ce projet de recherche, la demande mondiale pour les DEL étant en forte expansion. Comme très peu de fabricants produisent les réacteurs nécessaires à leur fabrication, il faut attendre quelques années pour s'en procurer un.
Le prototype, qui devrait être prêt cet été, est attendu avec impatience. Si les résultats sont concluants, les trois partenaires ont déjà en main des lettres d'intention de clients potentiels, dont un fabricant taïwanais de diodes. Chaque réacteur se vendrait autour de cinq millions de dollars. Et après ? Solarpro, Osemi et l'Université de Sherbrooke pourraient créer une entreprise pour produire et commercialiser les réacteurs. À moins qu'elles choisissent plutôt d'octroyer des licences de fabrication.
" En collaborant à ce projet de recherche, nous avons multiplié nos forces ", s'enthousiasme Christian Dubuc, qui mène en parallèle d'autres projets de recherche avec l'Institut national de la recherche scientifique et l'Université de Saskatchewan.
La R-D de Sensio à l'université
Technologies Sensio est une autre de ces entreprises qui a le réflexe de recourir au savoir universitaire pour sa R-D. Elle a été fondée en 1999 par deux banquiers, Nicholas Routhier et Richard Laberge, qui souhaitaient percer l'industrie du 3D, mais qui n'avaient pas les connaissances technologiques nécessaires. Ils se sont donc tournés vers le professeur en génie électrique Claude Thibeault, de l'École de technologie supérieure (ÉTS), pour concevoir les prototypes d'un processeur vidéo 3D.
" Au début, le service de R-D de Sensio, c'était l'ÉTS ! s'exclame l'ingénieur spécialisé en microélectronique. Nous les avons même accompagnés pour présenter le produit aux investisseurs. " Ce processeur a été le point de départ de toutes les autres technologies développées par l'entreprise montréalaise. " Trois de nos brevets en découlent directement ", précise Étienne Fortin, chef de la direction technologique.
Sensio fait aujourd'hui de la recherche à l'interne, mais elle continue de recourir aux universités pour certains projets. Claude Thibeault est parfois appelé à la rescousse pour déboguer les technologies qu'elle met au point. " Quand nous frappons un mur, l'ÉTS nous aide à trouver une solution, dit Étienne Fortin. La beauté de la chose, c'est que chaque professeur a plusieurs collègues autour de lui avec qui il peut discuter du problème. C'est comme si plusieurs chercheurs travaillaient pour nous. "
Pourquoi se priver des cerveaux universitaires ? Surtout qu'il existe de nombreux programmes de subventions à la recherche. Sensio, par exemple, a bénéficié du soutien financier du Conseil national de recherches Canada (CNRC) pour régler son processeur 3D. Le CNRC offre aussi du soutien financier aux entreprises qui confient des mandats de consultation aux universités, par exemple pour résoudre un problème technique. Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et le MITACS - un réseau de recherche subventionné par le gouvernement fédéral réunissant le milieu universitaire, les entreprises et le secteur public - proposent des programmes facilitant la collaboration entre les entreprises et les universités.