Protéger le hashtag utilisé comme marque de commerce sur Twitter, est-ce possible ? Cohérent ? Recommandé ? Efficace ? Ébauche de réponses dans un domaine qui en est à ses balbutiements, mais où les plaintes pour utilisation non autorisée d'une marque déposée sont en forte augmentation.À lire aussi :
Déposer des brevets au plus tôt, une priorité pour Devinci
La propriété intellectuelle en cinq questions
Le registre des marques de commerce de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) - et ses équivalents ailleurs dans le monde - a commencé à voir fleurir des noms précédés d'un dièse (#), ou hashtag. Déposer un hashtag utilisé sur Twitter comme une marque de commerce, c'est possible, et même recommandé par les avocats. Les entreprises s'y mettent.
La loi est claire, rappelle Sarah Ismert, avocate spécialisée en marques de commerce au cabinet Robic : «On peut enregistrer comme marque de commerce un signe, un mot, une lettre, un chiffre, un dessin, une couleur ou une combinaison de ceux-ci, permettant de distinguer les biens et services d'une personne de ceux d'une autre personne. Il est donc tout à fait possible d'enregistrer un hashtag comme marque de commerce.» Le coût ? 250 $ pour une demande faite en ligne et 200 $ pour l'enregistrement en tant que tel, selon les tarifs affichés par l'OPIC. Les frais sont plus élevés si les démarches sont effectuées par un cabinet spécialisé. Ils oscillent autour de 2 000 $ et varient selon la complexité du dossier.
À lire aussi :
Déposer des brevets au plus tôt, une priorité pour Devinci
La propriété intellectuelle en cinq questions
Certaines entreprises l'ont déjà fait par prudence. «À partir du moment où on choisit un slogan ou une marque pour se distinguer, on a besoin d'un bouclier pour faire valoir ses droits où que ce soit», affirme l'avocate.
Cependant, il faut choisir le bon hashtag : enregistrer celui d'une campagne n'aurait peut-être pas de sens par exemple ; dans le cas de Nike par exemple, le nom de commerce est aussi connu que le slogan - Just do it -, qui est d'ailleurs une marque déposée - d'où l'intérêt de se demander si dans ce cas, il ne faudrait pas déposer les deux.
Mais aussi, enregistrer le hashtag comme marque de commerce «n'empêche pas un individu d'utiliser votre marque déposée, seulement vos concurrents», précise Benoit Descary, consultant en médias sociaux.
Il ne faut pas croire que les consommateurs ne pourront plus critiquer votre marque en utilisant le hashtag constitué du nom de la marque. «Ça serait même contraire à l'esprit des réseaux sociaux, puisqu'on veut que l'information et le hashtag y soient repris et qu'ils y circulent», note Benoit Descary.
À lire aussi :
Déposer des brevets au plus tôt, une priorité pour Devinci
La propriété intellectuelle en cinq questions
Suivre les commentaires
Dans ce contexte, la protection d'un hashtag employé comme marque de commerce est-elle pertinente ? Yan Desjardins, architecte de solutions à Ludis Média, une agence de marketing numérique située à Sherbrooke, en doute. «De toute façon, estime-t-il, que le hashtag soit repris dans des propos positifs ou négatifs, ça reste une occasion en or pour les entreprises de savoir ce que les gens pensent de la marque pour pouvoir l'améliorer.»
Il s'agit donc plus de faire un bon suivi des commentaires : savoir comment le hashtag de l'entreprise est utilisé et réagir rapidement.
Yann Desjardins cite l'exemple de Hootsuite, qui conçoit et commercialise un logiciel de gestion des réseaux sociaux : «L'entreprise, qui avait reçu un commentaire très négatif d'un usager sur sa plateforme, qu'il jugeait mal adaptée aux besoins des utilisateurs, a su écouter et a tourné l'incident à son avantage en mettant en place un focus group auquel elle a invité des usagers actifs sur le réseau social concerné. Finalement, elle a transformé une critique en momentum !»
Cependant, l'utilisation par un concurrent de sa marque de commerce pour se faire passer pour elle par exemple est un risque bien réel pour une entreprise sur les médias sociaux. De fait, «le phénomène est assez récent et il n'a pas encore été porté devant les tribunaux», constate Sarah Ismert.
Mais ça pourrait n'être qu'une question de temps, car l'enjeu existe et a poussé les réseaux sociaux, notamment Twitter et Facebook, à se doter d'une politique sur l'utilisation non autorisée d'une marque déposée.
À lire aussi :
Déposer des brevets au plus tôt, une priorité pour Devinci
La propriété intellectuelle en cinq questions
Pas encore de jurisprudence
Or, le nombre de plaintes déposées auprès de Twitter ne cesse d'augmenter et a même connu un bond de 38 % entre le deuxième semestre 2013 et le premier semestre 2014, passant de 6 680 plaintes à 9 199.
Les réseaux sociaux réagissent généralement en supprimant le contenu incriminé. Le fait d'avoir enregistré son hashtag peut donc être un atout précieux pour défendre le dossier auprès des médias sociaux.
Pour le moment, l'autorégulation des administrations des médias sociaux suffit à régler les différends. Dans le cas inverse, «rien n'empêcherait le titulaire d'un hashtag enregistré comme marque de commerce de choisir de se tourner vers les tribunaux en cas de violation de sa marque», écrit Sarah Ismert dans un billet publié sur le site de Robic.
Mais devant ces cas nouveaux, aucune jurisprudence n'existe encore. «Il y a des zones grises, la loi va sûrement devoir s'adapter à ce nouveau média», explique l'avocate qui souligne que «vouloir limiter l'utilisation d'un hashtag peut sembler contre-intuitif». Selon elle, les recours ne seront efficaces qu'en cas de concurrence déloyale flagrante. L'avenir le dira.
À lire aussi :
Déposer des brevets au plus tôt, une priorité pour Devinci
La propriété intellectuelle en cinq questions