Le fondateur de Twitter, Biz Stone, dit qu’il faut connaître des échecs spectaculaires pour connaître un succès spectaculaire. Le joueur étoile du basketball, Michael Jordan, raconte qu’il a échoué tellement de fois dans sa vie que c’est la raison de son succès. Pourquoi alors l’échec est-il tant redouté?
«Au Québec, et encore plus en France, une faillite est l’équivalent d’un suicide social, alors qu’aux États-Unis, et encore plus en Californie, une faillite est un entraînement», remarque le président d’Améo, Jevto Dedijer, consultant en stratégie de marque, qui a œuvré précédemment à la direction et au marketing chez IKEA en France.
Le 15 novembre à Québec, en compagnie de Michel Nadeau de la société Watford et d’une équipe de Triode, une entreprise spécialisée dans la stratégie de produits, M. Dedijer, a conclu la conférence sur les meilleurs échecs de produits et de marque en souhaitant aux entrepreneurs de connaître «beaucoup d’échecs, de bides, de déboires et de ratés». Aucun n’a avalé son déjeuner de travers et c’est peut-être un petit pas vers un changement culturel dans la perception de l’échec.
«Si vous connaissez des échecs, c’est que vous prenez des risques et il faut prendre des risques pour connaître le succès», a fait valoir le conférencier aux entrepreneurs réunis par Québec International.
M. Dejider suggère même de créer un «Wall of Fail» dans chaque entreprise. Afficher les produits qui ont échoué, en documenter les causes et s’en servir pour apprendre.
Les équipes d’Améo, Triode et Watford, ont bâti leur liste d’échecs retentissants et ont étudié des stratégies perdantes. Par exemple, l’extension de ligne est rarement gagnante. Quand Pierre Cardin s’est lancé dans les chaudrons de cuisine, il a réduit le pouvoir de sa marque; la mode n’ayant aucun lien avec les casseroles. Quand Colgate s’est lancée dans les produits surgelés, personne n’a eu envie d’en manger, de crainte que les petits plats aient la saveur du dentifrice!«C’est l’exemple qu’on ne comprend pas ses attributs et qu’il y a des limites à tirer l’élastique», explique Michel Nadeau de Watford.
D’autres fois, les entreprises sous-estiment la valeur de leur positionnement. Quand Tropicana a décidé de moderniser son image en retirant la fameuse paille plantée dans l’orange, ses ventes ont baissé et elle a dû faire marche arrière pour retrouver son avantage concurrentiel. Gap a tenté de rafraîchir son logo pour constater à coups de pertes que les clients y étaient très attachés.
«Les consommateurs sont prêts à pardonner les erreurs si les entreprises se rachètent. Mais il faut absolument réagir quand ça ne va pas», constate Jevto Dedijer.
Certaines entreprises cessent de prendre des risques et misent sur une recette du passé. Celle-ci ne peut être éternelle dans un marché qui, lui, évolue. Kanuk, par exemple, sert depuis de nombreuses années la même formule marketing en habillant des présentateurs télé et des comédiens de ses manteaux.
«C’était cool au début, mais c’est presque impertinent maintenant», affirme M. Dejijer, convaincu que l’entreprise court vers l’échec si elle ne se réveille pas.
Il vaut mieux tard que jamais pour sortir de sa léthargie. Old Spice, qui semblait destiné à mourir avec les grands-pères, a pris un coup de jeune avec une campagne de pub audacieuse. Plus près de chez nous, le pardon des consommateurs a été accordé au Madrid, qui a complètement modernisé son concept de restauration le long de l’autoroute 20, tout en gardant ses dinosaures, le principal attribut de la marque.
Le marketing est un élément clé du succès ou de l’échec, mais à la base, il y a les produits eux-mêmes. Quand ils ne répondent pas à un besoin ou se révèlent une solution décevante par rapport aux attentes, le bide est assuré.
La pizza du McDonald’s avait peut-être bon goût, mais il fallait 11 minutes pour la recevoir, ce qui ne correspondait pas aux attentes d’un client dans la restauration rapide, remarque Patrice Lachance de Triode.
Les sous-vêtements jetables de Bic sont allés au cimetière des produits parce que même si la marque était forte, il n’y avait pas de marché pour le produit.
«On se demandait si on pouvait les porter un jour ou deux jours. On se demandait s’ils allaient se désagréger!» se rappelle en riant Patrick Sirois, président de Triode.
Les cas du dentrifice Mr. Pickle à saveur de cornichon ou des bougies au parfum de pelouse ou de planches de bois se passent de commentaires!