Les nanosatellites repoussent les limites de ce qu'on peut faire à partir de l'espace. Pas plus gros qu'un sac à dos et pesant moins de 10 kilogrammes, les nanosatellites sont plus populaires que jamais. Grâce à des prix abordables et à la miniaturisation des composants électroniques, une nouvelle génération d'opérateurs de satellites émerge.
Illustrant cette nouvelle vague, la montréalaise GHGSat devrait lancer son premier nanosatellite en 2015. Elle devrait être la première du monde à offrir des données sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) et sur la qualité de l'air à partir d'un nanosatellite.
Grâce à GHGSat, des entreprises qui veulent mesurer leurs émissions de GES pourront obtenir des données plus précises pour moins de la moitié du prix des autres solutions existantes. «On espère susciter l'intérêt des émetteurs, des régulateurs et des entreprises intéressées à des données de marché», explique le pdg, Stéphane Germain.
Quoiqu'on lance des nanosatellites dans l'espace depuis les années 1990, ceux qu'on fabrique aujourd'hui sont plus précis ; certains composants, considérés autrefois comme étant trop gros pour les nanosatellites, peuvent même y être installés.
Stéphane Germain en sait quelque chose, puisqu'une autre de ses entreprises, Xiphos Technologies, fournit des ordinateurs de bord à l'industrie des satellites depuis plus d'une décennie. «Les capteurs qu'on peut mettre sur les satellites sont de plus en plus puissants et plus en plus petits, comme c'est le cas de ceux qu'Apple peut faire rentrer dans ses iPhone», explique l'entrepreneur.
Ayant perçu l'occasion d'affaires qui découlait de cette nouvelle réalité, il a mis sur pied l'opérateur GHGSat en 2011, en s'associant à la montréalaise MPB Communications. Celle-ci a conçu le capteur miniaturisé qui servira à mesurer les émissions de gaz à partir de l'espace.
Performance accrue
Le nanosatellite que compte lancer GHGSat en 2015 sera fabriqué à Toronto par le Space Flight Laboratory, dirigé par le professeur Robert E. Zee. Son laboratoire, où travaillent 35 ingénieurs et une quinzaine d'étudiants de deuxième cycle, planche sur pas moins de 14 nanosatellites.
La popularité grandissante des nanosatellites ne s'explique pas tant en raison de leur coût que de leur performance accrue, de l'avis du scientifique. «Au cours des années, on n'a pas baissé le prix de nos satellites, mais on les améliorés et on les a rendus plus précis», explique Robert E. Zee.
Anthony Moffat, professeur d'astronomie à l'Université de Montréal, fait partie de ceux pour qui la précision des nanosatellites représente un apport considérable. «Avant, ils ne pouvaient pas pointer vers un endroit précis dans le ciel ; souvent, il y avait un degré d'erreur», explique-t-il. Chef scientifique du volet canadien du projet BRITE Constellation [qui vise à mesurer la luminosité des étoiles], le professeur peut désormais étudier le ciel sans dépendre d'un mégasatellite comme Hubble, auquel un nombre limité de chercheurs ont accès.
Les six nanosatellites prévus par le projet, dont trois ont été lancés en 2013, ont été conçus par le laboratoire de Robert E. Zee. Son laboratoire n'est toutefois pas le seul à fabriquer des nanosatellites.
En effet, de nombreux fabricants privés ont vu le jour dans les dernières années. Malgré tout, l'offre ne semble pas suffire à la demande. Peter Platzer, pdg de NanoSatisfi, une start-up de San Francisco, affirme construire ses propres satellites afin de ne pas être vulnérable aux retards de livraison, fréquents dans l'industrie. «La chaîne d'approvisionnement n'est pas encore satisfaisante», explique l'homme d'affaires.
Un rythme d'innovation accéléré
En leur permettant de surveiller en temps réel le trafic maritime, entre autres, par son réseau de nanosatellites, NanoSatisfi pourrait rendre les transporteurs maritimes par exemple, plus efficaces. Il ne s'agit là que d'un des débouchés parmi tant d'autres envisagés par Peter Platzer, qui souhaite aussi faire de ses satellites des outils d'apprentissage pour les étudiants. Ils pourront utiliser ses satellites pour mener leurs propres expériences pour seulement 250 $ par semaine.
Le premier nanosatellite de NanoSatisfi, lancé en novembre 2013, a coûté un million à construire. Selon Peter Platzer, l'appareil peut entreposer plus de données qu'un satellite météorologique valant des milliards de dollars.
La force des nanosatellites tient au fait qu'il s'écoule beaucoup moins de temps entre leur conception et leur lancement. «Comme les satellites traditionnels ont une durée de vie de 15 ans et qu'ils prennent 10 ans à construire, la technologie des satellites actuellement dans l'espace est vieille de 15 à 20 ans en moyenne», explique Peter Platzer.
L'entrepreneur compare les nanosatellites modernes avec les ordinateurs personnels des années 1970, lorsqu'on pensait qu'ils serviraient au mieux à classer des recettes... «C'est impossible de savoir à quoi les nanosatellites serviront à l'avenir, mais on peut imaginer un monde où notre capacité à prédire la météo sera 10 fois plus précise et un monde où la logistique globale deviendra infiniment plus efficace.»
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8 - La construction du successeur de Hubble, que la NASA prévoit lancer en 2018, devrait coûter pas moins de huit milliards.
Source : Scientific American
Peu coûteux et à la fine pointe de la technologie, les nano- satellites permettent de réaliser de nouvelles tâches à partir de l'espace.