Enerkem, une entreprise de Sherbrooke, a obtenu l'hiver dernier un apport de 53,8 millions de dollars (M$) en capital d'expansion provenant de fonds de capital de risque canadiens et américains, notamment de Waste Management du Texas. L'entreprise transforme des matières résiduelles en biocarburants grâce à sa technologie thermochimique. Elle exploite aussi au Québec une usine spécialisée dans la transformation de poteaux d'électricité et de téléphone. De plus, elle possède des usines dont la construction est en cours, l'une en Alberta, l'autre dans le Mississippi.
" Il faudrait répéter ce modèle plus souvent, estime Andrée-Lise Méthot, associée principale et fondatrice de Cycle Capital Management. L'industrie québécoise des technologies propres devra compter sur des apports d'investisseurs étrangers pour soutenir sa croissance dans les marchés mondiaux. " Ce n'est pas seulement pour l'argent, mais pour se brancher sur des réseaux que nous n'avons pas ", explique Mme Méthot.
Cycle Capital est le seul fonds privé de capital de risque qui soit entièrement consacré au développement des entreprises du secteur des technologies propres. Doté d'un capital de 80 M$, il est alimenté, entre autres, par la Caisse de dépôt et placement, Cascades, Énergie renouvelable Brookfield, Investissement Québec, le Fonds de solidarité (FTQ) et Fondaction (CSN), des partenaires essentiellement québécois. " Un de nos grands défis est d'attirer des fonds de l'extérieur du Québec pour coinvestir avec nous ", souligne Mme Méthot.
Concurrence des pays émergents
Les entreprises ont besoin du capital de risque, mais elles le trouveront en partie seulement au Canada et au Québec. Au pays, le capital de risque s'appauvrit depuis plusieurs années. " Depuis 2004, on voyait venir une baisse du capital de risque mais, l'an dernier, la chute a été importante ", dit Robert Nardi, associé et leader du groupe sectoriel technologies, médias et télécommunications de Deloitte à Montréal.
Selon les résultats du plus récent sondage mondial de la firme, les deux tiers des répondants canadiens s'attendent à une diminution du nombre des sociétés de capital de risque et à un repli des financements d'ici à 2015. En même temps, dans les marchés émergents, notamment en Chine, en Inde et au Brésil, l'industrie du capital de risque prend de l'expansion et attire vers elle des capitaux importants." Tout comme les sociétés de capital de risque américaines et européennes, les sociétés canadiennes sont confrontées à une vive concurrence des marchés émergents. Étant donné la petite taille de notre industrie, les répercussions de cette situation sont beaucoup plus dévastatrices au Canada. Si le capital de risque ne vient pas, ce sont les sociétés innovantes qui vont en pâtir ", dit M. Nardi.
Le Québec se démarque du reste du Canada à cet égard. Le programme québécois de soutien aux technologies innovantes comprend des fonds de démonstration technolo- gique et des fonds de pré- démarrage, comme le fonds Cycle-C3E doté d'un capital de 41,3 M$. L'an dernier, la Caisse de dépôt et placement, le Fonds de Solidarité FTQ et Investissement Québec ont engagé 700 M$ dans Teralys Capital, un fonds qui financera des fonds de capital de risque destinés à investir dans les entreprises innovantes des secteurs des sciences de la vie, des TI et des technologies propres.
Retour des actions accréditives ?
" Depuis, le capital de risque a pris de l'expansion au Québec, tant par le nombre des fonds que par le montant de capital disponible pour l'innovation ", observe M. Nardi.
" Les gouvernements ont fait beaucoup, mais ce ne sera pas suffisant ", croit pour sa part Richard Sutin, avocat responsable du groupe de pratique en technologies propres du cabinet Ogilvy Renault, à Toronto. " Les fonds de capital de risque qui ont survécu au Canada ont été soutenus par les gouvernements. À long terme, ce n'est pas une solution viable. "
L'injection de capitaux publics dans des fonds d'investissement ne pourra répondre à elle seule à la demande colossale de capital de risque à l'égard des technologies propres. " Nous parlons d'une seconde révolution industrielle qui nous mène à refaire tout ce que nous avons fait depuis deux siècles. C'est énorme ", dit l'avocat.
M. Sutin plaide en faveur d'incitatifs fiscaux tels les actions accréditives, un dispositif qui a fait merveille dans la mise en valeur des ressources naturelles au Canada. " Le pays est devenu un leader mondial en matière d'exploitation des ressources naturelles. Il suffirait d'étendre ce dispositif financier au secteur des technologies propres. "