Si vous voulez exporter et que vous ne connaissez pas l'organisation que dirige Benoit Daignault, vous avez un problème. Et lui aussi !
Celui qui a pris la tête d'Exportation et Développement Canada (EDC), en février dernier, s'est donné le double mandat d'augmenter la visibilité de l'agence fédérale de crédit auprès des PME exportatrices et de simplifier les services qu'elle leur offre.
Et c'est déjà commencé. Cette semaine, EDC a annoncé une version automatisée de son programme d'assurance crédit qui permettra à un exportateur d'avoir accès à la couverture sur un acheteur potentiel en quelques minutes. «Imaginez que vous êtes dans une foire internationale et que vous rencontrez un acheteur qui veut vous passer une commande. Vous prenez votre téléphone intelligent, et vous aurez la couverture en temps réel», promet M. Daignault.
Le programme a été testé l'automne dernier sous forme de projet-pilote au Québec et en Ontario, et on l'étend maintenant dans le reste du pays.
Créée en 1944, Exportation et Développement Canada offre plusieurs services financiers aux exportateurs. Le plus connu est l'assurance crédit. Mais elle offre aussi des garanties bancaires, de l'assurance risques politiques et de l'assurance cautionnement.
À l'occasion d'une entrevue accordée à Les Affaires, Benoit Daignault a indiqué qu'il fallait «augmenter de façon substantielle» le nombre et les activités des PME exportatrices canadiennes. Pas seulement vers les États-Unis, mais aussi dans les pays émergents.
C'est là-bas, selon l'homme de 52 ans, qu'il faut diriger leurs efforts à long terme, même si ces pays manquent de souffle actuellement et que la reprise est américaine.
«ll ne faut pas attendre que cela reprenne dans les pays émergents, c'est maintenant qu'il faut y aller», lance M. Daignault. La reprise économique aux États-Unis entraînera une croissance dans les pays émergents, dans 6 à 18 mois, croit-il. Cette reprise ne sera certes pas aussi puissante qu'avant et variera selon les secteurs d'activité. Mais il est important pour les exportateurs canadiens, qui ne représentent qu'un maigre 4 % du nombre total d'entreprises au pays à l'heure actuelle, de diversifier leurs marchés.
«Dans le secteur minier, il faut lorgner l'Afrique. Dans l'aérospatiale, c'est l'Asie. Dans les biens de consommation, l'Asie et certains pays d'Amérique latine, comme la Colombie», donne-t-il en exemple.
Dans le secteur manufacturier, les occasions d'exportation sont fortes aux États-Unis et au Mexique.
Courtiser les intégrateurs
En ce qui concerne le secteur des technologies des communications, les exportateurs québécois n'ont pas le choix que de passer par des intégrateurs mondiaux. C'est aussi ce que font de plus en plus de manufacturiers.
EDC a d'ailleurs une stratégie concernant les intégrateurs mondiaux. Elle les courtise, qu'ils soient au Canada ou ailleurs, pour les inciter à acheter canadien. En 2014, une somme record de 12 milliards de dollars en prêts a été réservée à cette stratégie. «Nous leur prêtons de l'argent au taux du marché, tout en leur indiquant des fournisseurs canadiens», explique M. Daignault, qui dit l'avoir fait avec des sociétés comme Ericsson et Alcatel. «Notre raisonnement est le suivant : si nous prêtons 1 $ à un intégrateur étranger mais que, grâce à cela, il achète dans cinq ans pour 1,56 $ de produits canadiens, le but est atteint.» Cette stratégie est importante pour le Québec, dans la mesure où son tissu industriel est constitué de PME.
EDC emploie la même stratégie avec les fonds d'investissements étrangers, «ce qui augmente la panoplie de nos relations», fait valoir celui qui a fait partie de la haute direction de GE Capital avant de devenir vice-président prêts d'EDC, puis président et chef de la direction.
L'autre gros effort d'EDC sous le nouveau règne de Benoit Daignault réside dans la simplification de ses processus. Une nécessité, croit-il. «Ce qu'on entend des exportateurs, c'est : "Oui j'ai besoin de vous", mais en même temps, si c'est trop complexe et prend trop de temps, on perd les gens.»
D'où l'annonce cette semaine de la nouvelle plateforme en temps réel.
Ajouter de la valeur aux entreprises
Avant tout, Benoit Daignault doit démontrer aux PME qu'EDC n'est pas seulement «la banque de Bombardier».
Le défi est d'augmenter la visibilité de l'agence, malgré un modèle d'activité qui ne lui donne pas d'accès direct aux exportateurs, puisqu'il consiste à passer par les institutions financières pour servir ses clients.
«Les entrepreneurs qui nous connaissent nous adorent, mais nous demeurons peu connus, affirme M. Daignault. On a un bon travail de communication à faire.»
Bilingue, natif de Montréal, diplômé de HEC Montréal, Benoit Daignault se promet d'améliorer les choses au Québec. «Je veux que, dans cinq ans, la communauté des PME québécoises me dise qu'EDC a ajouté de la valeur à leur société.»
Benoit Daignault, Président et chef de la direction, Exportation et Développement Canada
Natif de Montréal, diplômé de HEC, M. Daignault est entré à EDC en 2004, où il a été premier vice-président développement des affaires, puis premier vice-président, responsable du Groupe du financement et des investissements. Avant de se joindre à EDC, l'homme de 52 ans a passé plus de 10 ans chez General Electric Capital, où il a exercé des fonctions à responsabilités croissantes tant au Canada qu'aux États-Unis.
4 %: Pourcentage des entreprises canadiennes qui exportaient en 2013.
46: Actifs d’EDC, en milliards de dollars, au troisième trimestre de 2014.
7 165: Nombre de clients d’EDC en 2013. De ce nombre, 77 % sont des PME.
90 %: Pourcentage des transactions – assurance crédit, garanties bancaires, assurance risques politiques et assurance cautionnement – réalisées en partenariat avec des institutions financières.
Source: EDC