Yves Pigneur, coauteur suisse du livre à succès Business Model Generation, récidive avec l'ouvrage Value Proposition Design. Nous l'avons interviewé lors de son passage à Montréal.Les Affaires - Quelle distinction faites-vous entre le plan d'affaires traditionnel et le business model [modèle d'entreprise] que vous décriviez dans Business Model Generation ?
Yves Pigneur - Le plan d'affaires constitue une planification de ce qu'on compte faire, qui s'exprime notamment par une série d'estimation de coûts, de revenus et de bénéfices. Le plan était l'instrument principal des entrepreneurs il y a 15 ans. Le business model décrit, lui, l'ADN d'une entreprise en gestation. En principe, il devrait mener au business plan [plan d'affaires]. Et non le contraire.
L.A. - Le business model est aujourd'hui enseigné partout. Pourtant, le plan d'affaires est toujours utilisé. Le business model commence-t-il à s'imposer chez les banquiers ?
Y.P. - Bonne question. Jusqu'à il y a deux ou trois ans, les banques ne connaissaient que le plan d'affaires. Mais maintenant, on est en train de voir basculer assez fortement les pratiques des banquiers, sociétés de financement et capital-risqueurs. De plus en plus, au Québec comme en Californie, ceux-ci ne demandent plus à voir le plan d'affaires, mais d'abord le business model. Ils veulent comprendre l'entreprise, son histoire, son intuition du départ, sa logique d'évolution.
L.A. - La value proposition, dont traite votre nouveau livre, se trouve au coeur du business model. Comment la résumeriez-vous ?
Y.P. - En français, on peut parler de proposition de valeur. C'est en somme l'offre de produit que l'on fait au client et les différents bénéfices que ce dernier peut en tirer. Donc, au lieu de considérer uniquement le produit lui-même, il importe aussi d'inclure les bénéfices que le client pourra en retirer.
L.A. - Quel est l'élément le plus important quand vient le moment d'établir une proposition de valeur ?
Y.P. - C'est parvenir à trouver le produit ou le service qui répond à un besoin. Plutôt que de demander à un client ce qu'il veut, mieux vaut examiner ce qu'il fait et repérer, ce faisant, ses difficultés et aspirations. La meilleure proposition est celle qui saura réduire ses difficultés et accroître ses gains. Le livre propose un canevas qui permet d'y arriver.
L.A. - Quelle est l'erreur la plus courante d'une proposition de valeur ?
Y.P. - L'erreur la plus courante est d'offrir un produit ou un service dont le marché ne veut pas. Ça explique 40 % des échecs des jeunes entreprises. On n'a pas testé le marché, on n'a pas observé ou compris le client. Ensuite seulement, viennent les problèmes liés au manque de focus, aux mauvais recrutement et marketing.
L.A. - Votre premier livre a connu un succès planétaire. Qu'en est-il du second ?
Y.P. - Le premier livre, traduit en 30 langues, dépasse maintenant le million d'exemplaires vendus. C'est fantastique pour un livre de gestion. On ne s'y attendait pas du tout. À sa sortie il y a cinq ans, on rêvait à la blague d'atteindre les 50 000 exemplaires ! Pour ce qui est de Value Proposition Design, sorti en octobre, on parle déjà de ventes de quelques dizaines de milliers d'exemplaires. Mais nous ne le savons pas encore exactement.
L.A. - Ce dernier livre n'est offert qu'en anglais actuellement. Ne croyez- vous pas qu'il s'agit d'une faille à votre proposition de valeur ?
Y.P. - Ah, vous êtes coquin ! (Rires) Je répondrais quand même non, puisqu'une douzaine de traductions sont déjà en préparation. La première, en néerlandais, sortira en décembre. Les autres, dont en chinois, portugais, allemand, espagnol et japonais, sortiront à compter de janvier. La traduction française suivra en avril. On ne peut donc pas vraiment parler de faille de notre proposition de valeur !