Le nouveau président chinois, Xi Jinping, a invité ses compatriotes à la poursuite du "rêve chinois" - la "renaissance" d'une Chine prospère et puissante - mais son régime de parti unique devra veiller sur les défis qui l'attendent comme autant d'embûches sur la longue route de son mandat.
La nouvelle direction chinoise va "continuer à (se) battre pour la cause du socialisme aux couleurs de la Chine et pour réaliser le rêve d'une grande renaissance de la nation chinoise", a dit dimanche le chef de la deuxième puissance mondiale, en conclusion des travaux du Parlement.
Sa désignation à 59 ans à la tête de l'Etat en sa qualité de numéro un du Parti communiste chinois (PCC) est le point d'orgue d'une transition à la mécanique bien huilée, orchestrée depuis cinq ans.
Le "rêve chinois", expression lancée en décembre par Xi Jinping, remplace désormais la "société harmonieuse" chère à son prédécesseur Hu Jintao. Elle sera vraisemblablement le leitmotiv de son mandat, en principe de deux fois cinq ans.
Comme la "renaissance chinoise", elle fait référence au déclin de la Chine "humiliée" au 19e siècle par les guerres de l'opium (1839-60) contre la Grande-Bretagne et la France, selon l'historiographie officielle, plus discrète sur le cortège des effroyables guerres civiles qui se sont succédées jusqu'à la prise de pouvoir par Mao en 1949. La plus sanglante, celle des Taiping (1851-1864), a fait de 20 à 30 millions de morts.
En 2010, la Chine, après trois décennies de croissance à deux chiffres, a ravi au Japon le statut de deuxième puissance économique mondiale, preuve que la "renaissance" est bien en marche.
"Si l'on regarde Xi Jinping, il y a des raisons de penser qu'il croit que la Chine est maintenant une grande puissance et qu'elle doit se comporter comme telle", estime Scott Harold, spécialiste à la Rand Corporation américaine.
Mais si la Chine dispute aujourd'hui avec vigueur au Japon la souveraineté de l'archipel des Diaoyu/Senkaku, elle affiche en revanche une singulière impuissance à peser sur la course à l'armement nucléaire de son voisin et allié, la Corée du Nord.
Et au congrès du PCC de novembre dernier, le prédécesseur de Xi Jinping, Hu Jintao, prévenait que la corruption qui ravage les rangs du parti unique était telle qu'elle pourrait s'avérer "fatale" et provoquer "l'effondrement du Parti et de l'Etat". A sa suite, Xi Jinping enfonçait le clou et assurait qu'elle risquait de "tuer le Parti". Mais dans son discours de clôture dimanche, il est resté très allusif sur ce sujet brûlant qui, avec la pollution et l'insécurité alimentaire, préoccupe ses concitoyens internautes, de plus en plus frondeurs et impatients de réformes.
En 12 jours de travaux, l'Assemblée nationale populaire (ANP, parlement), chambre d'enregistrement des décisions du PCC, s'est contentée pour l'essentiel de mettre sur orbite la nouvelle direction, avec Li Keqiang pour nouveau Premier ministre et Wang Yi aux Affaires étrangères.
Li Keqiang a toutefois annoncé une réforme des camps de rééducation par le travail avant la fin de l'année et promis de combattre la pollution "d'une poigne de fer".
Grande absente, la réforme du système politique voulue par le PCC pour "l'amélioration du système démocratique". Sans doute parce que "la démocratie chinoise, c'est d'abord le maintien de la direction du Parti" communiste, dira sans fard à l'AFP le délégué Peng Tao.
Dans une Chine marquée par des arrêts de travail quasi quotidiens et de formidables inégalités, Xi Jinping a assuré que "tous les Chinois méritent d'égales possibilités de mener une vie prospère et de voir leurs rêves devenir réalité".
Son mandat porte sur la mise en oeuvre d'un "nouveau modèle de croissance" tourné vers la consommation plus que les exportations, avec pour objectif d'ici 2020 le doublement du PIB et du revenu par tête, actuellement de quelque 3.500 dollars/an dans les villes.
Le "rêve chinois" est devenu "un thème majeur de propagande", note Jean-Pierre Cabestan, spécialiste à l'Université baptiste de Hong Kong, mais "on ferait mieux de se préparer à voir des divergences et des conflits d'interprétation" à son sujet, prévient-il, allusion aux fragilités de l'unité au sommet.
De fait, le "rêve" de Xi est d'abord de "redéfinir le rôle du Parti pour qu'il apparaisse plus uni à la population", estime David Zweig, professeur à l'Université des Sciences et Technologie de Hong Kong.