Confrontée à une vive concurrence dans le marché des traiteurs, la Maison Carrier Besson a dû se réinventer, et vite, pour survivre. Incapable de rivaliser avec les prix de certains géants de l'alimentation, la montréalaise a dû créer sa propre recette. Au menu : miser sur le spectaculaire et développer un nouveau marché, celui de la livraison haut de gamme. Résultat, une croissance d'au moins 10 % par année depuis cinq ans.
«Le marché change à la vitesse grand V, constate David Carrier, président de la Maison Carrier Besson. Il y a moins d'argent dépensé dans la restauration, donc les restaurants, les supermarchés, et même Costco, offrent des services de traiteur... Je ne peux tout simplement pas les battre sur les prix.»
Vrai, on dépense de moins en moins d'argent en restauration au Québec. Selon l'Association des restaurateurs du Québec, le Québécois a dépensé en moyenne 958 $ en restauration en 2013, 32 $ de moins qu'en 2001.
«Beaucoup ont dû fermer leurs portes dans les dernières années, et plusieurs autres sont en difficulté», affirme Franco Parreira, président de l'Association des traiteurs professionnels du Québec et pdg de Parreira Traiteur. «Nous devons aussi nous battre contre les particuliers qui s'improvisent traiteurs à partir de leurs domiciles.»
L'antithèse de Costco
La guerre des prix étant perdue d'avance, «nous devons nous différencier par la créativité et par la qualité, dit M. Parreira. Nous avons aussi développé une expertise pour être capables de gérer des événements, où qu'ils soient.»
Une différenciation qui passe aussi par l'image de marque. «Nous avons une politique de développement durable, explique David Carrier. Et nous avons de très hautes normes d'hygiène. La clé, c'est d'axer sur le métier de traiteur. Nous voulons que les gens mangent bien, que ce soit santé.» L'entreprise s'est notamment entourée de personnalités telles que le sommelier François Chartier et la nutritionniste Isabelle Huot pour l'aider à composer son menu.
«Il y a une grande différence entre nourrir les gens et recevoir», estime-t-il. C'est d'ailleurs la mission de l'une des marques de l'entreprise, Agnus Dei, qui se spécialise dans l'organisation d'événements culinaires. «Nous voulons mettre du feu dans les yeux de nos clients, créer une expérience», explique le président. Rien de moins.
Parmi les événements dont l'entreprise s'est chargée : le Gala de l'ADISQ, la Coupe Rogers, et C2 Montréal. Pour chacun d'entre eux, l'équipe d'une centaine d'employés (plus 200 employés à temps partiel) se fait un devoir d'intégrer une thématique, ou à tout le moins, des éléments qui sortent de l'ordinaire. Que ce soit un gâteau décoré et signé par Armand Vaillancourt ou une table de desserts en forme de court de tennis.
Exploiter de nouveaux marchés
Outre les événements d'envergure, la Maison Carrier Besson se spécialise également à titre de traiteur d'entreprise. Sous la marque «Avec Plaisirs», elle offre dîners et déjeuners d'affaires. La livraison de la commande, qu'elle soit pour une personne ou pour un groupe, est faite en moins de deux heures, et les plats santé coûtent de 15 à 30 $.
«Je pense que la tendance du "bon goût" va continuer de grandir», soutient M. Carrier. C'est un peu mon blue ocean [une stratégie qui consiste à entreprendre dans des marchés encore neufs]. Il n'y a pas beaucoup de haut de gamme qui se livre. Si on veut bien manger à l'heure actuelle, il faut que aller au resto ou préparer le repas soi-même. Nous sommes un peu comme du St-Hubert de luxe.»
Afin de réaliser cette vision, l'entreprise a intégré toutes ses activités dans le même immeuble, qu'elle occupe depuis trois mois à peine.
Ainsi, toutes les cuisines et tous les bureaux sont regroupés à la même adresse. La logistique est simplifiée et la synergie est amplifiée. Selon les estimations de l'entreprise, la superficie de 2 700 m² qu'elle occupe actuellement est de 30 % plus vaste que tous ses locaux éparpillés auparavant et la capacité de production a presque triplé depuis la concentration de ses activités.
Des gens de bon conseil
Autre clé de réussite : la mise sur pied d'un comité consultatif constitué de cinq personnes, afin de se préparer aux défis envisagés à moyen terme. «C'est un des meilleurs moves de ma vie», souligne M. Carrier. «Ils sont capables de me rappeler à l'ordre s'il le faut (rires).» Remanié chaque année, le comité est formé notamment d'Isabelle Dessureault (anciennement de Québecor) et de Michel Nadeau (anciennement de la Caisse de dépôt et placement du Québec).
La Maison Carrier Besson gère en outre La Scena, un espace événementiel dans le Vieux-Port, et elle vient de signer un contrat de restauration avec l'Hôtel 10. L'ouverture d'un comptoir ouvert au grand public dans ses bureaux est prévue pour septembre prochain.