L'entrepreneuriat se professionnalise. De plus en plus de candidats au MBA viennent chercher dans ce programme les notions fondamentales pour se lancer en affaires ou faire progresser leur entreprise.
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Vincent Cormier, 32 ans, vient de terminer son MBA à l'Université de Sherbrooke et est en recherche active d'une entreprise à racheter. C'était le but de l'ingénieur en production automatisée dès son inscription. «Je pensais que je n'étais pas outillé pour bien gérer mon entreprise. Étant donné ma formation initiale en génie, il me manquait des notions, notamment en finance et en ressources humaines. On a davantage confiance en soi quand on comprend son environnement d'affaires», explique le jeune homme, qui a profité de l'accompagnement d'un mentor spécialisé en fusions et acquisitions, mis à sa disposition par l'université.
Les nouveaux entrepreneurs sont de plus en plus nombreux à choisir, comme lui, de parfaire leur formation en gestion avant de se lancer en affaires. «La moitié de la cohorte qui a terminé son parcours en décembre dernier avait en tête la création d'une entreprise», note Jean-François Guertin, directeur des MBA de l'Université de Sherbrooke.
Mélissa Laberge, 25 ans, acheteuse dans l'entreprise familiale Canac à Québec, a beau avoir étudié en administration, elle a choisi de faire un MBA à l'Université Laval pour se préparer à tenir un jour les rênes de l'entreprise lorsque la deuxième génération de dirigeants prendra sa retraite dans une quinzaine d'années. Tandis que plusieurs enfants de la troisième génération sont intéressés par la relève et acquièrent tous leur expérience au sein de la quincaillerie, la jeune femme pense que son MBA pourrait être un atout «pour accéder à la haute direction» un jour. Il lui donne aussi une crédibilité. «Quand on est un enfant des dirigeants, il faut prouver qu'on est là pour nos compétences», confie-t-elle. Ce qu'elle a appris au MBA lui sert déjà, notamment dans la gestion des relations qu'elle sait fondamentale dans la transmission d'une entreprise familiale, le sujet de son travail de fin d'études.
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D'autres choisissent d'étudier au MBA au moment de faire croître leur entreprise, lorsque les enjeux deviennent plus complexes. Le MBA est en effet tout indiqué pour améliorer ses capacités en gestion grâce aux enseignements en finance, marketing, ressources humaines, comptabilité qui permettent d'acquérir les bases dans ces matières fondamentales. Les cas concrets analysés sont nombreux, et la plupart des MBA offrent des cours à option axés sur l'entrepreneuriat.
Un passage obligé ?
Est-ce pour autant souhaitable, voire un passage obligé, pour un entrepreneur de faire un MBA ? Sur ce point, les avis divergent. Il y a ceux qui considèrent que l'entrepreneuriat est une passion et que les qualités d'entrepreneur sont innées. «L'entrepreneuriat, ça se vit. Il faut de l'action pour acquérir de l'expérience, même si une formation quelle qu'elle soit est toujours très utile», lance Alain Aubut, ex-pdg de la Fondation de l'entrepreneurship et nouveau président de la Chambre de commerce et d'industrie de Québec.
Certes, une formation en gestion ne fait pas de mal, mais elle n'est pas indispensable, du moins sous cette forme. C'est l'avis de Katia Renaud, directrice du développement pédagogique et cofondatrice de l'École d'entrepreneurship de Beauce (EEB). «L'acte d'entreprendre part d'une émotion. C'est elle qui fait passer à l'action. Si un bagage de connaissances est très utile à un chef d'entreprise pour développer ses affaires, il doit consacrer toute son énergie et son temps à concrétiser sa vision. Il apprendra les compétences de gestion sur le tas. Le MBA, en exigeant beaucoup d'investissement en temps et en argent, pourrait même étouffer l'énergie nécessaire à la création d'entreprise», selon Katia Renaud, qui estime que la meilleure façon pour un entrepreneur de se former est par le transfert d'expérience, principe sur lequel est basée l'EEB qu'elle a cofondée.
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Former un entrepreneur, vraiment ?
Michael Wybo, directeur des programmes de MBA à HEC Montréal, va encore plus loin. L'établissement n'offre pas de parcours spécifique à l'entrepreneuriat. «On pourrait ajuster sûrement un peu nos apprentissages aux besoins des chefs d'entreprise. Mais peut-on former un entrepreneur ?»
Néanmoins, le programme de HEC Montréal, au-delà de la vision stratégique qu'il insuffle aux étudiants, «est axé sur les qualités de l'entrepreneur : compassion, aptitudes, persévérance, communication, etc.», énumère Michael Wybo. Le nouveau programme comprend des modules fréquents axés sur le développement du leadership dont a besoin un chef d'entreprise.
Pendant longtemps, les chefs d'entreprise étaient des autodidactes, des experts dans leur domaine qui, voyant une occasion de faire des affaires, lançaient leur entreprise et la faisaient vivre avec les moyens du bord. «L'ancien modèle d'entrepreneur, c'est la personne à tout faire dans une entreprise artisanale de 10 employés», rappelle Richard-Marc Lacasse, professeur de stratégie et d'entrepreneurship au campus de Lévis de l'Université du Québec à Rimouski (UQAR).
Mais «quand les entreprises grandissent et ont 50 employés ou plus, il faut qu'elles passent à un management professionnel, affirme Berthe Lambert, directrice des programmes CPA-MBA et MBA pour cadres de l'UQAR. Avant, les dirigeants étaient des hommes-orchestres.» Aujourd'hui, est-il encore possible de gérer une entreprise ainsi ?
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«Les entrepreneurs n'ont pas le choix de se former, et le MBA est une bonne voie pour le faire : la mondialisation, le niveau de technologie, la compétition sont devenus trop élevés pour qu'ils laissent leur formation au hasard», affirme Michel Bundock, premier vice-président du Groupement des chefs d'entreprise du Québec, finissant de l'EMBA McGill - HEC Montréal. Force est de constater que beaucoup de créations d'entreprise sont un échec : 43,9 % des propriétaires d'entreprise en ont fermé une durant les trois premières années d'existence, selon l'Indice entrepreneurial de la Fondation de l'entrepreneurship 2014. De plus, le taux de survie des nouvelles entreprises de cinq employés et plus est seulement de 50,6 % après cinq ans d'existence1.
L'entrepreneuriat se professionnalise
C'est peut-être cette réalité qui pousse les jeunes entrepreneurs à partir en affaires avec pour bagage une formation en gestion, constate Maripier Tremblay, titulaire de la Chaire en entrepreneuriat et innovation à la Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval. «C'est une bonne chose, dit l'experte, car cela fait longtemps qu'on dit qu'il faut une base de gestion pour lancer une entreprise (notion du marché, des besoins, de l'importance d'avoir une planification, etc.). Parfois, l'entrepreneur est très technique et il en oublie les autres aspects du développement de son entreprise.»
Manque de planification, d'organisation, d'investissement, d'ouverture vers l'exportation : les maux des PME québécoises viennent en partie des lacunes de formation de leurs dirigeants. «La croissance d'une entreprise est liée à celle de l'entrepreneur. Si la dimension de son leadership reste au niveau du gestionnaire, l'entreprise restera au niveau de la gestion, met en garde Edmée Métivier, ex-vice-présidente exécutive financement et consultation de la Banque de développement du Canada et actuellement chef de la direction de la Fondation des maladies du coeur et de l'AVC. Or, la croissance de l'entrepreneur passe par une formation théorique, pas seulement par l'intuition. Aujourd'hui, l'entrepreneuriat se professionnalise.» Les chefs d'entreprise peuvent se former de différentes manières, mais «aujourd'hui, le mot d'ordre dans la gestion, c'est le MBA», dit Maripier Tremblay.
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Une question de crédibilité
Cette formation apporte en effet plusieurs atouts au-delà des enseignements théoriques et pratiques dispensés. Le parcours permet aux étudiants «de savoir par quoi ils vont passer en créant leur entreprise, à calculer leurs risques, estime Berthe Lambert. On les fait réfléchir à la structure juridique qu'ils choisiront, au financement dont ils auront besoin, etc.» Le MBA procède également par cas concrets à analyser et des problématiques à résoudre, souvent d'entreprises réelles. «Cela leur donne l'occasion de tester des choses dans un milieu sécurisé», indique Maripier Tremblay.
Le MBA apporte également une crédibilité. Un atout de taille notamment pour ceux qui viennent d'un milieu éloigné du monde des affaires, tels que les scientifiques ou les ingénieurs. Pouvoir arborer son MBA est aussi utile à ceux qui sollicitent des fonds de capitaux de risque, dont l'octroi est très lié à la qualité de l'équipe de direction.
Bref, si le MBA ne fait pas à lui seul un bon entrepreneur, il peut donner confiance à ceux qui veulent le devenir et fournir quelques clés pour prendre du recul et faire les bons choix.
1 « Taux de survie des nouvelles entreprises au Québec », édition 2008, ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation.
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