Qui aurait pensé que la PME fondée en 1968 par Gilles Soucy à Drummondville deviendrait un jour un fournisseur mondial de chenilles en caoutchouc pour les véhicules agricoles ?
L'entreprise a démarré par la vente de matériel destiné aux motoneiges. Puis, elle s'est orientée vers un secteur de niche à haute valeur ajoutée : la fabrication de chenilles en caoutchouc pour les secteurs industriel, militaire et agricole.
Ce changement, elle le doit à la vision de son fondateur. «Gilles Soucy a une âme d'entrepreneur. Il a compris très vite que, pour générer de la croissance, il fallait que nous développions notre propre produit», explique Éric Côté, président du groupe et neveu du fondateur.
La PME décide très vite de se spécialiser dans la conception de chenilles en caoutchouc qui s'adaptent à différents types de véhicules. Ce produit «unique au monde» lui confère un avantage concurrentiel important pour conquérir plusieurs marchés.
«Comme les coûts de développement d'une telle technologie étaient très élevés, nous avons décidé d'en profiter pour adapter notre produit à plusieurs domaines», résume Éric Côté.
La firme rachète des acteurs importants afin de renforcer son expertise dans le domaine du plastique. En 1987, elle acquiert Plastiques Prospect, qui deviendra le pilier de sa division Soucy Plastiques. En 1998, elle complète l'achat des actions de Techno et rafle un important contrat pour la conception des chenilles pour le véhicule articulé de la singapourienne STK.
En 2004, le rachat de la division chenilles en caoutchouc du fabricant suédois Skega l'aidera à consolider sa place sur le marché de l'aéronautique et de la sécurité et défense.
Croissance par l'innovation
Mais l'entreprise a d'autres visées. «Nous savions que notre technologie était en mesure de répondre aux besoins des agriculteurs, qui doivent rouler sur des terrains difficiles. Nous avons donc décidé de l'adapter à ce marché», dit André Todd, directeur général de Soucy International. Mais Soucy devait convaincre les agriculteurs d'adopter cette technologie.
«Nous avons choisi de commencer localement, en essayant de convaincre un premier utilisateur québécois, avant d'aborder l'international. Il fallait établir une relation de confiance pour que nos clients puissent tester et adopter nos produits, en assurant une prise en charge et une maintenance des bris impeccables», se souvient André Todd.
Petit à petit, la PME a déployé son réseau de distribution en négociant des ententes avec des revendeurs de matériel agricole sur tous les continents : Europe, Asie, Afrique du Sud...
Le site Web consacré aux produits agricoles (www.soucy-track.com) a été déterminant pour attirer la clientèle étrangère. «Nous avons reçu des demandes de la part de plusieurs agriculteurs de partout dans le monde, qui avaient découvert notre technologie sur Internet», dit Éric Côté.
L'internationalisation amène son lot de contraintes. En Angleterre, par exemple, les agriculteurs utilisent leurs tracteurs surtout dans les champs, tandis qu'en Europe de l'Est, les distances entre les champs sont plus grandes. «Pour ces pays, nous avons dû développer des chenilles capables de supporter des heures de route à plus grande vitesse», explique André Todd.
Des cycles de 12 à 24 mois en moyenne ont été nécessaires pour adapter le produit à chaque marché. Pour cela, Soucy International a recruté une cinquantaine d'ingénieurs en R-D.
L'an dernier, l'entreprise a annoncé des investissements de 82 millions de dollars sur l'ensemble de sa chaîne de montage. «Cela nous permettra de créer plus de 300 emplois et de continuer à développer nos marchés», dit Éric Côté. Plus de 150 emplois ont déjà été créés depuis deux ans. Le groupe espère atteindre une croissance annuelle de 5 à 10 % d'ici les trois à cinq prochaines années.
Aujourd'hui, Soucy International vend ses produits agricoles partout dans le monde. La firme possède sept divisions, emploie près de 1 250 personnes en Amérique du Nord et en Europe, et exploite une usine en Asie.
«Nous sommes dans une phase de transition. Notre fondateur, Gilles Soucy, se tient à distance pour faire place à la relève. Nous devons maintenant veiller à ce que sa vision soit pérennisée», dit Éric Côté.
UNE VISION GLOBALE QUI CHANGE TOUT
Trop souvent, les PME se précipitent sur un nouveau marché lorsqu'elles reçoivent une demande d'un client potentiel. Or, avant de se lancer, elles doivent bien mesurer les risques pour éviter de se fragiliser.
«Les PME [qui veulent conquérir un nouveau marché] doivent d'abord apprendre à bien se connaître afin de déterminer si elles sont prêtes à exporter. Ont-elles les ressources financières disponibles ? Leur main-d'oeuvre est-elle préparée et bilingue ?» indique Mélanie Abdel-Malak, directrice du développement des marchés extérieurs de Québec International.
Car si plusieurs marchés peuvent s'avérer intéressants, le plus difficile reste souvent de trancher entre les différentes occasions d'affaires qui se présentent.
«Les dirigeants de PME ne prennent pas toujours le temps de développer une vision sur deux à trois ans. Lorsqu'une crise externe survient, l'absence de plan à long terme peut leur coûter très cher», rappelle Mme Abdel-Malak.
Elle conseille de s'entourer d'experts externes, en particulier d'un conseiller juridique pour bâtir un plan d'exportation, et de se rendre sur le terrain pour bien connaître le marché. «Participer à des foires et à des missions internationales aide à se constituer un réseau et à établir des partenariats ou des ententes de distribution», résume-t-elle.
Les enjeux des pays émergents
Dans la région de Québec, un millier d'entreprises ont sauté le pas en 2007, selon l'Institut de la statistique du Québec.
Le fabricant québécois d'appareils épilatoires, Dectron, s'est servi d'une base en Espagne pour étendre ensuite progressivement son réseau en Europe.
TeraXion a choisi pour sa part de se développer en Chine sur le marché des télécoms. «Pour faire face aux enjeux de confidentialité, elle a décidé de ne pas réaliser la fabrication de tous les composants sur un même site», cite Mme Abdel-Malak.
Si les États-Unis restent un marché porteur pour les PME québécoises, les pays émergents présentent eux aussi des occasions. Mais ils ne doivent pas constituer le premier marché visé. «Le rendement de l'investissement peut prendre plusieurs années. Mieux vaut donc commencer par développer son marché localement afin de pouvoir ensuite financer son développement à l'international», prévient l'experte.
L'objectif
Conquérir de nouveaux marchés en adaptant à d'autres types de véhicules une technologie de niche à haute valeur ajoutée.
Le défi
Réussir à adapter son produit aux besoins de plusieurs marchés, en tenant compte des besoins et des habitudes de travail de ses clients.
Le résultat
Après avoir investi 82 M$ dans la modernisation de ses usines, Soucy International projette de réaliser une croissance de 5 à 10 % par an au cours des trois à cinq prochaines années.