SÉRIE 5 / 6. C'est bien connu, quand on a atteint un sommet, on n'a fait que la moitié du chemin : il faut ensuite redescendre. «Et la descente est bien souvent plus périlleuse que la montée», souligne Bernard Voyer.
PLUS : L'art de prendre un virage (l'intégrale de la série)
Bernard Voyer sait de quoi il parle, il est l'un des plus grands aventuriers canadiens. Ce natif de Rimouski a connu les Alpes, les Rocheuses, les montagnes d'Afrique et même le désert du Sahara. Mais la neige, la glace et le froid sont ses éléments de prédilection. Dans les années 1990, il a notamment traversé l'Île Ellesmere ; il s'est rendu au pôle Nord, puis au pôle Sud ; il a traversé le Groënland ; et il a atteint le sommet de l'Everest. Autant d'expéditions exemplaires et d'histoires fascinantes qu'il se plaît aujourd'hui à partager à longueur d'année avec les autres, étant devenu aujourd'hui un conférencier qu'on s'arrache dans le monde entier.
Pourquoi la descente présente-t-elle des dangers? Tout d'abord pour des raisons techniques : les passages complexes le demeurent, qu'on les prenne dans un sens ou dans l'autre. Ensuite, pour des raisons physiques : on vient tout juste de donner le maximum de soi-même pour parvenir au sommet, et voilà qu'il faut trouver de nouvelles ressources pour entamer la descente. Enfin, pour des raisons psychologiques : certains ont tendance à se relâcher, à se montrer moins vigilants, croyant à tort avoir accompli le plus dur.
«L'important est alors de se remotiver. Je me souviens que pour l'expédition du Pôle Sud, je recourais à une sorte de mantra qui me permettait d'avancer, même si je n'avais plus de force, tant à l'aller qu'au retour. Je me disais sans cesse : "Le pas qui est fait n'est plus à refaire. Le pas qui est fait n'est plus à refaire. Le pas qui est fait n'est plus à refaire. Etc."», raconte-t-il. Et d'ajouter : «Quand tout est ramené à un simple pas, c'est qu'on est vraiment fatigué. Mais qu'est-ce que j'en ai fais, des pas, grâce à ce truc!»
M. Voyer usait également d'une autre astuce pour se motiver à aller toujours plus loin : il célébrait chaque petite étape qu'il se fixait et parvenait à franchir. «Par exemple, je sautais dans les bras de mes compagnons d'expédition chaque fois qu'on faisait 100 pas. Ces 100 pas peuvent paraître ridicules, mais pour nous, c'était une victoire. C'était quelque chose qui nous appartenait, que personne ne pourrait jamais nous retirer», dit-il.
Sur le chemin du retour, un autre phénomène se produit : on se projette dans le futur. On réalise tout doucement qu'on a atteint l'objectif que l'on s'était fixé et dont on avait rêvé depuis tant de temps, et de nouvelles idées se mettent à apparaître, presque d'elles-mêmes. «Quand on est en haut de l'Everest, que voit-on? D'autres sommets, plein d'autres sommets. Et ça, ça donne des idées de nouvelles expéditions, plein d'idées», dit l'explorateur, des étincelles dans les yeux.
Bref, on se projette dans le futur, vers de nouvelles aventures. «La réussite est un incubateur de projets», résume M. Voyer.
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Que dégager des enseignements de Bernard Voyer? Un parallèle entre les périls de la descente d'une montagne gravie et ceux liés à la fin d'un tournant en moto, dans le cadre de notre série "L'art de prendre un virage".
Ainsi, lorsqu'un motard termine un tournant, il passe de la "zone de sollicitation" à la "zone de reprise de stabilité".
La zone de reprise de stabilité? C'est le moment où l'on sort du virage, où il faut se remettre droit et anticiper la prochaine courbe. Et ce, tout en remettant les gaz.
Le franchissement de cette zone est plus technique qu'on l'imagine a priori. L'important, c'est de porter son regard au loin, à la découverte de ce qui va suivre. Un prochain virage à gauche? Un prochain virage à droite? Une longue ligne droite sans obstacle? Le savoir permet de bien repositionner sa moto et de bien doser son accélération.
Un conseil toutefois est généralement prodigué aux débutants, ici à ceux qui prennent un virage majeur pour la première fois de leur vie : ne pas accélérer trop vite. L'idéal est d'y aller modérément, sinon on risque de mal s'engager dans le virage suivant, même s'il est mineur.
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