Adolescente, elle passait ses vacances estivales à désherber, à genoux, les platebandes des différentes usines de Cascades, à Kingsey Falls. Aujourd'hui, la fille d'Alain Lemaire, cofondateur d'une des plus grandes réussites du Québec inc., dirige le service des affaires publiques de Boralex, société soeur de Cascades.
«Chez nous, on pouvait choisir de faire ce que l'on voulait, mais le travail n'était pas négociable ! Pas question à 14 ans de s'amuser un été durant à ne rien faire ! Si on ne trouvait pas de boulot ailleurs, on travaillait chez Cascades.»
Vingt-trois ans plus tard, Patricia Lemaire relate cette époque sans aucune amertume, fière de ses racines familiales et des valeurs de «travail, de persévérance, de respect et d'humilité», reçues de son enfance.
«Je ne me vante jamais d'être une Lemaire. Mais je ne m'en cache jamais non plus. Les choses seraient peut-être différentes si ma famille avait oeuvré, par exemple, dans l'industrie du tabac. Mais comme ce n'est pas le cas, cela ne me cause aucun problème.»
Après avoir obtenu un baccalauréat en droit à l'Université de Sherbrooke et pratiqué quelques années, notamment pour la Commission des normes du travail, la jeune avocate retourne aux études en gestion et en relations publiques. «J'ai haï le droit, résume-t-elle. Ce n'était pas pour moi.»
C'est à titre de spécialiste des communications d'entreprise que Patricia, la deuxième d'une famille de trois - elle a deux soeurs, Valérie et Isabelle -, fait ses premiers pas chez Cascades pour vite s'installer, en 2006, au poste de directrice des affaires publiques et des communications de Boralex.
Fondée en 1982 par son oncle Bernard Lemaire, Boralex est aujourd'hui une société de production d'énergie éolienne, hydroélectrique, thermique et solaire, inscrite à la Bourse de Toronto. L'entreprise de 200 employés, dont 35 % des actions sont toujours contrôlées par Cascades, exploite un parc d'une puissance excédant les 650 MW, au Canada, aux États-Unis et en France.
«À ce moment-ci de ma carrière, je ne me verrais pas travailler ailleurs. Nous sommes une PME de taille que je trouve confortable, affirme Mme Lemaire, 37 ans, niant du même souffle que Boralex puisse n'être pour elle qu'un club-école la préparant à des fonctions plus importantes chez Cascades.
«Est-ce que je vise à devenir présidente de Cascades ? Ce n'est absolument pas mon objectif. Est-ce que j'estime que je serais aujourd'hui suffisamment compétente pour occuper un tel poste ? Absolument pas», répond-elle du tac au tac, ajoutant qu'une telle responsabilité devait se mériter.
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Entrepreneuriat : des inquiétudes
Cascades est dirigée depuis peu par Mario Plourde, 52 ans, un poste jusque-là toujours occupé par un des trois frères Lemaire. Boralex, quant à elle, est dirigée par Patrick Lemaire, 50 ans, cousin de Patricia et fils de son oncle Bernard Lemaire.
Plus globalement, Patricia Lemaire s'inquiète de la chute du taux d'entrepreneuriat au Québec. «Je ne sais pas si notre génération sera aussi désireuse de bâtir que l'a été la génération précédente. Est-ce la peur du risque ? A-t-on été trop gâtés ? Je ne sais pas. Mais je trouve cela préoccupant.»
Pour la femme, aujourd'hui mère de deux jeunes enfants, la succession des entreprises du Québec inc. ne devrait pas revenir d'office aux enfants de leurs fondateurs. Même si, croit-elle, ceux-ci profitent d'avantages certains sur les autres. Au-delà de leurs liens de sang, ils bénéficient, dit-elle, d'une connaissance plus intime de l'entreprise. «Par exemple, les valeurs de Cascades, on n'a pas besoin de me les expliquer. J'ai grandi avec elles, au point même, peut-être, de les incarner !»
«Quel sera mon rôle dans 10 ans ?» réfléchit-elle à haute voix. Elle répond qu'on ne devrait pas tenir pour acquis de la retrouver dans des fonctions nécessairement plus importantes.
D'autant que le nombre d'aspirants parmi les enfants des fondateurs est élevé. «Ce qui compte pour moi est de demeurer active dans l'entreprise et de me trouver dans une fonction, n'importe laquelle, où je pourrai le mieux mettre mes talents à contribution».
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