Doubler son chiffre d'affaires tous les cinq ans, c'est l'objectif poursuivi avec succès par la multinationale Premier Tech de Rivière-du-Loup depuis plusieurs années. À la fin de son année financière en février, la société active en horticulture, équipements industriels et technologies environnementales aura inscrit des revenus d'environ 575 M$, ce qui la poussera à dépasser le milliard en 2020.
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«Oui, nous visons le fameux milliard, avance le président et chef de l'exploitation de Premier Tech, Jean Bélanger. Mais il faut que ce soit profitable ! Il n'y a aucun intérêt à atteindre cet objectif de revenus si c'est pour perdre de l'argent. On ne sera bons que si on assure la pérennité de l'entreprise, tout en respectant notre culture.»
La feuille de route de l'entreprise de 92 ans est impressionnante. Dix-neuf acquisitions depuis 2008. Une équipe de 3 009 personnes dans 22 pays et des usines dans 13 d'entre eux. Un siège social à Rivière-du-Loup qui donne du travail à 800 «équipiers» - le terme «employé» est banni chez Premier Tech, tout comme le mot «étage» dans le bel immeuble contemporain louperivois, plutôt aménagé en secteurs. Une façon de combattre la hiérarchie, de reconnaître que le succès de l'entreprise vient de ceux qui oeuvrent autant sur le terrain qu'en laboratoire ou en comité de direction.
Depuis son retrait de la Bourse en 2007, après une présence de 20 ans, Premier Tech a une croissance annualisée qui oscille entre 12 et 14 %. Celle-ci est autant interne que par acquisitions, cette dernière se faisant en accéléré depuis 2008 et beaucoup en Europe. Les dernières transactions datent de l'automne 2014. Premier Tech a alors mis la main sur deux sociétés allemandes, Rewatec et Rota, spécialisées dans la récupération des eaux de pluie et le traitement décentralisé des eaux usées.
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«En 2008, on voyait une récession poindre à l'horizon. On ne prétendra pas avoir prévu que la crise serait aussi importante et comporterait autant de facettes. Mais on avait anticipé que, comme dans toutes les crises, des gens perdraient confiance et qu'à l'étape où nous étions, avec la profondeur organisationnelle que nous avions, il était temps de donner un coup sur le plan des acquisitions», explique Jean Bélanger, 49 ans, qui pilote l'entreprise aux côtés de son père Bernard, président du conseil et chef de la direction.
Les dirigeants de Premier Tech ont veillé à mettre en place un financement spécifique consacré aux acquisitions (prêts préautorisés de 55 millions de dollars, dont 25 M$ en provenance du Fonds de solidarité FTQ), de manière à pouvoir réagir vite face aux occasions qui allaient se présenter. Et l'équipe de direction a pris davantage de temps pour rencontrer les acteurs de l'industrie.
«On a toujours une conversation avec nos fournisseurs et concurrents. On les invite à nous visiter, et on les visite. On veut avoir cette conversation, ne serait-ce que pour mieux se connaître. Par moments, tu vas chercher des informations intéressantes, mais surtout, tu bâtis des ponts qui peuvent être utiles quand une personne songe à vendre son entreprise ou à créer une alliance stratégique. Alors, on s'est remis sur la route», raconte ce diplômé de Polytechnique en génie industriel.
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Des acquisitions très raisonnées
Avec son appétit pour la croissance, Premier Tech analyse toujours de sept à huit dossiers d'acquisitions à la fois. Mais ses critères de sélection sont serrés ; elle ne s'empiffre pas. La multinationale de Rivière-du-Loup se définit comme un bâtisseur et recherche des entreprises avec des équipes qui ont le même désir de grandir. Redresser des entreprises en difficulté ne la motive pas.
C'est le critère d'entrée. S'il est satisfait, il faut ensuite que l'acquisition réponde à un des trois «critères du milieu» : ajouter une maîtrise sur un produit, une plateforme technologique ou des connaissances qui peuvent évoluer, de manière à atteindre plus vite le marché que si PremierTech développait avec ses propres ressources ; ouvrir les portes sur un nouveau territoire ou segment de marché ; consolider un marché ou éliminer un concurrent - «le moins motivant des critères», selon Jean Bélanger.
Enfin, une fois passée cette grille, il reste l'analyse des risques, qui va bien au-delà de la survie financière de Premier Tech.
«On se demande ce qui arriverait si les choses ne se passaient pas aussi bien que prévu. Si, pour redonner du souffle à l'entreprise achetée, il faut investir toutes les ressources de Premier Tech - financières, intellectuelles et humaines -, aussi bien baisser la voilure et reculer. C'est déjà arrivé de trouver un projet gagnant sur le critère d'entrée et les trois du milieu, mais de reculer. On garde beaucoup de discipline financière et émotionnelle ; il ne faut pas tomber amoureux d'une transaction.»
Le système mis en place pour les acquisitions est similaire à celui de la planification stratégique chez Premier Tech : garder en équilibre les données et les faits, l'intuition et le vécu, puis l'expertise et l'ambition de tous les intervenants.
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«Notre ambition est importante, mais aussi celle des gens qui se joignent à nous. Quand on fait une acquisition, on rejoint une autre équipe de direction, car on n'a pas la philosophie de remplacer les gens. On met beaucoup d'efforts en vérification diligente pour s'assurer de l'adéquation de nos valeurs. On veut l'entreprise, ses produits et ses relations clients, mais tout ça existe grâce à des gens, ça n'est pas bâti par des logiciels ou des meubles», fait valoir M. Bélanger, qui s'assure de définir les plans d'intégration en collaboration avec les nouvelles équipes. Rien ne doit être imposé.
Grâce aux plus récentes acquisitions, Premier Tech réalisera 30 % de son chiffre d'affaires en Europe. Avec l'Amérique du Nord, c'est la deuxième assise forte de l'entreprise, et ces deux pôles généreront l'essentiel de la croissance d'ici 2020.
En Asie, la multinationale a fait une première acquisition au Sri Lanka en 2012, tout en renforçant sa présence en Inde et en Chine. On peut anticiper que le mouvement s'amplifiera et que le marché sud-américain sera aussi visé.
«Si on veut préparer l'horizon 2020-2025, il faut commencer à se placer dans les pays émergents comme on l'a fait en Europe en 2002. On y faisait des affaires depuis la fin des années 1980, mais on s'est vraiment implantés en 2002 avec des activités manufacturières, des bureaux et du personnel, au-delà des équipes de vente.»
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Patience et persévérance dans le recrutement
La croissance de Premier Tech se fait de manière équilibrée entre ses trois secteurs d'activité. Le Groupe Environnement créé en 1995 génère maintenant des revenus annuels de 135 M$, celui des équipements mis sur pied en 1989 atteint les 190 M$ de revenus, tandis que le traditionnel secteur horticulture est passé de 50 à 250 M$ depuis 1989, année où Jean Bélanger a rejoint son père au sein de l'entreprise familiale. Cette croissance équilibrée, dit le dirigeant, est le résultat du talent que l'entreprise a réussi à attirer au fil des ans. Un défi et une réussite en soi. Car recruter les meilleurs dans les domaines de pointe à Rivière-du-Loup demande patience et persévérance. «Pour quiconque, il y a des défis de recrutement. Pour nous, le plus exigeant est de trouver des gens qui ont un profil international, c'est-à-dire qui voyagent plus que deux fois par an. Ça veut dire des week-ends au travail, du décalage horaire fréquent, des périodes prolongées à l'étranger. Ce profil est plus facile à trouver en Europe et aux États-Unis qu'au Québec, où les gens sont plus craintifs face à ça», remarque Jean Bélanger.
Mais s'il est plus difficile de trouver le candidat talentueux, qui a le profil international et le goût de la région, Rivière-du-Loup a tout de même ses avantages par rapport à une métropole. Quand on décide de s'y installer, on a réfléchi longuement aux implications et on n'a pas forcément la possibilité de changer de boulot sans déménager de nouveau.
«Notre taux de rétention est de 90 %. On a cet avantage. Et puis, il y a des gens qui cherchent un profil d'entreprise comme la nôtre. On n'a pas la prétention d'être meilleur, mais on sait qui on cherche et on sait comment on veut vivre selon nos valeurs. Nos valeurs ne sont pas du langage marketing ni de la poudre aux yeux : elles sont sorties des tripes du leadership de l'entreprise, pas d'une boîte de consultants», affirme l'entrepreneur. La difficulté supplémentaire sur le plan du recrutement fait partie des discussions récurrentes de la haute direction de PremierTech, mais entre chercher comment mieux recruter et plier bagage pour s'installer à Montréal, le choix est simple.
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Un territoire accueillant
«On est nés ici et on considère que cet enracinement dans une région colore qui on est, notre culture et nos valeurs. On s'aime comme on est», affirme-t-il, ajoutant que l'entreprise travaille de concert avec la municipalité et la région pour rendre le territoire accueillant. Quand, lors des entrevues de départ (faites avec chaque employé qui s'en va), les dirigeants constatent que l'absence d'un parc urbain ou le manque de temps de glace à la patinoire a eu un impact, Premier Tech tend la main pour aider la ville à améliorer ses infrastructures.
Si l'entreprise s'était arrêtée aux difficultés d'être loin des grandes villes et des aéroports internationaux, jamais elle ne serait devenue un leader mondial. Jean Bélanger a toujours pensé qu'il vaut mieux investir ses énergies dans ce qu'on peut contrôler que perdre son temps à déplorer les manques.
«Quand j'ai commencé ma carrière, j'entendais trois commentaires : une entreprise internationale ne se bâtit pas en région, on ne peut pas attirer en quantité du monde intelligent et compétent en région et la R-D ne se fait pas en région. J'aurais pu me dire que c'était fini... Mais qu'est-ce qui m'empêchait alors de sauter dans ma voiture, de prendre l'avion à Mirabel pour aller en Europe ? Rien. Il fallait juste la volonté de conduire quatre heures pour m'y rendre», dit ce père de quatre enfants, qui est aujourd'hui entouré de 800 équipiers à Rivière-du-Loup - dont 200 scientifiques - dans une entreprise qui investit 17 M$ par an en R-D.
En présentant la vision 2020 aux équipiers, au début de 2014, Jean Bélanger a joué aux devinettes. Il montrait des chiffres sur un tableau. Que voulait dire 6 en 1989 ? C'était la force de l'équipe de vente et marketing. Aujourd'hui, elle a grimpé à 263 personnes. Trois cents mille, c'étaient les revenus du secteur équipement la première année d'exploitation. Il suffit de trois jours, maintenant, pour que ce secteur dépasse cette somme.
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«En jouant avec ces chiffres, je voulais montrer aux gens ce qu'ils ont pu faire. Ce ne sont pas les voisins qui ont fait ça, c'est nous ! Alors, imaginez ce qu'on peut faire avec notre force maintenant ! Imaginez notre potentiel ! On n'a pas le droit de ne pas avoir d'ambition. On n'a pas le droit de ne pas faire bon usage de ce qu'on a bâti et de ce qu'on nous donne aujourd'hui, de ce que les actionnaires et le conseil d'administration nous donnent comme outils et comme liberté de faire des erreurs et d'apprendre de nos erreurs, de bâtir l'avenir.»
90 % - Actions détenues par la famille Bélanger (10 % par des cadres)
575 M$ - Revenus prévus pour l'année financière se terminant en février 2015
3 009 - Employés répartis dans 22 pays (dont 1 000 au Québec)
Afrique: 33 employés
Amérique du Sud: 49 employés
EuropeL 527 employés
Asie: 527 employés
Amérique du Nord: 1 757 employés
ACTIVITÉS
Horticulture
Équipements industriels
Technologies environnementales
RIVIÈRE-DU-LOUP
Présence du siège social d'une multinationale dans une ville de 20 000 habitants.
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