L'industrie mondiale de l'informatique a les yeux tournés vers Rimouski, plus précisément vers ExoPC et ses trois employés. À la tête de l'entreprise, trois passionnés : Jacques Deplats, le designer, travaille sur l'identité visuelle et l'ergonomie ; Francis Lamontagne, un concessionnaire automobile mordu d'informatique, supervise les opérations. Le troisième, Jean-Baptiste Martinoli, l'idéateur, " un génie, une espèce de fouineur extrêmement intelligent, fou de robotique ", au dire de ses amis, est le cerveau de l'opération.
Ce fan d'ordinateur depuis son plus jeune âge a travaillé pendant plusieurs années en France avant de s'installer dans la région de Rimouski. Il y a une dizaine d'années, il invente le Mio, un langage de programmation rapide et puissant qui lui servira à réaliser son rêve : créer une machine simple à utiliser par tous. " La tablette tactile est vraiment une évolution logique pour moi : plus proche de l'utilisateur et plus mobile qu'un portable, et dont l'interaction physique se fait sans intermédiaire d'un clavier ou d'une souris ", dit-il. Le langage informatique qu'il a mis au point permet de réaliser cette prouesse. Le problème : jusqu'à récemment, les machines existantes n'étaient pas assez puissantes pour supporter cette technologie. Lorsqu'il entend Steve Jobs parler pour la première fois du iPad, il sait que l'heure est venue.
Des débuts à la réalisation
L'an dernier, il commence à assembler ses premières tablettes tactiles en bricolant des ordinateurs portables dans son sous-sol. Puis il confie la fabrication d'une deuxième génération de prototypes à Pegatron, un gros fabricant taïwanais. En novembre, il a en main une première tablette, perfectible mais fonctionnelle. Lorsque Apple annonce son iPad, en janvier 2010, il a déjà ouvert un site Internet où il présente un produit concurrent, version PC.
La tablette est prête, reste à la faire fabriquer. Après avoir jonglé avec l'idée d'ouvrir une usine dans la région, les entrepreneurs prennent un virage radical. Ils décident de délocaliser la production afin de s'aligner sur le prix d'Apple. Un ami rimouskois leur présente Shan Ahdoot, président du groupe québécois Hypertech qui a pour clients Microsoft et Intel. Après quelques mois de discussion, l'affaire est conclue.
La tablette québécoise sera assemblée à Taïwan par Pegatron. Pour le marché nord-américain, Ciara Tech, filiale d'Hypertech à Montréal, se chargera d'intégrer la mémoire et les logiciels dans les machines, de mener les tests et d'assurer le service à la clientèle. Cette entente permet à l'entreprise de garder la mainmise sur la qualité tout en profitant des réseaux de distribution de son partenaire.
La technologie sera vendue sous licence sur les autres marchés. Chaque licencié se chargera de développer le contenu local pour les utilisateurs. " En quelques mois, nous avons pu bâtir des partenariats avec les plus grands et mis au point un plan d'affaires qui nous permet de déployer notre solution de tablette tactile dans le monde entier, avec des partenaires locaux ", souligne M. Martinoli.
Un projet porté par la communauté
ExoPC vise à livrer ses premières tablettes au grand public à la mi-octobre. Originalité : un millier de machines sont réservées en primeur aux membres de la communauté qui ont contribué à la mise au point du produit dans le forum de l'entreprise. " Les membres nous ont poussés à nous améliorer. Chaque jour, nous recevions des dizaines de messages qui ont contribué à faire évoluer le produit ", raconte M. Lamontagne.
Le buzz créé sur Twitter, dans les blogues ainsi que dans les médias traditionnels dispense pour l'instant l'entreprise de devoir se payer de la publicité. Une économie appréciée. Le développement du produit a coûté près d'un million de dollars la première année. Le financement, purement privé, est fourni par un groupe d'associés.
La priorité est maintenant de livrer les premières machines. Une version améliorée de la tablette est déjà prévue au printemps. Forte du succès annoncé, la microentreprise garde cependant la tête froide. Pas question pour l'instant de s'associer avec un partenaire majeur. " On a demandé aux géants de nous laisser apprendre à marcher tout seul, indique M. Lamontagne. On est convaincus qu'être une entreprise locale n'empêche pas d'avoir un produit d'envergure mondiale. "