Lors de sa récente visite officielle au Québec, le président français François Hollande a appelé à la création d'un visa pour les entrepreneurs afin de faciliter le développement d'affaires de part et d'autre de l'Atlantique. Le premier ministre Philippe Couillard a appuyé cette idée, tout en rappelant le rôle joué par le gouvernement fédéral en matière d'immigration. Or, ce sont de jeunes entrepreneurs d'ici qui ont soufflé l'idée aux deux dirigeants.
Ce projet d'entente québéco-française émane de Winston Chan, président de la Clinique chiropratique Dr Winston Chan, et de Christian Bélair, président bientôt sortant du Regroupement des jeunes chambres du commerce du Québec. Les deux hommes ont représenté le Québec au Sommet de l'Alliance des jeunes entrepreneurs du G20, cet été en Australie. C'est là qu'est née l'idée de créer un visa d'entrepreneur dans tous les pays du G20.
La proposition d'entente qu'ils ont rédigée prévoit la possibilité pour les entrepreneurs québécois de moins de 40 ans de venir s'établir en France, grâce à un investissement minimal de 14 000 euros ; et pour leurs homologues français, de s'installer ici avec un avoir net de 30 000 $ (par rapport à 300 000 $ actuellement) et un montant minimal de 25 % des capitaux propres, à 20 000 $ (comparativement à 100 000 $ présentement).
Il est trop tôt pour savoir si les deux gouvernements tiendront compte de ces recommandations. Pour le moment, l'idée a plu aux dirigeants, mais il reste beaucoup de travail avant d'en arriver à l'implantation d'un programme. Christian Bélair et Winston Chan assurent qu'ils suivront attentivement ce dossier. «On espère qu'ils vont tenir compte de la situation des jeunes entrepreneurs, car c'est difficile d'avoir du capital pour investir quand on est jeune», souligne M. Chan.
Les jeunes composent le gros des troupes en matière de mobilité entre le Québec et la France. Chaque année, 14 000 Français de moins de 35 ans ont recours au programme de mobilité France-Canada, et beaucoup d'entre eux choisissent le Québec. Certains repartent, d'autres restent et créent même des entreprises. Des Québécois utilisent également ce programme, mais en moins grand nombre. De son côté, l'Office franco-québécois pour la jeunesse accompagne environ 10 000 jeunes de moins de 35 ans par an dans leur projet de mobilité professionnelle, dont de jeunes entrepreneurs.
Cela dit, même si la proposition d'entente prévoyait de soutenir spécifiquement les jeunes de moins de 40 ans, le visa d'entrepreneur, lorsqu'il verra concrètement le jour, ne sera pas réservé aux jeunes.
Accès au marché européen
Ce visa d'entrepreneur devrait permettre aux Québécois un accès simplifié et plus rapide au marché français. Ce dernier constitue une porte d'entrée sur un marché européen représentant plus de 300 millions de consommateurs.
En plus de voir les contraintes administratives s'alléger, les entrepreneurs québécois titulaires de ce visa devraient pouvoir bénéficier des mêmes programmes de financement et de soutien à l'entrepreneuriat que les Français, y compris ceux qu'offre l'Union européenne. «Les entreprises d'ici pourront participer à des appels d'offres européens et à des programmes européens de financement de R-D, explique Christian Bélair. Ce sera particulièrement intéressant pour les sociétés pharmaceutiques québécoises, car cette industrie demande beaucoup de R-D.»
L'entente bilatérale pourrait renforcer les économies du Québec et de la France par complémentarité. «La France possède un vrai savoir-faire en matière d'innovation. Mais si on sait innover, on ne sait pas financer le risque, indique Benoit Paget, l'un des entrepreneurs français présents lors de la rencontre entre jeunes entrepreneurs qui a eu lieu dans le cadre de la visite de François Hollande. La prise de risque n'est pas présente dans la culture française, contrairement à l'Amérique du Nord.»
Christian Bélair espère que le visa d'entrepreneur verra rapidement le jour. «Notre objectif est qu'il soit finalisé avant l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange, négocié entre le Canada et l'Union européenne, car une fois les portes ouvertes, toutes les provinces seront en concurrence, affirme-t-il. Grâce au visa d'entrepreneur, on pourra avoir une longueur d'avance.»
Pour accélérer le processus, des discussions ont été entreprises avec Axelle Lemaire, secrétaire d'État au numérique pour la France, afin de lancer un projet-pilote de collaboration sur le modèle de l'alliance franco-tunisienne pour le numérique, créée l'an dernier.