Série 10 de 10 - Avec cette série de 10 entrevues que nous publierons jusqu'en décembre, nous souhaitons inspirer des vocations. Comment naît le plaisir de prendre des risques ? Où le trouve-t-on dans le quotidien de l'entreprise ? Comment le garder vivant malgré les embûches ? Comment arrive-t-on à le transmettre ? Est-il obligatoire pour connaître le succès ?
Vendre des pneus ou des boulons, Dominique Brown ne pourrait pas. Le président et actionnaire principal des Chocolats Favoris, fondateur du studio de jeux vidéo Beenox à Québec, a besoin de vendre du plaisir. Les produits et services de nécessité, c'est pour d'autres que lui.
«Je mets mon coeur dans ce que je fais. J'y mets ma passion. Ce ne sont pas des motivations pécuniaires qui me guident. Je veux vraiment créer du bonheur. Dans le nouveau magasin de Neufchâtel, on aurait pu mettre la moitié des investissements et être encore plus rentable, mais ça n'aurait pas émerveillé les gens autant, et moi, je trouve ça extraordinaire de pouvoir faire ça», raconte l'entrepreneur de 34 ans avec une joie encore juvénile.
Vrai qu'il a tout mis en oeuvre pour susciter le désir et la gourmandise dans cette quatrième succursale de Chocolats Favoris, entreprise fondée en 1979 et qu'il a rachetée en 2012 pour la faire croître. De grands tuyaux de chocolat descendent du plafond. Il suffit d'ouvrir les robinets pour voir couler les péchés mignons en trois couleurs et une douzaine de saveurs ; à l'orange, au pain d'épice ou au dulce de leche.
«C'est un moment de bonheur chez nous. Personne ne vient ici pour se prendre la tête ! Les gens arrivent et repartent avec un sourire. C'est ma récompense.»
Dans la vision entrepreneuriale de Dominique Brown, le rêve occupe beaucoup d'espace. Il veut transporter une équipe entière vers l'étoile qu'il rêve d'atteindre.
«J'essaie de faire rêver les gens. C'est mon objectif. Je parle toujours de conquête du monde. C'est un objectif plus grand que nature. Je décris ce que j'aimerais que soit l'entreprise dans 20 ans, j'en fais un portrait idyllique, et après, je dis : réalisez-vous que nous avons le potentiel pour nous rendre là ?»
Le jeune homme porte en lui cette confiance inébranlable qu'il pourra concrétiser le rêve. D'abord le Québec, puis le Canada et après, le monde. Première étape : 100 millions de dollars de chiffre d'affaires en 2020. Le chocolat liquide pour la fondue, que lui et son équipe ont inventé, nourrit le rêve. Il suffit d'ouvrir la conserve et d'y tremper les fruits, où que l'on soit, en camping ou à la maison, et le dessert s'offre sans complication. Dominique Brown rêve d'un grand siège social à Québec.
«Tout seul, je ne peux pas, mais je suis persuadé que de partager le rêve va tellement inspirer les autres que cela fera sortir le meilleur d'eux-mêmes, et alors, tout est possible !»
Convaincre, une personne à la fois
Convaincre, une personne à la fois
C'est d'ailleurs en partageant son rêve qu'il a séduit de nouveaux actionnaires à la fin de 2013, sa directrice générale, Virginie Faucher, et Charles Auger, le propriétaire d'IMAX Galeries de la Capitale, qui devient aussi directeur de la production chez Chocolats Favoris.
De la même manière, il avait convaincu Sylvain Morel, celui qui allait devenir sa relève à la direction de Beenox, de quitter un poste à Montréal avec un bon salaire et des avantages sociaux pour rejoindre sa start-up, il y a une douzaine d'années.
«Je l'emmenais dans un immeuble désaffecté ! Il n'y avait pas de chauffage dans son bureau, les conditions de travail étaient terribles, mais je l'ai fait planer sur cette vision de conquête du monde !» se rappelle l'entrepreneur en riant.
Ses souvenirs d'enfance sont remplis de projets et d'idées pour faire rouler une entreprise. Il organisait un marché aux puces et, si trop peu de clients se présentaient, il faisait de ses frères et soeurs des vendeurs qui sollicitaient le voisinage et l'invitaient à venir faire un tour !
«J'avais toujours plein de projets. Et à 11 ans, je tripais tellement sur les jeux vidéo que je suis allé dire à ma mère qu'un jour j'allais avoir une entreprise de jeux vidéo. J'avais dessiné le croquis de ce qui serait, selon moi, le magasin de jeux idéal», se rappelle-t-il.
Un échec qui a été salutaire
En 2000, à l'âge de 21 ans, il a fondé Beenox. C'était après avoir échoué à des cours en informatique et en administration au cégep.
«C'est un des rares échecs dont j'ai été content dans ma vie ! J'avais là un prétexte pour me consacrer à temps plein à mes affaires. Mais j'avais l'obligation de travailler, car j'avais quitté le domicile familial à 18 ans et j'avais un loyer à payer», se souvient-il.
Il a décroché un boulot à la sécurité de la Récréathèque dans le Vieux-Québec, et c'est à ce moment qu'il a commencé à échafauder des plans d'affaires. Ensuite, il a été programmeur dans une boîte de jeux vidéo et, quand celle-ci a mis le cap sur Montréal, Dominique Brown s'est dit que le temps était venu de fonder sa propre entreprise.
«Mon rêve alors était de créer mes propres jeux vidéo sur console. Le premier est sorti en 2007, ça a pris des années avant que je vive le rêve. M'y accrocher m'a permis de continuer», dit-il.
«J'ai rappelé souvent, pendant 12 ans, l'objectif visé, le monde entier : on va là ! Regardez le chemin parcouru ; avant, on n'avait pas le chauffage, et là, on se prépare à avoir un nouvel immeuble au centre-ville de Québec. On voulait faire des jeux pour console, maintenant on peut choisir lesquels. Voilà où nous étions, où nous sommes, où nous allons arriver.»
En 2005, Activision a acheté Beenox. Dominique Brown a continué de diriger le studio jusqu'en 2012. Aujourd'hui, il consacre son énergie à Chocolats Favoris. Et, pour arriver à la destination rêvée (le monde entier), il fait face à cette évidence : l'obligation d'innover. Être copié un jour ne lui fait pas peur, car il se voit toujours avec une longueur d'avance sur la concurrence.
«Faire quelque chose sans innover ne vaut pas la peine pour moi. Pour Chocolats Favoris, j'ai des idées encore plus grandes que celles que les clients voient maintenant, mais on ne peut pas tout se permettre maintenant, parce que nous ne sommes pas si gros encore. Ce qui est bien dans une entreprise comme celle-là, c'est qu'on peut innover partout, dans les produits, le marketing, les ambiances, les promotions, tout ça. Ça me fait plaisir au quotidien. Mais la grande motivation, c'est d'avoir un impact dans le monde. Laisser une trace, influencer le monde, le rendre meilleur.»