Anne-Sophie Riopel-Bouvier, pilote et instructeur dans les Forces armées canadiennes, rêvait d'une entreprise dans le transport aérien.La jeune femme de 23 ans a troqué les avions pour les drones. Un projet plus accessible pour une femme de son âge, dit-elle. «Je n'abandonne pas le premier projet, je le remets à plus tard ! Une fois que j'aurai acquis de l'expérience.»
En attendant, elle reçoit un sérieux coup de pouce : elle appartient à la première cohorte de finissants de deux programmes nouveau genre que HEC Montréal a lancé cet hiver et qui aboutiront à la fin de l'année : le Parcours entrepreneurial Rémi-Marcoux, qui forme et encadre des jeunes dans leur désir de devenir entrepreneur, et son complément naturel, l'Accélérateur Banque Nationale - HEC Montréal, lancé en septembre et qui les aide à mettre leur projet à exécution.
L'entreprise d'Anne-Sophie, EXO Tactik, a été sélectionnée pour passer à la vitesse supérieure, tout comme deux autres projets issus de ce Parcours qui porte le nom du fondateur et ancien pdg de TC Transcontinental (éditeur de Les Affaires), Rémi Marcoux. «J'ai tout de suite vu dans ses yeux qu'elle était faite pour l'entrepreneuriat», dit ce dernier, en regardant Anne-Sophie Riopel-Bouvier, un drone à ses côtés.
Mais les jeunes ont besoin de plus qu'une lueur dans le regard, de nos jours, lorsque vient le moment de lancer une entreprise, et surtout, de la faire croître. Les temps ont changé depuis que Rémi Marcoux s'est lancé en affaires, au milieu des années 1970. Le capital se faisait rare, dit-il, mais l'enthousiasme était au rendez-vous. «Il y avait un buzz.» Aujourd'hui, les banques sont moins frileuses, mais le buzz est tombé autour de ce qu'on a appelé le Québec inc., croit M. Marcoux. Bien que le quart des Québécois âgés de 18 à 34 ans aient l'intention de se lancer en affaires, 7,4 % d'entre eux seulement vont passer à l'action. D'ici six ans, 38 000 entreprises manqueront de dirigeants, selon la Fondation de l'entrepreneurship. «Une tragédie», dit Rémi Marcoux.
C'est pour pallier cette pénurie que le septuagénaire a approché son alma mater, HEC Montréal, au CA de laquelle il a siégé pendant 11 ans. En février 2013, il faisait don de 2,5 millions de dollars à la campagne de financement Campus Montréal afin de participer au lancement du Parcours entrepreneurial Rémi-Marcoux.
La première cohorte a commencé le programme en janvier dernier. Au début de 2015, sept jeunes, quatre hommes et trois femmes, dont la moyenne d'âge est de 23 ans, le même qu'Anne-Sophie Bouvier-Riopel, obtiendront l'attestation officielle de ce Parcours, que son directeur, Luis Cisneros, qualifie «d'unique au monde».
D'abord, grâce à sa diversité : on souhaite y attirer non seulement des étudiants de HEC, mais aussi de l'École Polytechnique et de l'ensemble des facultés de l'Université de Montréal.
Cours, stages, séjours à l'étranger, mentorat, tutorat... Le Parcours veut aider l'étudiant à mieux se connaître. Il est axé sur l'acquisition de compétences transversales, tant dans le savoir-faire que dans le savoir-être. Un must, dit Luis Cisneros, pour l'entrepreneur d'aujourd'hui. Le Parcours a même prévu... une course à relais ! En septembre, les étudiants ont parcouru quelque 700 km en trois jours, une douzaine de kilomètres à la fois, de Montréal jusqu'à Boston.
Rémi Marcoux les attendait au fil d'arrivée, devant Faneuil Hall, en compagnie de sa fille Nathalie, vice-présidente aux finances de Capinabel, le holding familial. «Curieusement, on s'est aperçu que la majorité de nos candidats ont été ou sont des athlètes de haut niveau, dit cette dernière, diplômée elle aussi de HEC Montréal. Sans doute parce que ce sont des jeunes qui ont développé la persévérance.»
Une affaire de famille
Autre critère cher à Rémi Marcoux : la relève familiale. Elle fait partie des objectifs de recrutement. Tout comme les sociétés essaimées (spinoffs). C'est le cas d'EXO Tactik. L'entreprise d'Anne-Sophie fait partie d'une constellation de services technologiques spécialisés dans la sécurité civile, EXO360, cofondée par ses parents, Stéphane Bouvier, un ingénieur, et Carole Riopel. Le trio s'est lancé en affaires, ensemble, et au même moment. «Nos trois personnalités sont à la fois différentes et complémentaires, dit Anne-Sophie. Nous formons donc une équipe du tonnerre.»
EXO-Tactik offre le volet support aérien lors d'interventions d'urgence. Les drones captent du ciel, en direct, des informations, grâce à l'imagerie HD, thermique, à la captation de sons ou de gaz. Ces informations serviront aux services de sécurité civile qui n'y auraient pas accès autrement. «Elles leur permettent de prendre de meilleures décisions, plus rapidement, et ainsi, de sauver plus de vies et de limiter plus efficacement les dégâts causés par les accidents et les désastres», dit Anne-Sophie Riopel-Bouvier.
Outre EXO Tactik, les deux autres projets issus du Parcours sélectionnés dans l'Accélérateur sont les Bouchons, une entreprise qui vise les amateurs de vin, et Potloc, qui aide les commerçants à définir l'emplacement idéal de leur commerce.
D'ailleurs, ces trois entreprises ont participé le 4 décembre à un événement de l'Accélérateur Banque Nationale - HEC Montréal où ils ont pu faire un «pitch» devant des investisseurs.
La prochaine cohorte du Parcours commencera en janvier, et la cohorte de l'accélérateur, en février. À terme, Rémi Marcoux souhaite qu'une vingtaine d'étudiants complètent son Parcours chaque année.