Le déficit d'aspirants entrepreneurs au Québec est sérieux. Assez sérieux pour que trois institutions financières oublient un instant qu'elles sont concurrentes et s'associent pour promouvoir en grand la fibre entrepreneuriale des Québécois.
La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), le Mouvement Desjardins et la Banque Nationale (BN) investissent conjointement quelque 6 millions de dollars dans une campagne dite de sensibilisation, baptisée «Devenir entrepreneur». Objectif : redorer le blason du métier d'entrepreneur auprès des jeunes et de leur entourage.
L'initiative est entièrement privée. «On a mis au courant le ministre Daoust, mais nous voulions un programme conçu par les entrepreneurs, pour les entrepreneurs», dit Michèle Boisvert, première vice-présidente, Rayonnement des affaires, à la CDPQ.
On prévoit que la campagne durera trois ans. Elle est déclinée sur le Web et sur les réseaux sociaux, et sera publicisée pendant cinq semaines à la télévision.
Destinée au grand public, dans l'espoir d'y semer les graines d'une culture entrepreneuriale, la campagne présente des capsules vidéo où des entrepreneurs racontent quand et comment ils ont eu leur «déclic». Parmi ces modèles, LP Maurice de Busbud, ainsi que Jonathan Bourgeois et Sébastien Moquin de Ski Racoon. L'initiative vise d'ailleurs à «créer le déclic qui suscitera de nouvelles vocations entrepreneuriales», explique Michael Sabia, président et chef de la direction de la CDPQ, dans le communiqué de lancement.
Un bottin de ressources mis au point avec Info entrepreneurs permettra aux créateurs d'entreprises de s'y retrouver parmi les multiples programmes d'aide et de trouver celui dont ils ont besoin. Des séances de clavardage avec des entrepreneurs établis sont aussi prévues, une initiative en phase avec le besoin d'accompagnement des jeunes entrepreneurs.
Enfin, la plateforme Web ciblera aussi les écoliers par l'intermédiaire de leurs professeurs, qui disposeront d'une boîte à outils élaborée sur mesure pour les niveaux primaire et secondaire.
Déficit d'image
La CDPQ, à l'origine de cette initiative, n'a eu aucun mal à convaincre la BN et Desjardins de s'asseoir à la même table, assure Michèle Boisvert : «C'était tout naturel, car l'entrepreneuriat est une priorité commune».
Pourquoi les trois partenaires jugent-ils que le Québec a besoin de renforcer sa culture entrepreneuriale ? D'une part, parce que des milliers d'entreprises se chercheront bientôt un nouveau propriétaire (100 000 d'ici 10 ans, selon eux). Et d'autre part, parce que face à ce défi de relève, le Québec est mal équipé, et compte moins d'aspirants entrepreneurs que le reste du Canada (19,1 % des Québécois avaient l'intention d'entreprendre en 2014, par rapport à 27,1 % des Canadiens, selon la Fondation de l'entrepreneurship).
Fait encourageant, les 18 à 34 ans sont de plus en plus nombreux à vouloir se lancer : 36,6 % selon l'Indice entrepreneurial 2015 de la Fondation. Ils tirent la moyenne des intentions d'entreprendre vers le haut, à 20,1 %.
Toujours selon l'Indice, l'entrepreneuriat est un choix de carrière désirable pour 67,4 % des Québécois, tandis que seulement 46,9 % des répondants jugent que les entrepreneurs sont généralement honnêtes.
La hausse de la notoriété de l'entrepreneuriat dans la population fait d'ailleurs partie des critères de succès de la campagne. Un sondage a été réalisé par Léger avant le lancement et sera répété au terme des cinq semaines de visibilité à la télévision. Pour sa plateforme Web, la CDPQ compte «à tout le moins avoir le même nombre de visites» que le site du Conseil du patronat du Québec, selon Mme Boisvert.
Processus de consultation
«Devenir entrepreneur» est la première étape d'une série d'initiatives qui seront dévoilées au cours des prochains mois, promet la CDPQ, et résulte d'une consultation menée par l'organisme auprès d'une quarantaine d'entrepreneurs à l'hiver 2014.
«On recommence le processus [de consultation] pour la croissance des entreprises, de petite à moyenne et de moyenne à grande. On va procéder de la même façon, en réunissant d'autres entrepreneurs», explique Michèle Boisvert, qui admet avec un sourire qu'elle espère que le processus aboutira à des actions concrètes plus rapidement cette fois.
Enfin, un troisième et dernier volet sur le transfert d'entreprises est déjà planifié.
Suivez Julie Cailliau sur Twitter @julie140c