EADS, le fabricant d'Airbus, de missiles et d'hélicoptères a opéré aujourd'hui sa mue de groupe contrôlé par trois Etats européens en société normale, libre de poursuivre ses ambitions mondiales.
Une assemblée générale extraordinaire des actionnaires de cette société de droit néerlandais a approuvé à Amsterdam une réforme de la gouvernance du groupe, décidée en décembre dernier en accord avec les trois Etats - France, Allemagne, Espagne - qui l'avaient porté sur les fonts baptismaux en 2000.
La nouvelle gouvernance dissout un pacte d'actionnaires compliqué qui permettait aux gouvernements de décider des nominations des directeurs et de peser sur les décisions stratégiques du groupe.
L'Allemagne avait ainsi pu bloquer en octobre dernier un projet de fusion avec le fabricant d'armes britannique BAE Systems, qui aurait créé un géant de l'aéronautique et de la défense, devant l'américain Boeing.
La réforme porte la part du capital flottant de moins de 50% à plus de 70%. Les participations étatiques sont limitées à 28% (12% chacune pour la France et l'Allemagne et 4% pour l'Espagne) et ne leur confère aucun droit exceptionnel.
Les deux industriels qui avaient fondé EADS, le français Lagardère et l'allemand Daimler vont se défaire de leur participation pour se recentrer sur leur coeur de métier, les médias pour le premier et l'automobile pour le second.
Tom Enders, le patron d'EADS, a souligné l'indépendance du prochain conseil d'administration, qui pourra à l'avenir décider "d'alliances, d'acquisitions et de fusion". "Aucun gouvernement n'aura plus de droit de veto", a-t-il répété.
Les intérêts stratégiques de la France et de l'Allemagne, comme les missiles de la force de dissuasion nucléaire française, ont été "sanctuarisés" dans des filiales dédiées dont les directeurs ont été choisis avec l'assentiment de chaque Etat.
Les Etats continueront à essayer d'exercer leur influence, comme ils le font dans les autres pays, a reconnu M. Enders, et le groupe hésitera encore à prendre une décision stratégique contre l'opposition déterminée d'une capitale.
"Une compagnie beaucoup plus normale qu'avant"
Mais EADS "est désormais une compagnie beaucoup plus normale qu'avant", a-t-il estimé. Les gouvernements, qui auraient pu vouloir racheter les parts de Lagardère et Daimler, "ont compris que cela aurait été très négatif pour une société qui a besoin de s'internationaliser et de croître au niveau mondial".
Le groupe réalise déjà 60% de son chiffre d'affaires en dehors d'Europe, 80% si l'on considère sa seule activité civile.
Pour atténuer l'impact de la sortie des actionnaires industriels sur le cours de l'action, le groupe a reçu l'autorisation de racheter et annuler "au maximum 15% des actions émises, à un prix plafond de 50 euros (65 dollars) par action".
M. Enders a précisé qu'il ne proposerait pas de consacrer à cette opération plus d'un tiers de la trésorerie du groupe, qui s'élevait à 13,2 milliards d'euros (17,1 milliards de dollars) fin décembre.
Les actionnaires ont approuvé la composition du conseil d'administration de 12 membres de six nationalités différentes : quatre Français, quatre Allemands, un Espagnol, un Britannique, un Indien et pour la première fois, un Américain.
Le conseil d'administration devait se réunir dans la foulée pour élire son président, le français Denis Ranque, ancien PDG du groupe d'électronique de défense Thales.
Le conseil n'entrera cependant en fonction que lorsque les résolutions passées mercredi auront été inscrites au registre néerlandais des sociétés, d'ici le 2 avril. Il décidera du lancement éventuel du programme de rachat d'actions, de "sa dimension, son calendrier et ses contours", a précisé EADS dans un communiqué.
Un Américain entre au CA
Le nouveau conseil d'administration du groupe d'aéronautique et de défense EADS, confirmé aujourd'hui par une assemblée générale extraordinaire, compte six nationalités et, pour la première fois, un Américain. En voici la composition :
- le Français Denis Ranque (nouveau). Ancien PDG du groupe d'électronique de défense Thales, il doit être élu par ses pairs président non exécutif du conseil.
- l'Allemand Tom Enders est PDG d'EADS depuis mai 2012, après avoir été celui d'Airbus.
- l'Allemand Hermann-Joseph Lamberti (nouveau), vient de la Deutsche Bank.
- le Français Michel Pébereau, ancien président de BNP Paribas.
- l'Allemand Mandred Bishoff (nouveau),st un revenant. Il avait présidé le conseil d'administration d'EADS de 2000 à 2007.
- l'Allemand Hans-Peter Keitel (nouveau) a été président de la Fédération allemande de l'industrie (BDI).
Tous deux sont directeurs de la filiale d'EADS où ont été sanctuarisés les actifs de la défense et de la sécurité nationale allemande mais ils ne sont pas mandataires de l'Etat.
- la Française Anne Lauvergeon (nouvelle), PDG du groupe nucléaire Areva de 2001 à 2011
- le Français Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque centrale européenne. Ils sont aussi directeurs de la filiale d'EADS où ont été sanctuarisés les intérêts stratégiques français mais n'ont pas de mandat de l'Etat.
- l'Espagnol Josep Piqué i Camps, ancien ministre, est président non exécutif de la compagnie aérienne à bas coût Vueling depuis 2007.
- l'Indien Lakshmi Mittal, PDG du numéro mondial de la sidérurgie ArcelorMitall.
- le Britannique Sir John Parker, président de la compagnie minière Anglo American PLC.
- Ralph Dozier Crosby Jr, (nouveau) ancien officier de l'US Army, ancien dirigeant du fabricant d'armes Northrop Grumman, a été membre du comité exécutif d'EADS de 2009 à 2012. Il est le premier citoyen américain au conseil d'administration depuis la fondation d'EADS en 2000.