Si n'importe qui peut s'improviser consultant, tous n'ont pas la tête de l'emploi. Voici ce qu'il faut savoir avant de se lancer.
Jean Monette ne regrette pas le jour où il s'est lancé dans la consultation il y a deux ans. Bonjour la liberté, l'autonomie, les horaires flexibles, le sentiment de faire une différence. " Je peux choisir les mandats qui m'intéressent et les clients avec lesquels j'ai envie de travailler, dit ce consultant en recherche de cadres. Et je suis maître de mon horaire. "
Après des ennuis de santé, Robert Trempe a vu dans la consultation la possibilité de ralentir le rythme. Fort d'une carrière de 25 ans en gestion stratégique et opérationnelle dans l'industrie des communications ett des médias, il offre depuis un an des services de consultation en stratégie de croissance, développement de services et mise en marché, en plus d'être administrateur de sociétés. " J'ai délibérément choisi de limiter mes mandats, mais je fais ce qui me passionne ! "
Pour sa part, Bernard Dumais se réjouit de partager son expérience et ses connaissances pour aider les entreprises à se développer. Ce gestionnaire de carrière, qui était jusqu'à tout récemment vice-président exploitation chez MusiquePlus, vient de faire le saut en consultation. Il s'est associé à Louis Ryan, auparavant vice-président planification stratégique chez Astral Média, pour créer Stripes Consultants, une firme-conseil en stratégie et innovation de produits et de services. De son côté, Louis Ryan apprécie particulièrement la diversité des mandats et des clients de son nouveau statut de consultant.
Le job rêvé, quoi... Ça dépend. Entre le rêve et la réalité, quelques nuances s'imposent. Ainsi, les contraintes du travail en entreprise et la pression d'un patron peuvent paraître bien insignifiantes en comparaison des exigences des clients. Et surtout, si tentant que soit le métier de consultant, il ne convient pas à tout le monde. Certaines qualités sont essentielles pour réussir dans ce domaine.
Le profil de l'emploi
Le profil de l'emploi
D'abord, élément incontournable : il faut une solide expérience en management dans le domaine dans lequel vous voulez devenir conseiller : ressources humaines, finance, marketing, communications, gestion stratégique, etc. " Les diplômes, c'est bien, mais les clients accordent davantage de crédibilité à l'expérience ", explique Claude Gaudreault, présidente de Perspective psychologie organisationnelle. Sont ainsi écartés tous les nouveaux diplômés, à moins qu'ils ne se joignent à une grande firme de consultants.
Toutefois, les douze années que vous avez passées dans un poste de cadre supérieur ne vous mettent pas à l'abri du danger. " Les anciens dirigeants devenus consultants ont tendance à décider à la place de leurs clients, prévient Yves-André Perez, auteur du Grand guide du métier de consultant et de Pratique du conseil en entreprise et directeur de l'Institut pour le développement du conseil et de l'entreprise à Angers, en France. Or, sauf dans certaines situations de crise, le consultant ne doit pas décider, mais suggérer. S'il est trop autoritaire, il éveille des craintes et de la méfiance. On ne convainc jamais un client d'autorité. "
Si elles sont indispensables, les compétences techniques sont toutefois loin d'être suffisantes. Il faut aussi avoir une âme d'entrepreneur. " C'est la caractéristique la plus importante, car on exploite une petite entreprise qui met en marché nos propres connaissances ", affirme Daniel P. Baril, qui dirige Média-coach, une firme spécialisée dans le développement de cours sur mesure et dans la formation de formateurs. Il a fondé en 2007 le réseau Infopreneurs Québec pour regrouper les professionnels qui vivent de la vente de leur expertise.
Dans cette optique, le sens du service à la clientèle est capital. La différence par rapport à votre vie d'avant peut être considérable : vous êtes désormais au service des autres, et non plus l'inverse.
Une foule d'aptitudes interpersonnelles semblent également indispensables : ouverture d'esprit, facilité à travailler en équipe et à créer des consensus, bonne écoute. Une forte capacité d'adaptation est essentielle - il faut s'adapter à des personnalités et à des cultures d'entreprise différentes -, de même que des talents de communicateur. " Il faut pouvoir laisser de côté les concepts établis pour s'adapter à la réalité des clients ", observe Bernard Dumais.
Bref, vous devez obtenir un A en matière d'intelligence émotionnelle. Dans son livre La consultation en entreprise, la psychologue organisationnelle et professeure à l'Université de Sherbrooke Francine Roy définit la qualité de la relation avec le client comme un critère important d'effi-cacité pour la consultation. " La qualité de cette relation n'est ni accidentelle, ni automatique : elle est le résultat d'un effort intelligent ", écrit-elle.
" Il faut être flexible et patient, ajoute Jean Monette. Il n'est pas rare que les clients changent d'idée... " Ce qui suppose aussi que vous tolériez bien l'ambiguïté. " Le métier de consultant ne convient pas à ceux qui ont besoin de directives claires et de paramètres bien définis pour fonctionner, dit Claude Gaudreault. En fait, c'est souvent le consultant qui doit déterminer avec son client la nature exacte et les limites du mandat qui lui est confié. "
D'où l'importance d'avoir une excellente capacité d'analyse pour bien comprendre les besoins des clients. Cette habileté est d'ailleurs une autre clé de la consultation efficace, selon Francine Roy. " Il faut faire le tri entre les causes et les symptômes. Ça ne se fait pas en une heure et il n'y a pas de formule magique que l'on peut appliquer d'un client à l'autre. "
La préparation du projet
La préparation du projet
Beaucoup de consultants échouent dans leur projet parce qu'ils veulent aller trop vite, selon Yves-André Perez. " Pour mettre toutes les chances de son côté, on doit consacrer de huit à douze mois à la préparation du projet. " Tout comme le démarrage d'une entreprise, cette préparation passe par l'élaboration d'un plan d'affaires et la réalisation d'une étude de marché.
Ne travaillez pas en vase clos. Soumettez votre idée à des collègues, à des coachs, à des consul-tants ou à des conseillers en ges-tion, à des clients potentiels. Et attention à l'éparpillement ! Il est préférable d'articuler son offre au-tour de deux ou trois grands axes. " Certains commettent l'erreur de toucher un peu à tout, dit Daniel P. Baril. Quand on accepte un mandat alors qu'on n'y connaît pas grand-chose, on risque de décevoir le client, ce qui entraîne un bouche à oreille négatif. Il vaut mieux se spécialiser dans un créneau. "
Il est judicieux de se démarquer. François Lavallée, d'Aliter Concept, se spécialise dans les formations conformes aux normes de l'industrie pharmaceutique. Sa marque de commerce ? Des formations dynamiques et surprenantes. " Mes interventions sont conçues comme des spectacles, explique celui qui se définit comme un " formativateur ". Le message reste donc longtemps dans la mémoire des gens. "
Ensuite, il est bon de valider son offre avec deux ou trois mandats- tests. " Ces mandats doivent se rapprocher le plus possible de la réalité : on doit intervenir dans une vraie situation, estime Yves-André Perez. Il doit également y avoir facturation, peut-être pas au prix du marché, car on est en rodage, mais facturation quand même. " Personne n'est prêt à payer ? Posez-vous de sérieuses questions quant à votre avenir comme consultant.
Dans la pratique, toutefois, peu de consultants en devenir réussissent une démarche aussi rigoureuse. Plusieurs sont tentés par l'aventure et saisissent l'occasion quand elle se présente, sans trop de préparation. François Lavallée, par exemple, a quitté son emploi de formateur au sein d'une grande société pharmaceutique il y a deux ans, pour se lancer à son compte à la suite de l'appel impromptu d'une connaissance. " Elle voulait que je lui recommande une personne capable de créer un programme de formation. Je lui ai demandé si elle me donnerait le mandat. Elle a dit oui. J'ai plongé. Elle a été ma première cliente. "
Des inconvénients
Des inconvénients
Vous avez un premier client ? Surgit alors la question épineuse des honoraires. Ils varient selon le type de prestations offertes, le domaine d'activité, votre notoriété et les caractéristiques des entreprises clientes. " Les bénéfices que nous procurerons aux clients doivent aussi être évalués, souligne Daniel P. Baril. Si nos recommandations permettent de réaliser des économies importantes ou une augmentation des ventes, nous devons en tenir compte. " Cela dit, c'est une mauvaise idée de réduire ses tarifs. " Il est difficile par la suite de les augmenter, précise Jean Monette. De plus, cela entraîne une pression à la baisse sur le marché. "
Par ailleurs, n'oubliez pas qu'en vous lançant à votre compte, vous perdez le soutien technique auquel vous étiez habitué. Daniel P. Baril recommande de faire appel à des sous-traitants pour les tâches supplémentaires. " Si vous essayez de tout faire vous-même, vous limiterez vos revenus. Quand vous faites de la mise en pages, vous faites le travail d'un graphiste. Quand vous développez votre site Internet, vous faites celui d'un webmestre. Concentrez-vous sur ce que vous aimez et sur ce qui génère de la valeur. "
Les anciens cadres supérieurs, en outre, devront apprendre à vivre sans leur adjointe administrative si efficace... " Ce n'est pas facile de se retrouver seul du jour au lendemain, témoigne Robert Trempe qui, à titre de vice-président et directeur général d'Astral Media Affichage, gérait plus d'une centaine d'employés au moment de son départ. J'ai recréé à la maison un environnement de travail fonctionnel et motivant, et j'ai dû apprendre à faire des PowerPoint. "
Enfin, vous devez disposer d'un coussin financier d'au moins six mois pour faire le pont entre votre dernière paie à titre d'employé et vos premiers honoraires de consultant. Plusieurs entreprises prennent de 45 à 90 jours pour payer leurs factures. Prévoyez aussi puiser dans votre bas de laine pour couvrir des dépenses inhérentes au démarrage : création d'un site Internet et d'un logo, cartes professionnelles, achat de matériel informatique, etc. Combien ?Si vous vous lancez et travaillez à partir de votre domicile, comptez entre 5 000 et 10 000 dollars.
La prospection
La prospection
Il est préférable d'avoir un ou deux clients presque confirmés avant d'officialiser votre nouveau style de vie. Si vous quittez votre employeur en bons termes, celui-ci sera peut-être heureux de vous confier quelques mandats. C'est ce qui est arrivé à Jean Monette, qui a réalisé des con-trats en sous-traitance pour son ancien employeur pendant les premiers mois de son démarrage en affaires. Mais il faut vite recruter de nouveaux clients pour s'affranchir de cette relation.
La plupart des nouveaux consultants comptent en premier lieu sur leurs contacts pour dénicher leurs premiers clients. Les consultants qui travaillent dans le même domaine que vous peuvent également apporter de l'eau au moulin. " J'ai décroché plusieurs contrats à la suite de recommandations de collègues qui avaient une surcharge de travail, rapporte Jean Monette. J'exécute aussi des mandats en partenariat avec d'autres firmes de recrutement. " Selon lui, ce type d'entente est important quand on travaille en solo. " Cela permet de générer des revenus lors des périodes creuses et, à l'inverse, d'obtenir de l'aide quand on est débordé. "
Mais ne vous reposez pas sur vos lauriers ! " Les contacts ont parfois une durée de vie limitée, fait remarquer Yves-André Perez. Quand on est cadre supérieur dans une entreprise réputée, on est monsieur Dupont de XYZ. Le nom de l'entreprise nous ouvre les portes, et les gens rappellent rapidement. Mais lorsqu'on est monsieur Dupont tout court, on se retrouve parfois dans la position du vendeur d'aspirateurs qui se fait dire non pour la douzième fois... "
Robert Trempe a subi ce choc. " Pendant des années, j'étais Robert Trempe d'Astral Media Affichage, de TVA, de Radio-Canada. Maintenant, je suis Robert Trempe. Dans les 5 à 7, j'ai dû apprendre à résumer en quelques mots qui je suis et ce que je fais. Et il arrive que certaines personnes ne me rappellent pas. C'est une leçon d'humilité... "
Voilà pourquoi vous devez vous astreindre à développer continuellement votre réseau. Yves-André Perez évalue à 20 % le temps à consacrer au démarchage, soit environ une journée par semaine - et davantage en période de démarrage. Mais " prospection " ne signifie pas nécessairement " sollicitation directe ". Participer aux activités de diverses associations, donner des conférences, écrire un blogue ou des chroniques dans des publications spécialisées sont autant de façons de se faire connaître. En règle générale, un consultant s'emploie surtout à travailler la relation plutôt qu'à prospecter directement. Toutefois, avoir son propre site Internet - et s'assurer d'être bien référencé - est une nécessité, puisque plusieurs clients ont le réflexe de naviguer sur la Toile quand ils veulent en savoir plus sur des fournisseurs potentiels.