Avant le lancement d'un produit, il est important de se poser plusieurs questions.
1- Mon produit est-il réalisable ?
L'idée de la bûche en bois de Gino Ouellet est née d'un problème. " Nous avions de la difficulté à écouler nos résidus de bois. La bûche nous a permis d'utiliser ces déchets tout en créant un produit à valeur ajoutée ", explique le fondateur de l'entreprise de Mont-Joli spécialisée dans la fabrication de planchers de bois francs.
Avant de se lancer dans le projet, il s'est rendu au Danemark pour étudier les équipements d'un fabricant de bûches recyclées. Il a également envoyé de la sciure de bois sur place pour voir quel type de produit pourrait être fabriqué à partir de ses matériaux. " J'ai tenu à mon idée. Je sentais que le marché était mûr pour ce produit, même si cela a provoqué de bonnes discussions avec l'équipe. "
Aujourd'hui, la Smartlog est distribuée dans les chaînes de magasins et enregistre des ventes annuelles de 25 millions de dollars.
S'il faut se fier à son instinct, il faut aussi consulter les autres services de l'entreprise. Si l'équipe de R-D juge que le produit est complexe à réaliser, sa rentabilité peut être compromise. Idem si l'équipe des ventes démontre qu'elle ne trouvera pas de débouché. Au terme de cette étape, 90 % des idées sont éliminées.
2- Comment m'assurer qu'il trouvera sa place sur le marché ?
Le comptoir mis au point par Vic Mobilier, un fabricant d'ameublement modulaire de Victoriaville, est le résultat d'une enquête sur l'industrie des dépanneurs au Canada. " Nous nous sommes rendu compte que les dépanneurs situés dans les stations- service étaient en plein essor, poussant l'ensemble de l'industrie à rénover pour demeurer compétitive ", indique Réal Desautels, vice-président au marketing. L'entreprise a repéré le comptoir de service comme étant un produit à fort potentiel. Mais avant même de songer à dessiner des plans, le fabricant a rencontré des responsables de chaînes de dépanneurs afin de définir les principales fonctions d'un comptoir. Ensuite, l'entreprise a filmé des employés au travail, ce qui a permis d'ajuster des détails, comme sa hauteur idéale ou l'ajout d'un coin- repas pour les employés.
Ces observations, qui ont pris six mois, ont permis de préparer un cahier de charges détaillé. Quant aux essais (18 mois), ils ont constitué en un prototype présenté à un groupe de discussion. La dernière version a été testée en situation réelle. " Avoir engagé le client potentiel tout au long du processus nous a permis de répondre aux besoins de chacun des maillons de la chaîne et de réduire les risques d'erreurs ", souligne M. Desautels.
3- Ai-je tout pour le développer ?
Une autre étape importante consiste à assurer l'exécution du produit. Elle comprend la conception, le design et l'évaluation du travail de production : adapter les équipements, fabriquer des matrices, produire un prototype et le tester. Chez Bois BSL, cette étape a duré de 15 à 18 mois. L'entreprise a dû notamment procéder à des tests pour accroître la durée de combustion de la bûche. Autre problème à résoudre : " Les machines européennes sont conçues pour des bois plus tendres que ceux du Québec. Il a donc fallu les adapter ", ajoute M. Ouellet.
Cette étape est souvent la plus coûteuse, selon Guy Belletête, directeur de l'Institut de développement de produit (IDP). " Certains produits nécessitent des tests importants. Cela peut même devenir une étape en soit ", précise-t-il. Dans certains cas, le délai de développement peut prendre plusieurs années. Il faut donc disposer de ressources financières suffisantes pour tenir le coup.
4- Comment lancer mon produit ?
Manquer son coup à ce stade peut ruiner les efforts déployés au cours des mois précédents. Le choix du moment pour lancer le produit ne tolère pas l'improvisation. M. Ouellet l'a appris à ses dépens. " La première année, on a commencé la production de nos bûches en avril, alors que les grandes surfaces faisaient leurs achats en févier et en mars. Cette erreur nous a fait perdre un an de revenus. " Par ailleurs, le choix du canal doit être adapté au produit. Le concepteur de l'ExoPC, le concurrent québécois du iPad, n'a pas attendu la sortie de son produit pour en parler. Son inventeur, Jean-Baptiste Martinoli, a su attirer l'attention des médias autour d'une invention qui n'existait pas encore, et ce, plusieurs mois avant son lancement officiel.
Avant même que le produit soit disponible en magasin, plus de 10 000 internautes avaient déjà réservé leur exemplaire sur le site Web de l'entreprise. Le secret, dans son cas : être très présent sur Twitter, alimenter régulièrement le site Web de l'entreprise et participer à de nombreux forums. " Nous prévoyons faire de la publicité plus traditionnelle, mais pas au début. Pour l'instant, nous nous en tenons au marketing viral, très efficace dans la communauté informatique ", dit Francis Lamontagne, vice-président à l'exploitation d'ExoPC.
5- Des suivis à faire ?
La vie d'un produit ne s'arrête pas à son lancement. " On sous-estime généralement l'importance d'améliorer son produit. Le suivi de sa performance et l'évolution de son cycle de vie sont également des aspects essentiels ", souligne M. Belletête. Continuer à améliorer l'invention au fil du temps ou créer des produits dérivés permet entre autres de ne pas être rattrapé par la concurrence, qui risque de développer un produit similaire à moindre coût, et en moins de temps en plus.
Bois BSL, par exemple, continue à améliorer son invention afin de conquérir de nouvelles parts de marché. L'entreprise a conçu une bûche aromatisée à la citronnelle, une bûche grand format qui peut brûler toute la nuit, ainsi que des produits d'allumage. Actuellement, elle travaille à mettre au point une bûche aux propriétés nettoyantes pour les cheminées. " Les marchés changent. Il y a 15 ans, quand nous avons commencé à fabriquer des planchers de bois franc, les questions environnementales étaient moins dans l'air du temps, observe M. Ouellet. Aujourd'hui, ces mêmes questions nous poussent à nous renouveler constamment. "