Nous avons tous besoin de modèles de réussite qui deviennent le moteur de beaucoup de nos efforts et de nos succès. Qui inspire qui, au Québec ? Nous avons choisi trois entrepreneurs auxquels nous avons demandé qui les inspire en affaires et, surtout, pourquoi. Aux modèles qu'ils ont cités, la même question a été posée. Et ainsi de suite, jusqu'à bâtir des chaînes d'inspiration.
Dominic Gagnon, président de l'agence Piranha
À 14 ans, il a fondé Médiatech Communication, la première agence Web au Saguenay-Lac-Saint-Jean, avec trois employés à temps plein ! En 2007, alors qu'il poursuivait des études en communications publiques à l'Université Laval, il a créé Piranha, une agence spécialisée en marketing mobile. Aujourd'hui, il exploite des bureaux à Québec, Montréal et Paris, et compte parmi ses clients Desjardins, Bell, BMW et le Groupe Germain. Entre autres... Cerise sur le gâteau ? Il est chargé de cours à la maîtrise en communication appliquée à l'Université de Sherbrooke. Pas mal pour un gars de 26 ans, hyperactif non traité, à qui un prof avait déjà dit qu'il ne réussirait rien dans la vie. Dominic Gagnon a de l'ambition, de la détermination et l'audace de croire en lui et ses rêves.
Dominic Gagnon a choisi Marc Dutil
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Marc Dutil, président et chef de la direction de Canam et fondateur de l'École d'entrepreneurship de Beauce
Entrepreneur des nouvelles technologies, fan de Steve Jobs et Bill Gates, Dominic Gagnon le dit d'emblée, cela paraît illogique qu'il choisisse un homme qui oeuvre dans l'acier. Mais Marc Dutil, qu'il a connu en tant qu'entrepreneur-entraîneur à École d'entrepreneurship de Beauce (EEB), l'inspire à tous points de vue. Il aime sa force tranquille, aux antipodes de la sienne.
«Il a une force de caractère impressionnante et une capacité à communiquer un message qui est hallucinante. Il est ultra accessible et c'est un exemple d'humilité», dit Dominic Gagnon au sujet de Marc Dutil.
Le jeune entrepreneur se souviendra toujours de ce moment où il a grimpé le mont Washington avec la quatrième cohorte de l'EEB. Dutil, qui avait gravi la montagne dans le premier peloton, est redescendu pour venir en aide à ceux qui avaient de la difficulté à monter, portant même leur sac à dos.
«C'est vraiment marquant de voir ça ! Cet homme-là ne laisse jamais quelqu'un derrière.»
Dominic Gagnon a appris à communiquer de manière plus sentie, avec ses émotions, grâce à Marc Dutil.
Le jeune entrepreneur est inspiré aussi par la générosité du président et chef de la direction de Canam, qui redonne beaucoup au Québec avec l'EEB.
«Il accomplit beaucoup comme entrepreneur, mais il est aussi très proche de sa famille. Il a cinq enfants, il est en couple depuis des années et, pour moi, il représente une réussite familiale et professionnelle.»
Marc Dutil a choisi Marcel Dutil
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Marcel Dutil, fondateur de Manac et du Groupe Canam
Quand il pense à un entrepreneur québécois inspirant, Marc Dutil a tout de suite en tête Laurent Beaudoin de Bombardier. Mais celui qui l'a inspiré de la manière la plus marquée, c'est son père, Marcel.
«Même si des fois j'avais envie de lui tordre le cou, je trouve qu'on ne donne pas assez de mérite à ceux qui préparent la relève. On vient interviewer le jeune qui prend la place, qui est devenu le boss, mais le père ou la mère qui a mis 10 ou 15 ans à graduellement laisser la place, à se redéfinir un rôle, on ne les met pas assez en évidence», dit Marc Dutil.
La relation entre le père et le fils a été ponctuée de tensions, à l'évidence. Le jeune Dutil s'est fait brasser et il a entendu des mots durs de la bouche de son père. Comme si ce dernier avait voulu le remettre à sa place un peu plus que les autres pour faire en sorte qu'il réussisse.
Marc Dutil a trouvé difficile que son père, un homme intense, n'ait pas d'empathie envers ceux à qui il disait des choses difficiles à entendre. Mais cette carence du père a permis au fils de développer une sensibilité particulière dans sa manière de communiquer.
«Quand tu as un Marcel dans ta vie, tu pèses tes mots, tu écoutes, tu sens, tu te tasses et tu ne déclenches pas de bombes nucléaires pour rien.»
«Son intensité est sans méchanceté. Mon père est bon, mais pas toujours gentil. Il y a des gens qui sont gentils et pas souvent bons. Ce n'est pas pareil, précise-t-il. Mon père, c'est un citoyen à part entière, il ne vit pas dans un ghetto de riches. Il est généreux et il réconcilie le succès et la vie communautaire. Il est accessible. Il répond à ses appels. Ce sont des leçons de vie qui restent.»
Marcel Dutil a choisi Laurent Beaudoin
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Laurent Beaudoin, président du CA de Bombardier
Si Marcel Dutil s'est intéressé à l'entrepreneuriat, c'est à cause de son grand-père maternel, Édouard Lacroix, qui exploitait des entreprises forestières. «J'ai été frappé par la manière dont il traitait son monde, avec grande générosité. Ça laisse une marque.»
La très grande inspiration est toutefois venue de son ami de longue date, Laurent Beaudoin, qui a commencé à diriger Bombardier à l'âge de 25 ans et en a fait une multinationale. Les deux hommes se sont rencontrés dans des réunions d'affaires il y a plus de 30 ans, se sont liés d'amitié, sont devenus compagnons de chasse.«Laurent s'est toujours battu, il a toujours fait les choses de manière honnête et claire. Il a bâti d'excellentes relations de travail avec ses employés. Tout le monde le connaît et doit être inspiré par un tel homme», souligne Marcel Dutil.
Il admire la ténacité et la confiance de son ami qui a su traverser les cycles économiques sans tomber et même en faisant croître l'entreprise de manière spectaculaire.
«Pour rester en affaires à long terme, il faut être intègre et honnête. Ça prend aussi beaucoup d'énergie. Même à 75 ans, s'il doit prendre l'avion pour être en Europe le lendemain, il embarque. Son engagement envers l'entreprise et les employés, c'est du 24 heures sur 24. Il faut être dévoué sans condition.»
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Mohamed El Khayat, président d'Informatique EBR
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Mohamed El Khayat, président d'Informatique EBR
Né au Maroc, diplômé de l'Université de Grenade en Espagne et tombé amoureux d'une Québécoise, Mohamed El Khayat représente un exemple d'intégration réussie. Il s'est installé dans la capitale en 1987, à une époque où seulement 2 % de la population était d'origine étrangère. Ça ne l'a pas empêché, quatre ans plus tard, après avoir appris le français, de fonder, avec un partenaire québécois, une entreprise de produits et services en TI. EBR emploie aujourd'hui près de 100 personnes dans des bureaux situés à Québec, Montréal, Gatineau et Saguenay. Chiffre d'affaires : 55 millions de dollars. Le secret du succès de M. El Khayat ? Sa capacité à tisser des liens avec sa société d'accueil. «J'ai exploité la curiosité des Québécois. Ils me parlaient du Maroc, pas d'informatique. On a des barrières comme immigrant, mais on peut exploiter la curiosité, notre exotisme. Faire des affaires, c'est séduire, instaurer la confiance et convaincre», dit M. El Khayat, qui a reçu en 2013 le prix Entrepreneur immigrant de la Chambre de commerce et d'industrie de Québec, en partenariat avec la Ville de Québec. Depuis plusieurs années, il oeuvre pour le rapprochement des cultures. Il est d'ailleurs le vice-président du Conseil interculturel de la Ville de Québec.
Mohamed El Khayat a choisi Charles Sirois
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Charles Sirois, fondateur et président sortant du holding Telesystem
Quand il est arrivé au Québec en 1987, Mohamed El Khayat a rapidement trouvé son phare dans le monde de l'entrepreneuriat : Charles Sirois. À l'époque, M. Sirois, qui avait fait grandir la PME familiale par acquisitions, régnait au Canada dans les téléavertisseurs.
«C'est le premier qui a révolutionné les télécommunications. Comme moi, il vient d'une petite ville. Moi au Maroc, lui à Chicoutimi, et il est parti de zéro pour faire quelque chose de grand», souligne M. El Khayat.
Dans les années 1980 et 1990, Charles Sirois est parvenu à bâtir une immense société de portefeuille avec des participations dans plusieurs entreprises de télécommunications oeuvrant à l'échelle internationale.
«Il a foncé ! J'admire sa ténacité et sa persévérance, de même que sa confiance en lui. Ce n'est pas facile de s'imposer à l'échelle internationale», dit l'entrepreneur d'origine marocaine.
S'il a appris à se fier à son intuition, c'est grâce à l'exemple de Charles Sirois, un visionnaire capable de saisir rapidement les occasions d'affaires.
«J'ai aussi aimé sa manière de dire que ce n'est pas un péché de devenir riche. La richesse, il faut la créer avant de pouvoir la partager, alors la société a besoin de la richesse. Il a martelé ce message, et aujourd'hui, on est moins frileux devant la réussite», remarque M. El Khayat.
Charles Sirois a choisi Aldo Bensadoun
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Aldo Bensadoun, président fondateur du Groupe Aldo
Charles Sirois a d'abord été impressionné par Marcel Dutil, mais puisque celui-ci avait déjà été choisi par Marc Dutil... son choix s'est porté sur Aldo Bensadoun, fils d'un marchand de chaussures et petit-fils d'un cordonnier, qui a bâti un empire mondial de la chaussure, avec 1 600 magasins dans le monde, 20 000 employés et 200 millions de clients.
«Il a réussi à bâtir une entreprise globale dans un secteur traditionnel. Je suis inspiré par sa vision, sa détermination et sa capacité d'exécution tout à fait exceptionnelle», affirme Charles Sirois.
Né au Maroc, éduqué en France, tombé amoureux de Montréal, Aldo Bensadoun y a ouvert son premier magasin en 1972. Aujourd'hui, ses enseignes Aldo, Globo, Little Burgundy et Call It Spring sont présentes dans 70 pays sur les cinq continents. Le chiffre d'affaires du Groupe Aldo approche les deux milliards de dollars, ce qui en fait un des chefs de file mondiaux de la chaussure. Philanthrope, celui qui est souvent décrit comme un génie du commerce de détail a été un des premiers dirigeants d'entreprises à participer à la lutte contre le sida en 1985.
Aldo Bensadoun a choisi Serge Godin
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Serge Godin, président du conseil d'administration de CGI
Toujours entre deux vols, M. Bensadoun a été impossible à joindre, mais il a tenu à nommer Serge Godin comme entrepreneur inspirant. À l'âge de 26 ans, M. Godin fondait à Québec les services informatiques CGI, une entreprise qu'il a dirigée jusqu'en 2006. Elle est désormais établie à Montréal, avec plus de 70 000 professionnels répartis dans 40 pays en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. En acquérant la britannique Logica en 2012, pour 2, G$, CGI est devenue un véritable géant, soit la sixième plus importante entreprise indépendante de services en technologie d'information et en gestion des processus d'affaires dans le monde.
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Geneviève Émond, copropriétaire et présidente de Bota Bota, Montréal
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Geneviève Émond, copropriétaire et présidente de Bota Bota, Montréal
Un spa sur l'eau, dans un ancien traversier, au coeur du Vieux-Montréal, c'est comme un phare dans l'industrie touristique, une image de rêve qui peut vous inviter dans une ville et vous suivre quand vous la quittez. À l'heure où le ministère du Tourisme reconnaît la nécessité de mettre le fleuve en vedette, voilà une idée originale qui peut inspirer d'autres initiatives. Le grain de folie a fait germer le projet, et il a fallu vaincre des peurs et abattre des barrières pour le faire exister. Il a fallu aussi beaucoup de créativité pour imaginer un spa contemporain dans un robuste bateau de cinq étages. Geneviève et sa famille ont voulu le rendre invitant sans masquer son allure. Et ils ont pris le risque d'y investir 9 M$, tout en prenant le pari de l'accessibilité. En faire un spa élitiste, non merci ! Cette préoccupation d'offrir un lieu exceptionnel même aux moins fortunés révèle une idée de partage et un esprit de communauté.
Geneviève Émond a choisi François Pouliot et Stéphanie Beaudoin
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François Pouliot et Stéphanie Beaudoin, copropriétaires de La Face Cachée de la Pomme, à Hemmingford
Geneviève Émond trouve sa plus grande inspiration chez ses partenaires d'affaires de la cidrerie La Face Cachée de la Pomme.
«Nous offrons leurs produits au Bota Bota, mais notre relation d'affaires est devenue beaucoup plus petite que notre amitié», dit Geneviève Émond au sujet de François Pouliot et Stéphanie Beaudoin.
«Ils ont créé un produit exceptionnel avec une image superbe, un branding autour de la neige, de l'hiver, et ils exportent. De plus, ils ont gardé l'entreprise à échelle humaine malgré son succès à l'international», remarque Mme Émond.
François Pouliot, ex-producteur de films, a acquis un verger en 1994 et a participé à l'élaboration des premiers cidres de glace - un produit du terroir québécois alors inédit. Stéphanie Beaudoin, artiste en arts visuels, est devenue sa partenaire de vie et d'affaires en 1998. Ensemble, le couple d'entrepreneurs a récolté une centaine de distinctions internationales, et Neige est vendu dans une vingtaine de pays.
Geneviève Émond admire l'authenticité du couple, ainsi que sa passion et sa volonté d'aider d'autres entreprises québécoises à rayonner.
«Ils ont un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle. J'aspire à ça aussi. Ils m'inspirent. Leur cidrerie est leur maison, mais ils ont réussi à faire la séparation d'avec le bureau quand même.»
François Pouliot et Stéphanie Beaudoin ont choisi Nadine Hamelin
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Nadine Hamelin, présidente de Plastipak et d'Entreprises Hamelin
De loin, François Pouliot est inspiré par Daniel Gauthier, qui a bâti une destination touristique d'exception avec le Massif de Charlevoix. Mais sa plus grande source d'inspiration, c'est Nadine Hamelin, la cousine de sa conjointe.
Mme Hamelin est présidente des Industries Plastipak et des Entreprises Hamelin. Industries Plastipak fabrique des contenants de plastique pour des clients comme Saputo, Parmalat, Liberté et Agropur, tandis que les Entreprises Hamelin fabriquent et commercialisent une ligne d'articles ménagers sous la marque Mistral et de la vaisselle en mélamine.
«C'est anonyme, ça vient d'ici et on ne le sait pas. Et elles concurrencent de grands acteurs dans le secteur manufacturier. Elles ont trouvé des façons de produire à des coûts concurrentiels. Ça prend de la débrouillardise et du génie pour y arriver. De plus, il faut être solide en matière de service à la clientèle», souligne François Pouliot.
Il est inspiré par le caractère de battants des Hamelin. Plus encore par les valeurs familiales qui règnent dans cette entreprise fondée par le père de Nadine dans les années 1960 et qui a été rachetée par l'américaine Spartech, puis reprise par les Hamelin en 1998. Aujourd'hui, frères, soeurs, gendres et brus y travaillent.
«L'idée que la famille arrive à travailler ensemble, que ce soit harmonieux et que chacun y trouve sa place m'inspire, dit M. Pouliot. Stéphanie et moi, on aimerait ça que nos enfants continuent ce qu'on a démarré.»
Nadine Hamelin a choisi Jean Provencher
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Jean Provencher, président de Laiterie de Coaticook
Nadine Hamelin est inspirée par son client Jean Provencher, qui travaille avec sa soeur à la tête de la Laiterie de Coaticook.
«Sans qu'on s'en soit parlé, je suis sûre que, tous les deux, on aspire à ce que les gens soient heureux de travailler et d'être avec nous, croit Mme Hamelin. En tant qu'entreprise familiale, on a un rôle envers la famille, mais la famille est plus grande que les frères et soeurs, ce sont tous les employés. Et je considère qu'il faut avoir du respect, travailler dans un environnement sain et dans l'égalité.»
L'égalité, remarque Mme Hamelin, c'est une des valeurs inspirantes portées par Jean Provencher, qui n'hésite pas à mettre la main à la pâte à tous les niveaux, même pour l'aménagement paysager de Laiterie de Coaticook.
«Ce sont des gens terre à terre, simples et accueillants. Ces valeurs se transmettent dans les produits, fabriqués simplement, avec des ingrédients naturels, sans ajouts inutiles. Leurs emballages sont simples, on voit la crème glacée à travers des contenants de type artisanal. C'est le contenu qui vend le produit, pas le contenant», souligne Mme Hamelin avec admiration, même si cela semble paradoxal de la part d'une fabricante de contenants !
Ce qui l'inspire aussi, c'est la faculté de se réinventer. En délaissant le fromage pour la crème glacée, la Laiterie de Coaticook a trouvé son créneau et est devenue un des plus importants fabricants de ce produit au Québec.