C'est la pagaille dans les comptes de la Fondation Vilaj Vilaj. Après avoir amassé quelque 50 000 $ lors de trois événements avec l'Orchestre symphonique de Montréal, fin 2010, l'organisation du chanteur Luck Mervil ne peut dire de quelle somme elle dispose... si elle n'est pas à sec.
Faute d'un compte au nom de la Fondation, l'argent amassé lors des événements avec l'Orchestre (OSM) a été versé dans celui du directeur général de facto de l'organisation, Parnell Pierre. Mais il a perdu le contrôle de la comptabilité, reconnaît-il.
Rapidement, le bénévole a engagé des dépenses importantes pour Vilaj Vilaj, mise sur pied pour construire des villages modèles en Haïti. Les membres de l'équipe ont notamment effectué plusieurs voyages dans ce pays ravagé par le séisme de janvier 2010. L'organisme a cherché un terrain pour son projet, s'est entretenu avec les autorités du pays...
Quand des factures ont commencé à arriver au bureau de Vilaj Vilaj, rue Jean-Talon, à Montréal, l'organisme ne pouvait plus payer. Conceptrice du site Internet, l'entreprise Nordic Attitude a dû envoyer en février une mise en demeure pour récupérer près de 10 000 $ que lui devait l'organisme.
" La facture est à moitié payée ", dit Luck Mervil, joint par Les Affaires dans les bureaux de la Fondation.
Grand ménage du printemps
Aujourd'hui, Vilaj Vilaj dispose de son propre compte. Parnell Pierre, un parent éloigné de Luck Mervil, s'est retiré de l'organisation. Avec l'aide de la firme de comptables BDO, la Fondation tente maintenant de mettre de l'ordre dans ses finances.
" Ça a été de la mauvaise gestion de ma part, concède Parnell Pierre. On dépensait à gauche, à droite. J'ai fait des paiements avec ma carte de crédit, avec l'argent de la Fondation... "
L'organisme doit rassembler toutes les factures et déterminer si Parnell Pierre lui doit de l'argent. Pour l'instant, impossible de savoir combien d'argent la Fondation a amassé jusqu'ici. Luck Mervil refuse de montrer les comptes de l'organisme.
" L'exercice comptable a commencé au temps des Fêtes, dit le chanteur. On a une année pour le rendre public. D'ici là, on ne veut pas donner des montants erronés. "
Le travail de compilation des factures se poursuit. " Aujourd'hui, on a retracé pour 43 000 ou 44 000 $ de paiements ", dit Steve Saint-Pierre, un autre membre du CA de Vilaj Vilaj.
Démission fracassante
Bénévole à la Fondation depuis juin 2010, Paulson Pierre-Philippe a démissionné avec fracas, en février dernier, après une réunion d'urgence concernant les fonds décaissés par Parnell Pierre.
En plus du fouillis comptable qui régnait dans l'organisation, il reprochait aux membres du conseil d'administration de se placer en conflit d'intérêts.
" Le constructeur attitré de Vilaj Vilaj, c'est Nomade Haïti ", dit Paulson Pierre-Philippe. Son président, Steve Saint-Pierre, et son deuxième actionnaire, Parnell Pierre, font partie du conseil d'administration de la Fondation, dénonce-t-il.
L'architecte Ronald Rayside, qui a le contrat de dessin des maisons du village modèle, est également membre du CA.
Luck Mervil assure que Vilaj Vilaj cherche des administrateurs pour remplacer Parnell Pierre et Steve Saint-Pierre, question d'éviter les apparences de conflits d'intérêts à l'avenir.
Il assure toutefois que tous les membres de l'organisation agissent de bonne foi et que leur but est de " faire du bien ". " On essaie de poser un geste pour changer le monde ", dit-il.
Vilaj Vilaj attend son numéro d'organisme de bienfaisance de Revenu Canada, afin d'émettre des reçus à des fins d'allègement fiscal.
Avon Canada a d'ailleurs fait parvenir à la Fondation une lettre où elle s'engage à lui faire un don de 100 000 $ quand elle aura en main ces documents fiscaux.
En Haïti, dans la commune de Paillant, le maire compte toujours sur Vilaj Vilaj. " Hier, j'ai parlé à Luck Mervil, dit Sibrun David, joint par Les Affaires. Il y a toujours des terrains réservés au projet. "
Il mentionne cependant que le bail à ferme signé avec Vilaj Vilaj comporte un délai pour réaliser le projet, et qu'il est " presque écoulé ".