Enjeux de gouvernance - Série 3/6
Les administrateurs ont un rôle stratégique à jouer à des moments charnières de la vie de l'entreprise. Cette série décortique des enjeux auxquels ils font face.
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Le conseil d'administration doit veiller à l'intérêt supérieur de l'entreprise. Mais lorsqu'une offre publique d'achat (OPA) hostile survient, cette responsabilité se complique passablement. Le CA de l'ancienne minière québécoise Osisko en sait quelque chose, lui qui a remué mer et monde l'hiver dernier pour contrer l'OPA de Goldcorp, de Vancouver.
«Avec les règles actuelles, fondées sur la primauté des actionnaires, les CA ne peuvent rejeter une offre qu'ils jugent contraire à l'intérêt à long terme de l'entreprise, déplore Yvan Allaire, président de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques. Ils doivent plutôt tenter de trouver une meilleure offre pour maximiser l'avoir des actionnaires. Ils se retrouvent dans un rôle de vendeurs aux enchères !»
C'est ce qui est arrivé à Osisko qui, aux termes d'une surenchère, a finalement été vendue aux sociétés torontoises Agnico Eagle et Yamana Gold.
Depuis, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont annoncé leur intention de changer les règles du jeu en matière d'OPA non sollicitées. Le projet de règlement déposé le 11 septembre dernier, qui s'inspire largement des propositions mises en avant par l'Autorité des marchés financiers (AMF), prévoit allonger à 120 jours le délai minimal de réponse à une OPA. De plus, l'instigateur de l'OPA devra obtenir le dépôt d'au moins 50 % des actions (en excluant les siennes) avant d'en prendre possession, ce qui nécessitera l'appui d'une majorité d'actionnaires pour que l'offre suive son cours. Cette condition remplie, l'offre sera prolongée de 10 jours pour permettre aux actionnaires restants de déposer ou non leurs titres. Ce délai évite que ceux qui la désapprouvent ou qui sont indécis déposent leurs actions sous pression de peur d'être laissés pour compte.
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Si ces changements avaient été en vigueur au moment de l'OPA contre Osisko, le sort de celle-ci aurait-il été différent ? Non, répond Yvan Allaire. «Le CA aurait eu plus de temps pour réagir, mais l'entreprise aurait quand même été vendue.»
C'est que la modification du régime des OPA, qui devrait entrer en vigueur en 2015, n'accordera toujours pas aux conseils le droit de rejeter une offre sans en appeler aux actionnaires. L'AMF a tenté de convaincre ses homologues des autres provinces d'accorder ce pouvoir aux CA, mais en vain. Elle invoquait notamment la nécessité d'adapter la réglementation aux réalités actuelles du marché, caractérisées par la montée de l'activisme actionnarial et l'influence croissante des fonds spéculatifs et d'arbitrage qui profitent des OPA pour acquérir des actions dans une perspective de placement à court terme.
Elle notait aussi que les règles des commissions des valeurs mobilières entrent en contradiction avec la jurisprudence de la Cour suprême indiquant que l'obligation des administrateurs ne se limite pas à la valeur des actions et que l'intérêt des actionnaires ne prévaut pas sur celui des autres parties prenantes.
«Le régime est devenu trop favorable aux initiateurs des offres non sollicitées, dit Gilles Leclerc, surintendant des marchés de valeurs de l'AMF. Cependant, nous sommes satisfaits des changements proposés même si nous n'avons pas convaincu nos collègues de permettre aux CA d'envisager d'autres solutions que la vente de la société. Les CA auront plus de temps pour faire valoir leur plan d'affaires auprès des actionnaires ou pour négocier une meilleure offre. Cela rétablit l'équilibre entre les CA et les initiateurs, ce qui était notre principal objectif.»
Pour Yvan Allaire, il s'agit là d'un bon compromis. «L'AMF ne pouvait faire cavalier seul, mais elle a réussi à faire bouger les choses», analyse-t-il. Il ajoute toutefois qu'il faut relativiser la «menace» que représentent les prises de contrôle hostiles pour les sièges sociaux québécois. «Des 50 plus grandes entreprises québécoises, 26 sont protégées par des actions à vote multiple. Cette structure de propriété est un bon moyen de barrer la route à toute tentative d'achat non souhaitée.»
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Se préparer à une OPA
Les CA des sociétés publiques devraient inclure la possibilité d'une OPA hostile dans leur processus de gestion des risques, estime pour sa part Martin Bernier, associé et leader des programmes aux administrateurs chez PwC. «Des rendements inférieurs aux attentes ou une faible marge de manoeuvre financière figurent parmi les facteurs de risque, indique-t-il. Plus le marché pense qu'une société devrait faire mieux, plus celle-ci est vulnérable à une prise de contrôle non sollicitée.»
Comme le temps est compté lors d'une telle tentative, les entreprises ont tout avantage à assurer leurs arrières en s'y préparant. Elles devraient ainsi faire voter en assemblée annuelle une «dragée toxique», une mesure qu'elles pourraient déployer lors d'une OPA hostile et qui a pour effet de rendre leur acquisition plus coûteuse et donc moins intéressante pour l'initiateur.
Elles devraient aussi établir à l'avance les principaux éléments de leur stratégie de réponse, selon Martin Bernier qui est aussi membre du CA de l'Institut des administrateurs de sociétés. «Il faut trouver d'autres acheteurs vers qui se tourner et préparer des arguments pour les intéresser, dit-il. Il faut aussi bien connaître ses actionnaires et définir un plan de communication pour les convaincre de conserver leurs actions.» Plus une entreprise est préparée, plus elle est apte à se défendre.
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