Ultramar n’a pas l’intention d’arrêter d’utiliser les wagons de type 111 pour expédier des produits pétroliers en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Comme prévu vers la fin de l’été, la pétrolière de Lévis compte également commencer à les utiliser pour recevoir du pétrole du gisement Bakken, au Dakota du Nord. C’est le même brut léger qui emplissait les citernes de la Montreal Maine & Atlantic Railway ayant explosé à Lac-Mégantic.
«Pour nous, c’est une question de compétitivité, dit Michel Martin, directeur des affaires publiques d’Ultramar. C’est absolument crucial. Déjà qu’on a pris du retard avec la grève dans la construction… Chaque jour qui passe, ce sont des opportunités qui prennent le bord. On est déjà très pénalisés par rapport aux raffineurs ontariens, qui eux traitent le brut de l’Ouest depuis deux, trois ans.»
Les wagons de type 111 qu’utilise la pétrolière ont pourtant été impliqués dans un grave accident ferroviaire ayant tué deux employés du Canadien National en 1999 à Mont-Saint-Hilaire.
À partir du début septembre, Ultramar prévoit néanmoins recevoir jusqu’à 50 000 barils de brut par jour dans des wagons de type 111. Ils seront cependant plus récents que ceux que tirait la Montreal Maine & Atlantic Railway (MMA). Ces approvisionnements nécessiteront la circulation de 50 citernes quotidiennement.
Contrairement aux wagons que tirait la tristement célèbre compagnie d’Ed Burkhardt, ils n’emprunteront pas le réseau du Canadien Pacific pour arriver au Québec, mais celui du Canadien National.
Pour l’instant, la raffinerie d’Ultramar – la plus importante au Québec – n’est approvisionnée que par bateau, avec du brut plus cher que celui de l’Ouest, provenant de l’étranger.
Le nouveau trafic de brut de la pétrolière s’ajoutera aux 153 wagons de produits transformés qu’Ultramar expédie déjà dans ses terminaux en Ontario et au Nouveau-Brunswick. La filiale canadienne de l’américaine Valero a cependant diminué de 75% ces expéditions d’essence et de diesel en cessant d’en expédier à son terminal de Montréal, quand est entré en service le nouveau pipeline souterrain entre la raffinerie et la métropole.
Pour l’instant, Ultramar ne prévoit pas utiliser d’autres wagons que ceux de type 111 qu’elle loue déjà à la société GATX, à moins que des conclusions les concernant n’émergent de l’enquête. «Changer de wagons, ce n’est pas quelque chose qu’on peut envisager à court terme, dit Michel Martin. Pour en commander dans ces quantités-là, on parle de plusieurs mois d’attente.» Et tant que l’enquête sur la tragédie de Lac-Mégantic n’est pas terminée, la pétrolière ne saurait pas quoi commander.
Le porte-parole assure que les convois de produits pétroliers raffinés qu’elle confie au Canadien National sont sécuritaires. «On est confiants et satisfaits des moyens qu’on a en place pour transporter notre pétrole et nos produits pétroliers, dit-il. Si jamais il y a des analyses, des enquêtes qui sont faites qui démontrent qu’il peut y avoir des faiblesses communes à d’autres systèmes, qui peuvent avoir un impact pour nous, on va l’intégrer et s’y soumettre de bonne grâce. Mais on n’a aucune indication à ce moment-ci qui nous permettent de croire que nos systèmes sont défaillants.»
Il ajoute que l’«incident» - c’est le terme qu’utilise Ultramar - «est horrible». «C’est une tragédie, dit Michel Martin. Ceci dit, on n’a pas encore une idée claire sur les causes de ce qui s’est produit.»
Explosion à Mont-Saint-Hilaire
Explosion à Mont-Saint-Hilaire
Les wagons 111 que loue Ultramar ont été impliqués dans un autre grave accident ferroviaire en 1999 à Mont-Saint-Hilaire. Un de ses convois de produits pétroliers avait alors déraillé des voies du CN. Des wagons ont explosé ; d’autres ont brûlé pendant quatre jours. La catastrophe a tué deux employés du chemin de fer.
Le nombre de morts fut limité parce que le déraillement est survenu dans un quartier industriel. Mais le rapport du Bureau de sa sécurité des transports (BST) a lourdement insisté sur le danger que représente de tels convois quand ils traversent des villes. Comme les wagons actuels d’Ultramar à destination de l’Ontario, le train détruit en 1999 devait d’ailleurs rouler à Montréal.
Après la catastrophe, le BST avait recommandé de concevoir et de diffuser des plans d’intervention d’urgence plus précis pour rendre les interventions plus rapides et faciles en cas de catastrophe ferroviaire impliquant des produits dangereux dans les zones urbaines. En 2006, Ottawa a publié un règlement dans la Gazette officielle du Canada à cet effet, mais Transports Canada ne l’a jamais mis en application, rapporte La Presse.
Chez Ultramar, Michel Martin refuse de commenter cette nouvelle. «Nous on a des plans, testés avec les autorités, dit-il. On collabore étroitement avec le CN.»
LesAffaires.com a envoyé des questions à Transports Canada à ce sujet, mais le ministère fédéral, chargé de la sécurité ferroviaire, n’a toujours pas rappelé.