Le port est une fourmilière. Les camions circulent et se croisent sur des routes de cinq voies de largeur, entre d'immenses piles de conteneurs. Le jour de notre visite, un jeudi brumeux de décembre, pas moins de 9 000 véhicules y auront chargé ou déchargé les marchandises d'exportateurs ou d'importateurs. Un modèle d'efficacité logistique qui se déploie ainsi tous les jours.
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«Nous ne nous contentons pas de charger ou de décharger des conteneurs, précise John F. Petrino, directeur du développement des affaires de la Georgia Port Authority (GPA), l'agence d'État qui exploite le port de Savannah. Nous travaillons avec les entreprises logistiques de la région, sans parler des exportateurs ou des importateurs. Nous sommes un écosystème logistique.»
Reconnu partout en Amérique du Nord, cet écosystème inspire d'ailleurs la nouvelle grappe en transport et logistique de Montréal, chapeautée par CargoM. Créé en 2012, cet organisme regroupe une quarantaine de membres, dont l'Administration portuaire de Montréal (APM), le Canadien National, le manufacturier montréalais Dorel, Transport Robert et l'ESG UQAM.
Du 1er au 3 juin, une délégation québécoise dirigée par CargoM est même allée visiter le port de Savannah et des centres de distribution de la région, dont celui de Dorel. «Dans notre réflexion pour améliorer notre grappe, nous avons regardé les pratiques de plusieurs ports et, rapidement, nous avons ciblé celui de Savannah et son pôle logistique», dit Mathieu Charbonneau, directeur général de CargoM.Le port géorgien est situé à une vingtaine de kilomètres de l'océan Atlantique, en amont de la rivière Savannah. Les infrastructures portuaires se trouvent juste au nord-ouest du centre-ville de Savannah, une ville sensiblement de la même taille que Sherbrooke, au Québec. Ce port est le quatrième en importance aux États-Unis pour la manutention de conteneurs, après ceux de Los Angeles, de Long Beach (contigu à celui de L.A.) ainsi que de New York-New Jersey.
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Secondaire en 1990, le port de Savannah est devenu en 25 ans la principale porte d'entrée du sud-est des États-Unis (Texas, Tennessee, Géorgie, Caroline du Nord, Caroline du Sud, Floride). Plusieurs multinationales y exploitent des centres de distribution telles que Lowes, Target, IKEA, TJ Maxx, Heineken, Dorel et Walmart.
«Nous utilisons le port de Savannah depuis plus de 17 ans. Notre présence a contribué à améliorer l'efficacité de notre chaîne d'approvisionnement, en offrant des options supplémentaires pour les marchandises entrant», dit Kory Lundberg, directeur des relations médias pour Walmart aux États-Unis
Une statistique montre avec éloquence la progression fulgurante de l'activité au port de Savannah. Entre 1990 et 2013, la manutention de conteneurs a été multipliée par 6 (de 500 000 unités équivalent vingt pieds, ou EVP, à plus de 3 millions d'EVP par année, selon les données de la GPA). À titre de comparaison, le port de Montréal en a manutentionné 1,3 million en 2013, selon l'APM.
Le succès du port de Savannah - qui peut accueillir jusqu'à neuf énormes cargos de conteneurs en même temps - tient essentiellement à deux facteurs, disent les spécialistes, dont Emmanuel Guy, professeur en sciences de la gestion et titulaire de la Chaire de recherche en transport maritime à l'Université du Québec à Rimouski.
D'une part, la Géorgie est située dans le sud des États-Unis, une région qui connaît une forte croissance économique. D'autre part, les principaux acteurs économiques et politiques de la grande région de Savannah se sont mobilisés et se sont dotés d'une vision stratégique pour développer un pôle logistique autour du port.
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Bâtir grand sur... un échec colossal
Fait notoire, la nécessité d'avoir un plan de match est née à la suite d'un échec retentissant, raconte Brynn Grant, directrice de l'exploitation de la Savannah Economic Development Authority (SEDA), l'un des organismes chargés d'attirer des investisseurs dans la région. «À la fin des années 1980, nous avons perdu un gros projet immobilier en logistique en raison de délais administratifs trop longs. C'était inacceptable !» confie-t-elle. Plus jamais, se sont alors dit les acteurs économiques et politiques de la région de Savannah.
C'est à cette époque, en 1988, que la décision est prise de créer le parc logistique Crossroads Business Park, qui est géré par la SEDA. Un événement fondateur et une bougie d'allumage qui, combinés à d'importants investissements en infrastructures, ont accéléré le développement du port de Savannah et de sa grappe en transport et logistique.
Dans les années suivantes, les implantations de centres de distribution se sont multipliées dans la région de Savannah, dont celle du géant de la rénovation Home Depot, en 1997. Les grandes entreprises y installent des centres de distribution pour plusieurs raisons. Les terrains sont disponibles. La main-d'oeuvre est qualifiée. Le port est facilement accessible. La région et l'État de la Géorgie offrent des mesures incitatives.
La recette pourrait-elle être reproduite ici ? En partie oui, mais la situation de Savannah est particulière.
Par exemple, le port de Savannah peut accueillir les immenses cargos post-Panamax, alors que c'est impossible au port de Montréal. Savannah a une profondeur de 42 pieds (12,8 mètres). Des travaux de dragage sont en cours pour la porter à 47 pieds. Le chenal de navigation entre Québec et Montréal a une profondeur de 37 pieds (11,3 mètres) seulement.
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Par ailleurs, contrairement au port de Mont-réal, le port géorgien n'est pas situé dans un milieu urbain. Les investissements pour agrandir ses installations et accroître les mouvements de camions ne posent donc pas vraiment de problèmes.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le port de Montréal compte prendre de l'expansion à son site de Contrecoeur, à l'est de Verchères. Du reste, le modèle de pôle logistique multisite préconisé par CargoM n'est pas incompatible avec le modèle de Savannah, car sa grappe s'étend dans la grande région de Savannah. Montréal peut donc s'en inspirer.
«Cette approche permettrait de renforcer les développements déjà réalisés, ou en cours de réalisation, par l'industrie. Plusieurs sites à proximité du port, à Montréal ainsi qu'à Contrecoeur, sont disponibles, et des projets pourraient y voir le jour très rapidement afin de mettre en marche cet élément», souligne Sophie Roux, directrice des communications de l'APM.
Même si la grappe montréalaise n'a pas encore atteint le niveau de coordination de celle de Savannah, des efforts sont faits en ce sens, notamment pour offrir un site Web - une espèce de guichet unique - qui s'inspirera de celui de select- georgia.com. La Ville de Montréal travaille sur ce projet, qui sera mis à la disposition de CargoM.
Du reste, développer une grappe en transport et logistique efficace n'est pas si sorcier que cela en a l'air, fait remarquer Jacques Roy, spécialiste en gestion des opérations logistiques à HEC Montréal. «Il s'agit d'avoir une bonne volonté politique et une vision, car les enjeux et les solutions, soit une bonne coordination et de bonnes infrastructures, sont connus !»
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