Dans son discours du budget, le ministre des Finances a louangé le chemin de fer planifié par le Canadien National et la Caisse de dépôt vers la Fosse du Labrador, un mégaprojet d'au moins cinq milliards de dollars. Mais il a du même coup pris parti dans une véritable bataille avec les minières, qui veulent construire leur propre ligne entre Sept-Îles et leurs sites, a appris LesAffaires.com.
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Depuis des mois, les entreprises qui développent de nouveaux projets d'exploitation du fer dans la Fosse discutent pour construire elles-mêmes un nouveau chemin de fer à usage commun, en partenariat avec les autochtones de la région. Elles ne veulent surtout pas qu'une compagnie de transport par rail s'en charge. Les minières craignent que le CN et la Caisse ne leur chargent trop cher pour expédier leur production.
«Le rail doit être un service qui dessert tous les usagers et qui soutient une industrie du minerai de fer à long terme. La meilleure façon d'y arriver, c'est d'en faire un coût à l'industrie, plutôt qu'un centre de profits pour des tiers», déclare Sandy Chim, pdg de Century Iron Mines Corporation, qui a des projets dans la région de Schefferville.
L'avocat de l'entreprise à capitaux chinois se fait plus clair. «La position de ma cliente et d'autres minières, c'est qu'elle n'est pas nécessairement en accord avec l'idée de faire affaire avec une compagnie de chemin de fer de classe 1», soit un grand transporteur national, explique David Blair, du cabinet Heenan Blaikie, à Québec.
Mais tout le monde s'accorde pour dire que le gouvernement n'accepterait pas la construction de plus d'une nouvelle ligne entre la Fosse du Labrador et Sept-Îles. Les minières devront donc utiliser le chemin de fer qui sera construit, que ce soit le leur ou celui du CN et de la Caisse.
Projet de minières pour minières
Century a même créé la Société ferroviaire canadienne du Golfe pour construire un chemin de fer qui transporterait le minerai des multiples projets de la fosse du Labrador vers le terminal minéralier de Sept-Îles. En principe, d'autres minières doivent prendre des participations pour détenir et utiliser l'infrastructure. «Century participera et envisagera de payer sa juste part d'un tel projet, dans un cadre d'équité, de transparence et d'impartialité», dit Sandy Chim.
David Blair précise que le projet des minières est évalué entre «2,5 à 5 milliards», tout dépendant de l'endroit où s'arrête la ligne.
Parmi les partenaires potentiels de Century, une source bien au fait du dossier identifie les minières Ressources Adriana et Champion Minerals, ainsi que les Innus et Naskapis de Sept-Îles et Schefferville. La société Labrador Iron Mines a aussi un projet dans la région.
Cliffs Natural Resources expédie déjà du fer à Sept-Îles par le biais d'une ligne existante, la Québec North Shore & Labrador, détenue par Rio Tinto. C'est aussi le cas de New Millenium, qui exploite une mine dans la région en partenariat avec l'indienne Tata Steel.
Pour l'instant, personne ne peut confirmer qui parle avec qui. «Il y a des rencontres très sensibles qui ont lieu ces jours-ci. Ils sont en train de ficeler la chose, pas de parler aux médias...» dit la source de LesAffaires.com.
Chose certaine, l'avocat de Century a sursauté en entendant les paroles du ministre des Finances. «La mention dans le budget a été un peu surprenante. Mais je ne pense pas que la décision soit prise», dit David Blair.
Le cabinet de Raymond Bachand n'a pas pu commenter avant la publication de cet article.
«Je soupçonne que la Caisse est un peu mal à l'aise aujourd'hui, parce que c'était très prématuré d'annoncer ça dans le budget», ajoute l'autre source proche du dossier.
Mais l'institution financière n'affiche pas d'états d'âme. «À notre connaissance, le CN est le seul exploitant ferroviaire qui a un projet dans la région, dit le porte-parole Maxime Chagnon. C'est le meilleur [exploitant] au monde. Nous, c'est ce qu'on recherche: ils ont l'expertise.»
Au CN, la porte-parole Julie Sénécal assure que l'entreprise pourrait offrir un service abordable aux minières de la région. «On est le chemin de fer le plus efficace en Amérique du Nord, avec le meilleur service, dit-elle. Nous sommes confiants de pouvoir répondre aux besoin de toutes les minières.»
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