Été 2014. À Pebble Beach, en Californie, une Ferrari 250 GTO Berlinetta datant de 1962 était adjugée au prix de 38 millions de dollars américains (M$ US), fracassant le record de la voiture la plus chère jamais vendue au cours d'une vente aux enchères. Une Mercedes-Benz W196 de 1954, achetée 30 M$ US en 2013 en Angleterre, détenait le record précédent. Or, la vente de voitures de collection prestigieuses sera à nouveau prometteuse en 2015, alors que la cote de certains modèles continue de s'envoler et de pulvériser des records sur le plan des prix. Mais pendant combien de temps encore les enchères monteront-elles ?
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La période des enchères d'automobiles de collection a commencé l'année sur les chapeaux de roue. En janvier, à Phoenix, en Arizona, la maison canadienne RM Sotheby's a généré des ventes de 63,7 M$ US, en hausse de près de 40 % par rapport aux résultats de 45,6 M$ US enregistrés l'année précédente. Deux mois plus tard, lors du réputé Concours d'élégance d'Amelia Island en Floride, les ventes de RM Sotheby's ont totalisé 60,4 M$ US, dépassant cette fois de 67 % les résultats de 35,9 M$ US réalisés en 2014.
«Le marché est en forte croissance et continuera sur sa lancée», souligne Gord Duff, spécialiste chez RM Sotheby's. Il prévoit que les ventes de 2015, qui s'élèvent déjà à 230 M$ US, atteindront de nouveaux sommets. L'année dernière, la maison avait affiché des résultats records de 470 M$ US, dont 143,4 M$ US provenaient des enchères annuelles tenues en août à Pebble Beach, par rapport à 442 M$ US en 2013.
Matthieu Lamoure, directeur général d'Artcurial Motors, note un intérêt croissant pour les autos de collection. «Le marché se porte très bien. Nos ventes établissent de nouveaux records et attirent de plus en plus d'acheteurs, dont une majorité d'étrangers», précise celui qui dirige la division automobile de la maison de ventes aux enchères française Artcurial.
Au cours des deux dernières années, la division automobile de collection d'Artcurial a connu une croissance importante, passant de 40 M$ US en 2013 à 66 M$ US en 2014 (+67 %). L'année 2015 s'annonce meilleure encore pour Artcurial Motorcars, qui, a enregistré des ventes de 52,2 M$ US lors du Salon Rétromobile tenu à Paris en février dernier. L'encanteur y a même décroché 10 records mondiaux pour certains modèles, dont une Ferrari 250 GT SWB California Spider qui a appartenu à Alain Delon, et qui a été vendue pour 18,5 M$ US alors que sa valeur était estimée entre 9,5 et 12 M$ US.
Un bon instrument de placement
Depuis la crise de 2008, et malgré la morosité économique qui règne encore, les ventes aux enchères de voitures de collection continuent de battre des records. «Il y a beaucoup plus de personnes riches dans le monde, et le nombre de modèles de voitures recherchés reste le même. Cette rareté exerce une pression sur les prix», dit M. Duff, qui revient d'un voyage au Moyen-Orient et en Russie au cours duquel il a rencontré des clients potentiels. «Les principaux collectionneurs sont des Européens ou des Américains, mais le marché s'est mondialisé et compte de nouveaux acheteurs issus de pays émergents», ajoute M. Lamoure. En 2003, M. Duff avait participé à la mise aux enchères de 10 voitures du peintre québécois Jean-Paul Riopelle, pour un montant de 657 500 $.
Les voitures de collection se sont avérées un excellent investissement au cours des dernières années. Selon l'indice HAGI (Historic Auto Group International), publié tous les mois dans le Financial Times, le marché aurait bondi de 400 % de 2003 à 2013. L'indice, qui évalue le marché depuis plus de 30 ans, affichait un rendement annualisé à long terme qui avoisine les 13,5 % à la fin de 2013. L'an dernier, l'indice a connu une croissance de 15,3 %.
Signe des temps, la célèbre maison de ventes aux enchères d'oeuvres d'art Sotheby's a acquis en février 25 % de RM Auctions, le leader mondial des ventes de voitures anciennes. L'entreprise ontarienne créée il y a plus de 35 ans et renommée RM Sotheby's pourrait ainsi accroître ses parts du marché mondial des enchères de voitures de collection, évalué à plus de deux milliards de dollars américains. Le montant global des ventes, y compris les transactions privées entre collectionneurs, s'élèverait bon an mal an à plus de 30 G$ US.
«Nous collaborons avec Sotheby's depuis 2007, et ce nouveau partenariat nous donne un levier pour accentuer nos ventes, en particulier en Europe», commente M. Duff. RM Sotheby's rivalisera notamment avec Artcurial et la maison britannique Bonhams.
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Un crash à l'horizon ?
Cependant, à l'instar du marché des actions, celui des voitures de collection n'est pas à l'abri d'une correction. Au début des années 1990, après une flambée des prix, les automobiles de collection ont rapidement perdu la moitié de leur valeur. La vague de hausse ne s'est amorcée qu'au début des années 2000. Les ventes record des dernières années devraient pourtant servir d'avertissement, craignent certains. Les maisons d'enchères, pour leur part, sont plus optimistes.
«Ce n'est pas comparable. À l'époque, c'était devenu essentiellement un marché de spéculateurs, tandis qu'aujourd'hui, les acheteurs sont davantage des collectionneurs avertis», explique Gord Duff. «Même si les prix ont considérablement augmenté, la forte demande les poussera encore à la hausse», dit M. Lamoure.
Selon Gilbert Bureau, fondateur du club des Voitures anciennes du Québec, le marché recèle encore de bonnes occasions. «Mais il faut être patient, perspicace, et surtout, être là au bon moment», précise-t-il. Il suggère d'acheter des valeurs sûres sans toutefois négliger les véhicules qui passent sous le radar et qui pourraient rapporter gros. Il n'empêche que certains propriétaires en profitent pour se défaire de leur collection. En mai dernier, RM Sotheby's a liquidé près de 80 véhicules de la collection de la famille Andrews, qui avait fait fortune dans l'électronique, recueillant 53,9 M$ US, dont 7,6 M$ US pour une Ferrari 400 de 1962.
Pierre Marchand, fondateur et ex-propriétaire de Musique Plus, n'entend pas pour autant vendre la sienne, qu'il a commencé pour le plaisir il y a plus de 30 ans. Mais «si j'avais des autos qui valent plus d'un million, j'y penserais sûrement», admet-il, en constatant la flambée des prix et les risques d'une baisse. «Un Picasso prendra toujours de la valeur, une voiture, c'est moins sûr». Sa collection comprend entre autres une Jaguar type E de 1966. Richard Petit estime que certains modèles souffrent d'une surenchère, tandis que d'autres ont encore un potentiel de croissance. Mais «l'important, c'est d'acheter une voiture qu'on aime. Si les prix ne bougent pas, il y aura toujours le plaisir de la conduire», dit le fondateur de Kebecson, propriétaire d'une Ferrari 275 GTB/4 de 1967.
Si on investit dans une voiture, c'est avant tout par goût et par nostalgie, estime M. Lamoure. «L'automobile nous ramène à des souvenirs. Elle nous rappelle celle de nos parents, celle dont on rêvait quand on était jeune», dit-il. En effet, à défaut de s'enrichir, le collectionneur pourra au moins profiter de l'été au volant d'une vieille Ferrari, d'une Jaguar, d'une Porsche ou d'une Alfa Romeo qui fera tourner les têtes. Ou de sa Camaro, en route vers San Francisco.
> 30 G$ US: Valeur annuelle moyenne estimée des ventes mondiales de voitures de collection. Source : RM Sotheby’s
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