Il y a des entrepreneurs qui hésitent à dévoiler leurs objectifs à moyen ou à long terme, de peur de ne pas pouvoir les atteindre. Ce n'est certainement pas le cas de Bruno Rodi, qui voit grand pour les activités internationales de Bixi, qu'il a rachetées du syndic en avril dernier pour la somme de 4 millions de dollars.
«Si je comprends bien, vous voulez faire de Bixi une petite Bombardier sur deux roues», lui avons-nous demandé, alors que notre entrevue à ses bureaux de Longueuil était déjà bien entamée. «Petite ?» réplique le chaleureux homme d'affaires.
Ce printemps, Bruno Rodi a acquis tous les droits de Bixi à l'international, réunis sous le vocable PBSC Urban Solutions (Public Bike System Company), qui emploie actuellement 25 personnes.
Quand la transaction a été rendue publique, des médias ont présenté l'entrepreneur comme le redresseur de Bixi, un qualificatif que le principal intéressé réfute. «Ces activités ont toujours été très rentables», assure-t-il.
Alors, pourquoi la Ville de Montréal, aux prises avec un important déficit de ses activités de vélo en libre-service, a-t-elle vendu le seul volet de ses activités qui soit rentable ? «Parce que la loi interdit à une municipalité de gérer une activité commerciale.»
Quant à savoir si la Ville de Montréal réussira à rentabiliser ses activités vélo, il est catégorique. «Jamais de la vie ! Aucune ville dans le monde ne réussira à rentabiliser cette activité. Pas plus que le métro ou le service d'autobus ne peut être rentable. Ce sont des services publics, ils ne sont pas faits pour générer des profits.»
Pourquoi est-il convaincu que lui réussira à rentabiliser ces activités ? «Ça n'a rien à voir : les métros ne font pas de profits, mais Bombardier, elle, en fait en vendant des voitures de métro. Je vends des vélos, je n'offre pas un service à la population. Et je peux vous dire qu'il y a une demande phénoménale pour mes vélos ; je reçois des appels de partout.»
Ce vélo est conçu par le designer industriel Michel Dallaire, qui vient d'ailleurs d'entrer au Musée de la civilisation de Québec, et fabriqué par Cycles Devinci, de Saguenay. Une véritable merveille, semble-t-il. «C'est la Rolls Royce des bicyclettes. Un des fleurons de l'ingéniosité québécoise», affirme M. Rodi.
PBSC a présentement 36 000 vélos en circulation : à New York, San Francisco, Toronto, Londres, Melbourne et dans plusieurs autres villes. En novembre prochain, 122 stations pour 1 276 vélos seront installées à Guadalajara, au Mexique.
En plus des stations, des vélos et de la technologie pour gérer le service, il y a un bon marché pour les pièces, un repeat business comme disent les Américains. «La ville de Londres m'a déjà commandé pour 3 M$ à 5 M$ de pièces pour 2015», précise M. Rodi.
Sans compter que Londres, qui compte 11 000 vélos en libre-service, en veut 25 000 en tout d'ici trois à cinq ans. San Francisco et Toronto souhaitent aussi agrandir leur parc de vélos.
«Nous sommes présentement sur quatre continents et, d'ici deux ans, nous serons aussi en Asie», prévoit M. Rodi. PBSC est présente au Canada, aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni et bientôt au Mexique.
Un petit coup de pouce à la planète
Né en Calabre, dans le sud de l'Italie, Bruno Rodi a immigré au Québec avec ses parents. Il a obtenu un MBA de HEC Montréal. «J'ai toujours su que je ferais des affaires dans la vie. Parce que j'aime les gens. Pas pour faire de l'argent. L'argent, c'est la conséquence, pas le but», explique celui qui se dit avant tout un gars d'immobilier.
C'est en effet en achetant et en revendant des terrains et des immeubles qu'il a fait fortune. Par exemple, il est propriétaire de l'immeuble commercial de 300 000 pi2 que Bixi et le magasin d'ensembles de salon qui porte son nom n'occupent qu'en partie.
Mais il n'aime pas en parler : «Je croyais que vous vouliez parler de Bixi», lance-t-il, comme pour nous remettre dans le droit chemin.
En 2000, Bruno Rodi décide d'aller faire le tour du monde. Dans le vrai sens du terme. Son périple, qui rendrait sans doute jaloux Jules Verne, durera 13 ans. Il lui a valu le titre de «plus grand voyageur du Québec» du quotidien La Presse.
En 2013, quelque part sur l'océan Indien, il entend dire que les activités internationales de Bixi sont à vendre. Il s'informe auprès des responsables, et poursuit sa route. Au début de 2014, les gens de Bixi le rappellent. On connaît la suite.
«Les gens de ma génération ne font pas très attention à l'environnement. Au cours de mes nombreux voyages, j'ai pu constater qu'on était en train de détruire la planète. Ce qui a éveillé chez moi une sensibilité pour l'environnement. D'où mon intérêt pour Bixi, un moyen de transport très écologique.»
Et votre prochain voyage ? «Ne me parlez plus de voyages !» répond, visiblement saturé, celui qui dit être l'unique actionnaire de «toutes ses affaires».
Relève : l'appel à tous de Bruno Rodi
Cette entrevue avait commencé par : «Je n'aime pas du tout donner des entrevues aux journalistes, mais j'accepte pour vous à condition que vous écriviez que je cherche un jeune président ou une jeune présidente capable d'amener cette entreprise là où je la vois. À 59 ans, je n'aurai pas le temps». M. Rodi a aussi besoin d'ingénieurs et de programmeurs.
N'a-t-il pas d'enfants pour prendre sa suite ? «J'en ai trois : Jason est cinéaste, Karina est peintre et Patricia est musicienne.»
Est-il déçu de ne pas avoir de relève ? «Quand j'étais plus jeune, oui, ça me dérangeait. Mais plus maintenant. J'ai réussi en affaires parce que j'adore ça. Et mes enfants adorent ce qu'ils font. Alors, qu'est-ce que je peux demander de plus ?»
Les sociétés de Bruno Rodi
Voici les sociétés dont Bruno Rodi est actionnaire qui figurent au Registre des entreprises du Québec. Elles ont toutes comme adresse le 1100, boulevard Marie-Victorin, à Longueuil.
- Global B. Rodi 2000
- Rodi Design
- Global Import (se rapporte à Rodi Design)
- Silver International (se rapporte à Rodi Design)
- AZClub.com (se rapporte à Rodi Design)
- 9231-4475 Québec
- Fiducie familiale BJKP (2e actionnaire de 9231-4475 Québec, même adresse que Rodi)