Le gouvernement Harper fera adopter dans 48 heures un projet de loi visant à forcer le retour au travail des 3800 employés en grève d'Air Canada si une entente n'intervient pas d'ici là, plaidant que l'économie canadienne est trop fragile pour encaisser les contrecoups d'un conflit de travail dans les aéroports du pays.
Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a indiqué mardi après-midi que l'avis de projet de loi serait déposé aux Communes en soirée, pour une adoption éventuelle jeudi.
En vertu de cet avis, le gouvernement peut déposer formellement en Chambre un projet de loi spéciale dans 48 heures, ou suspendre son dépôt en attendant la suite des choses.
"Air Canada détient une part de marché considérable au Canada en matière de transport aérien", a soutenu le ministre Flaherty en Chambre.
"Cela affecte les touristes, évidemment, mais aussi les entreprises et la livraison de marchandises à destination et en provenance du Canada. Il s'agit donc d'un enjeu qui pourrait avoir de sérieuses conséquences sur l'économie", a-t-il poursuivi.
La ministre du Travail, Lisa Raitt, a pour sa part expliqué la décision du gouvernement Harper en disant qu'il avait eu vent de plaintes du grand public.
Pour l'heure, les cadres du transporteur aérien assurent le maintien du service. Dans les principaux aéroports du Canada, mardi, l'attente était un peu plus longue et quelques retards ont été signalés. Mais dans l'ensemble, les activités se déroulaient normalement.
La situation pourrait empirer si la grève perdure, estime toutefois la ministre Raitt. "De nombreux voyageurs d'un peu partout au pays montent à bord des appareils d'Air Canada. Les files d'attente vont grossir", a-t-elle prévenu.
Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jack Layton, a quant à lui exprimé le souhait de voir intervenir une entente entre les parties patronale et syndicale.
"Nous aimerions mieux voir un accord négocié, a-t-il affirmé. Nous aimerions voir le gouvernement aider les deux parties à se rapprocher plutôt que d'adopter une loi pour forcer un retour au travail."
Les employés du service à la clientèle et des ventes d'Air Canada ont débrayé dans la nuit de lundi à mardi, faute d'avoir trouvé un terrain d'entente sur l'avenir de leur régime de retraite à prestations déterminées.
Tôt en matinée, des piquets de grève ont été érigés aux principaux aéroports du pays, dont celui de Montréal-Trudeau, dans l'ouest de la métropole.
La porte-parole d'Air Canada, Isabelle Arthur, a indiqué que 360 vols sur 1000 avaient été retardés, avant 9h30 mardi matin.
Dans certains cas, les délais ont été causés par le refus des équipages de franchir les piquets de grève.
Mme Arthur a néanmoins soutenu que les activités de l'entreprise se déroulaient "comme d'habitude". Air Canada avait annulé un pour cent de ses vols de la journée par mesure préventive afin d'éviter la congestion.
Les activités se déroulent donc comme une journée normale d'été. "Il y a des retards, mais comme une journée normale", a assuré la porte-parole.
"Nous avons mis en oeuvre notre plan de contingence, a-t-elle expliqué. Nous avons fait appel à quelque 1700 cadres et employés de soutien qui sont répartis à travers les aéroports du Canada pour prêter main-forte à notre clientèle."
À certains endroits, les passagers ont dû faire la file au comptoir, où des cadres assuraient le service, mais à Montréal, il y avait davantage de travailleurs remplaçant les grévistes que de passagers.
Plusieurs voyageurs avaient en effet suivi la recommandation d'Air Canada, qui suggérait à ses clients de s'enregistrer sur son site Internet avant d'arriver à l'aéroport.
D'après le syndicat, les conséquences du débrayage risquent surtout de se faire sentir au moment de l'embarquement.
Les employés en grève préviennent en outre que les files risquent de s'allonger au cours des prochains jours, puisque le mardi est habituellement une journée tranquille.
Le litige entre la direction du transporteur aérien et son syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile porte sur le régime de retraite et la rémunération des employés.
Selon Marcel Rondeau, qui représente le syndicat à la table de négociations, les deux parties sont presque arrivées à une entente sur les salaires.
"Mais dans le fonds de retraite, malheureusement, ils ont maintenu une position qui a fait en sorte qu'on a été obligés de déclencher la grève", a-t-il fait valoir.
Air Canada soutient que le régime à prestations déterminées dont bénéficient 26 000 employés actuels et 29 000 retraités menace la survie de l'entreprise.
Isabelle Arthur a affirmé mardi que l'important déficit d'Air Canada compromettait "la viabilité de l'entreprise et la retraite de tous les employés". "C'est ce dont il faut discuter", a-t-elle dit en entrevue à La Presse Canadienne.
Le transporteur voudrait offrir un régime à cotisations déterminées aux employés embauchés après 2012.
Cette proposition a été rejetée du revers de la main par le syndicat.
"Les gens sont déterminés, a fait valoir M. Rondeau. Quand on vote à 98,25 pour cent pour le déclenchement d'une grève, quand on donne ce mandat-là au comité de négociation, c'est que les gens sont décidés et vont faire en sorte qu'on a un règlement en bout de ligne."
Les deux parties se disent toutefois prêtes à poursuivre leurs discussions, dans l'espoir d'en arriver à un accord rapidement.