Dès la fin de mars 2011, des entreprises ont commencé à publier leurs résultats selon les normes comptables internationales, aussi appelées IFRS. La valeur de l'entreprise change peu ou pas du tout, mais la lecture des documents financiers, si.
La conséquence la plus marquée est sans conteste la quantité d'informations divulguées. " Il y a aura beaucoup plus de notes et d'explications qu'avant. Une entreprise dont les états financiers faisaient 30 pages en aura peut-être qui en feront 50 ", dit John Cochrane, associé délégué en certification chez Raymond Chabot Grant Thornton.
Les IFRS favorisent le recours à la juste valeur marchande, mais laissent plusieurs éléments aux choix des entreprises. " Les IFRS se basent sur des principes plus que sur des règles ", explique Michel Bergeron, associé en certification chez Ernst and Young. En revanche, les entreprises doivent détailler et justifier leurs choix de méthode comptable, leurs estimations, leurs hypothèses et leurs paramètres. Elles doivent aussi présenter des analyses de sensibilité pour les postes plus à risque, par exemple les devises et les régimes de retraite.
Trop d'information ?
" La divulgation accrue est très intéressante pour les lecteurs aguerris, mais ceux qui le sont moins trouveront peut-être que ça fait beaucoup d'information ", dit M. Bergeron. La clé pour adapter sa lecture réside en partie dans la note de passage, incluse dans les nouveaux états financiers. " C'est très important de bien la comprendre, puisqu'elle explique l'impact de la transition pour chaque entreprise ", dit Philippe Thieren, associé et leader des IFRS chez PwC au Québec.
Les effets varieront beaucoup selon les industries et les entreprises. Ils seront palpables dans les sociétés immobilières, qui évalueront différemment leurs immeubles, mais minimes chez les distributeurs, qui continueront à comptabiliser leurs revenus et leurs inventaires de la même manière.
L'impact sera aussi plus important pour les institutions financières, qui se conformeront aux IFRS à compter de leur exercice terminé en octobre 2012, puisque les nouvelles règles feront apparaître les prêts en titrisation au bilan. Quant aux entreprises manufacturières, l'effet dépendra des activités de chacune, explique M. Bergeron.
Toutes les sociétés cotées en Bourse et dont l'exercice financier se termine le 31 décembre 2011 doivent se convertir aux IFRS dès leur premier trimestre. Elles peuvent toutefois modifier leurs choix jusqu'à la fin de l'exercice en cours, à condition d'en expliquer la raison dans leurs notes.
Un délai d'un an a été accordé aux entreprises de services publics assujetties à des tarifs réglementés - comme Hydro-Québec ou Gaz Métro -, vu la complexité de l'application des IFRS dans leur cas.
Plusieurs appels à venir
Le défi pour les émetteurs sera de rendre cette masse d'information et tous ces changements digestibles pour les investisseurs.
"Les entreprises les plus à risque de voir leur titre fluctuer sont celles qui n'expliqueront pas bien la transition ", estime M. Cochrane.
Pour éviter que cela n'arrive, plusieurs émetteurs feront comme Bombardier et SNC, et tiendront une conférence téléphonique à l'intention des investisseurs portant spécifiquement sur les IFRS au cours des prochains mois.
Quels postes seront les plus touchés par les nouvelles normes internationales ?
Régimes de retraite
Les entreprises peuvent reconnaître le déficit accumulé dans leurs régimes de retraite à prestations déterminées dans leur bilan d'ouverture en IFRS (au 1er janvier 2010 si l'exercice se termine le 31 décembre 2011).
La perte ne passera pas dans l'état des résultats comme c'était le cas auparavant, mais sera plutôt affectée directement à l'état des bénéfices non répartis.
Comme les entreprises n'ont plus à amortir les pertes cumulées et que leur avoir est réduit, le rendement du capital sera vraisemblablement bonifié dans le futur. " C'est un grand cadeau pour les entreprises aux prises avec un gros déficit ", dit John Cochrane, de RCGT.
À tel point que pratiquement toutes les entreprises saisiront l'occasion, croit Michel Bergeron : " Les seules qui ne radieront pas leur déficit seront celles qui n'ont pas assez de capitaux propres pour maintenir un solde positif ou respecter leurs ratios bancaires ".
Immeubles de placement
Les sociétés immobilières peuvent évaluer leurs biens immobiliers à leur juste valeur marchande. Chaque trimestre, la hausse ou la baisse de valeur se répercutera sur les résultats. Comme l'approche est avantageuse lorsque le secteur se porte bien, toutes les sociétés immobilières l'adopteront, prévoit M. Cochrane. La nouvelle règle ne s'applique cependant pas aux entreprises manufacturières.
Provisions
Plutôt que d'être amalgamées dans les frais courus, les provisions seront maintenant présentées à part, groupées selon leur nature. Le lecteur verra ainsi l'ampleur et l'évolution des montants provisionnés pour d'éventuelles poursuites, des remises en état, des problèmes environnementaux, etc.
Classification de la dette
Les entreprises qui ne respectent pas leurs ratios bancaires devront avoir en main, avant la fin de l'exercice, une lettre de leur institution financière confirmant qu'elle accepte la situation. " Ça ne pourra plus être fait rétroactivement en obtenant la lettre en février ou en mars ", explique M. Cochrane.
En absence de lettre, la dette sera classée dans le court terme plutôt que dans le long terme. Les entreprises devront par ailleurs indiquer tout manquement aux ratios survenu durant l'exercice, même si la situation a ensuite été régularisée.
Frais d'acquisition
Les frais encourus dans le cadre d'une acquisition ne seront plus capitalisés, mais plutôt passés à la dépense. La règle s'applique à partir du 1er janvier 2010.
Intérêts minoritaires
Appelés " part des actionnaires sans contrôle " selon les PCGR, les intérêts minoritaires sont maintenant inclus dans les capitaux propres plutôt que dans le passif. " Les ratios vont changer en conséquence ", avertit M. Thieren.