Depuis 10 ans, les cabinets de traduction au Québec font l'objet d'offres d'achat provenant de cabinets d'ici, mais aussi de l'Europe et des États-Unis qui veulent profiter de la manne.
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Selon les dernières données de PwC, l'industrie de la traduction mondiale représente un marché de 40 milliards de dollars. Le Canada compte pour 4 G$ de ce volume, dont 2 G$ seulement pour le Québec.
« La province représente 5 % du marché mondial, ce qui n'est pas banal », insiste Claudette Monty, vice-présidente exécutive et associée principale chez Versacom. Ce cabinet montréalais, qui admet recevoir à l'occasion des offres d'achat, constitue la plus importante firme de traduction à propriété canadienne. Elle compte plus de 1 200 entreprises parmi ses clients.
Des transactions majeures
L'une des dernières transactions qui ont touché le marché de la traduction québécoise concerne l'américaine Lionbridge. Déjà présente à Montréal depuis le milieu des années 2000, l'entreprise du Massachusetts a acquis, en janvier, les cabinets CLS Lexi-Tech, à Brossard et à Québec. En fait, Lionbridge a acheté la suisse CLS Communication qui s'était déjà portée acquéreur de l'entreprise canadienne Lexi-Tech international en 2009. La société comptait une quarantaine d'employés. Depuis l'acquisition des bureaux québécois, elle en compte 100 de plus, et 250 supplémentaires si on inclut les bureaux de Moncton, d'Ottawa et de Toronto.
Outre les transactions, certains cabinets sont carrément venus s'installer en sol québécois. C'est le cas notamment d'Euroscript, un cabinet luxembourgeois présent à Montréal. Et encore, il s'agit d'une acquisition. La firme luxembourgeoise a acheté en 2007 le cabinet français Syselog, qui était venu s'établir à Montréal en 2005. « À l'origine, il s'agissait d'un projet personnel. Je voulais venir m'établir au Québec. J'ai convaincu Syselog, une firme française, d'ouvrir une succursale à Montréal pour se rapprocher du marché américain. C'est justement cette présence en Amérique du Nord qui a incité Euroscript a acheté Syselog », rapporte Éric Palanque, directeur général d'Euroscript Canada.
Euroscript compte aujourd'hui une quarantaine d'employés au Québec et près de 1 700 dans le monde. Il s'agit du sixième fournisseur linguistique en importance à l'échelle mondiale, selon Common Sense Advisory, une firme américaine de recherche spécialisée dans l'industrie de la langue. Ses principaux clients sont les gouvernements fédéral et provinciaux.
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Multinationales européennes
« Ce n'est pas étonnant que les cabinets du Québec et sa clientèle intéressent ces multinationales. Nous sommes l'un des marchés de la traduction les plus professionnels et rigoureux du monde », soutient Claudette Monty. Depuis deux ans, cinq multinationales européennes, pour la plupart des institutions financières, ont approché Versacom pour que le cabinet montréalais s'occupe de leurs traductions internationales.
La réputation des cabinets québécois vient en partie des règles exigées par les ordres de gouvernements fédéral et provinciaux. Toutes les traductions provenant des cabinets professionnels sont certifiées. Les gouvernements exigent lors des soumissions un permis d'exercice pour accorder leurs contrats. Et c'est également le cas des institutions financières, des entreprises médicales, des sciences de la vie et de tout ce qui se rapporte à la traduction de documents juridiques.
Selon Michel Frégeau, directeur général chez le Groupe Mégalexis, un autre grand cabinet de traduction montréalais, les entreprises européennes et américaines lorgnent avec intérêt le marché de la traduction de l'est du Canada, et ce, pour deux raisons.
« D'abord, il y a cette obligation des entreprises de traduire tout document en français au Québec, y compris au Nouveau-Brunswick, la seule province officiellement bilingue », dit le traducteur. L'autre attrait concerne le marché torontois où l'on trouve plusieurs sièges sociaux canadiens. Des sociétés qui ont régulièrement besoin de traduction « clés en main » pour 5, 10 voire plus de 15 langues à la fois.
Acheter ici ou à l'étranger ?
Le Groupe Mégalexis, fondé par Ann Rutledge en 2001, est sur le mode des acquisitions. Il a acheté les Traductions Tessier, à Gatineau, une entreprise d'une trentaine d'employés, en 2013. Le cabinet montréalais recherche principalement des entreprises d'ici, de l'est du Canada. « Il serait bien d'acheter à l'extérieur du pays, mais actuellement, les entreprises d'ici demeurent plus accessibles en fonction de la valeur du dollar », souligne M. Frégeau. Mégalexis et Tessier comptent une cinquantaine d'employés. Avant de procéder à l'acquisition des Traductions Tessier, Mégalexis comptait environ 25 employés.
D'ailleurs, Serge Bélair, propriétaire du cabinet TRSB, se demande si ce serait vraiment un bon coup d'acheter à l'international. « Ici, la traduction est considérée comme une valeur ajoutée. Ailleurs dans le monde, à quelques rares endroits, comme en Scandinavie, la traduction est une "commodité", une marchandise comme une autre. Je ne crois pas que nos cabinets aient intérêt à se retrouver dans des marchés où le prix de la facture est plus important que la qualité du produit », conclut-il.
> Selon PwC, le marché mondial de la traduction est de 40 milliards de dollars. Le Canada compte pour 4 G$ de ce total.
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