Sir Terence Hedley Matthews, l'entrepreneur ontarien qui a fait des milliards avec ses start-up, débarque au Québec avec 200 millions de dollars de capital de risque. Mais au lieu de financer des entreprises en démarrage qui ont déjà leurs plans d'affaires, il ira chercher ses futurs entrepreneurs sur les bancs d'école.
" Mon modèle est axé sur la demande, et il réduit le risque pour les donneurs d'ordre ", a-t-il expliqué lorsqu'il a présenté son projet à Montréal, le 2 février, lors d'un forum sur le capital de risque organisé par la Chambre de commerce française du Canada.
En entrevue, M. Matthews vante ainsi sa formule : " Neuf entreprises en démarrage sur 10 échouent, parce qu'elles n'ont pas de clients. Et les gros donneurs d'ordres ne leur font pas confiance à cause de ce taux d'échec. Avec ma crédibilité et mes contacts, je deviens le partenaire stratégique dont les deux ont besoin pour réussir. " De plus, ajoute-t-il, " je donne aux entreprises en démarrage un ou deux ans d'avance sur leurs concurrents, car je les mets en contact avec le client dès le début du processus de développement de produits ".
M. Matthews vient de signer une entente avec l'École de technologie supérieure de l'Université du Québec. Au cours de la prochaine année, il espère y recruter quatre ou cinq finissants pour des projets en technologies de l'information et des communications (TIC).
Il les emploiera à un salaire annuel de 25 000 $ en les affectant à un projet de développement de produits pour un important donneur d'ordres qu'il aura lui-même trouvé. Mitel Networks, que M. Matthews a fondé, et Hydro-Québec sont du nombre. Si le projet fonctionne, les jeunes diplômés deviendront propriétaires de 30 % de l'entreprise une fois créée. Et une clientèle assurée.
Un nouveau fonds de 200 millions de dollars
Sir Matthews " adore " les diplômés canadiens, parce qu'ils reçoivent " une excellente formation ". Voici comment il les recrute : " Mon approche est darwiniste. Je ne prends pas les meilleurs, je prends ceux qui peuvent le mieux s'adapter et travailler en équipe, dit-il. Je ne m'intéresse pas à leurs idées de produits ", ajoute-t-il.
Pourquoi les payer si peu ? " Ils sont jeunes, ils ont de l'énergie et peu de dépenses. Ils ne doivent pas être motivés par l'argent, mais par le désir de réussir. Ils doivent apprendre à trimer dur, sept jours sur sept, avant de toucher le gros lot. "
Cet ingénieur canadien d'origine britannique est célèbre pour avoir démarré, en 1972, avec 4 000 $ en poche, une entreprise de semi-conducteurs appelée Mitel, devenue l'une des plus grandes réussites en TIC au Canada. Sir Matthews a ensuite lancé Newbridge, en 1986, vendue pour 7,6 milliards de dollars à Alcatel en 2000, ainsi que d'autres entreprises. Il dirige maintenant Wesley Clover, un fonds de capital de risque qui crée de 4 à 6 entreprises par année avec des diplômés canadiens. Deux récents succès sont Yupic, en Colombie-Britannique, et Cambrai, à Terre-Neuve. M. Matthews vient de s'associer à un fonds britannique, le Roman Road Fund. Ensemble, ils consacreront 200 millions de dollars à la création d'entreprises. Ils ont convaincu deux chefs de files mondiaux de travailler avec eux : Vodafone et Futjisu.
Que pense-t-il du capital de risque au Canada ? " Lequel ? " demande-t-il. Le Canada est un " cancre de la commercialisation, même s'il forme des universitaires de haut calibre ". Sir Matthews veut contribuer à briser cette impasse et aider à créer des entreprises globales, " c'est-à-dire de plus d'un milliard de chiffre d'affaires ".