Les Etats-Unis ont conclu un accord avec la banque JPMorgan Chase qui accepte de payer un montant record de 13 milliards de dollars pour mettre fin à des poursuites civiles dans le dossier des dérivés de prêts immobiliers risqués, dits "subprime", selon une source proche du dossier.
L'accord comprend 4 milliards de dollars d'indemnisation de particuliers, sous la forme notamment d'allègements de prêts, a précisé cette source mardi.
Il comporte également 2 milliards d'amende et 4 milliards déjà annoncés d'indemnisation des organismes de refinancement hypothécaires sous tutelle de l'Etat Fannie Mae et Freddie Mac.
Le restant du montant ira aux Etats de Californie, de New York, et à une association d'emprunteurs.
L'accord, qui devrait être annoncé mardi, est de loin le plus gros jamais passé par les autorités américaines avec une seule entreprise.
L'un des points clé de la négociation avec le département américain de la Justice (DoJ) est de savoir à quel point JPMorgan Chase va accepter d'assumer la responsabilité des mauvaises actions liées aux subprimes de sa filiale Washington Mutual.
La FDIC, le régulateur qui assure les comptes de dépôts bancaires, "n'a rien dû payer quand Washington Mutual a fait faillite car elle a été reprise par JPMorgan. Ca a économisé beaucoup d'argent à la FDIC" et aux Etats-Unis, explique Erik Oja, analyste de S&P Capital IQ.
"JPMorgan voulait récupérer 2 milliards de dollars auprès de la FDIC mais le gouvernement les a poussés à abandonner cette revendication", poursuit l'analyste.
"On dirait que la banque est prête à passer sur beaucoup de choses mais pas sur ce point, car cela ouvrirait la porte à de multiples autres poursuites", conclut-il.
Jacob Frenkel, avocat spécialisé dans les affaires boursières, estime pour sa part que "les Etats-Unis veulent faire passer le message que l'enquête criminelle continue, mais si après cinq ans, ils n'ont toujours pas les preuves, il n'y aura pas de poursuites criminelles".
Les prêts dérivés subprime sont à l'origine de la crise financière qui a culminé en 2008 avec la faillite de Lehman Brothers et qui a fait plonger les marchés financiers dans le monde, basculer les Etats-Unis dans la récession et perdre leur logement à des millions d'Américains.
Tempête juridique
JPMorgan Chase, première banque américaine en termes d'actifs, et ses filiales rachetées en 2008 Bear Stearns et Washington Mutuel, étaient accusées d'avoir vendu des dérivés de prêts hypothécaires à des investisseurs et à des organismes publics comme "Fannie" et "Freddie", sans leur révéler leur niveau de risque très élevé.
Fannie et Freddie ont frôlé la faillite et dû recevoir conjointement plus de 180 milliards de dollars d'aides publiques après avoir racheté et assuré pour des milliards de dollars des prêts subprimes auprès des banques.
JPMorgan a provisionné plus de 9 milliards de dollars au troisième trimestre pour être en mesure de payer l'accord avec le DoJ, qui était en négociations depuis des mois. Cela a porté le total des réserves juridiques de la banque à 23 milliards de dollars, et a fait plonger ses comptes trimestriels dans le rouge, une première depuis près de 10 ans.
L'ex-enfant modèle de Wall Street a vu ses problèmes judiciaires s'accumuler depuis l'an dernier et l'affaire dite de la "Baleine de Londres", qui a occasionné des pertes de plus de 6 milliards de dollars dans les dérivés de crédit.
Le PDG de JPMorgan, Jamie Dimon, avait d'abord nié l'importance de ces pertes révélées dans la presse, les qualifiant de "tempête dans un verre d'eau" et déclenchant l'ire des autorités, qui reprochent à la banque d'avoir cherché à étouffer l'affaire.
M. Dimon a depuis pris personnellement les choses en main pour tenter d'apaiser ce qui est devenu une tempête juridique. Il s'était déplacé à Washington fin septembre pour discuter de l'accord avec le ministre de la Justice Eric Holder.
La banque fait encore l'objet d'enquêtes et de poursuites pour corruption en Chine ainsi que pour ses activités dans le courtage énergétique, entre autres.
Elle a annoncé vendredi un accord à l'amiable séparé sur les subprimes avec 21 investisseurs, pour 4,5 milliards de dollars.