Les malheurs des banques européennes, fragilisées par la crise de la dette et obligées de consolider leurs capitaux en cédant des actifs, font le bonheur de leurs rivales américaines, qui y gagnent des parts de marché, des actifs à bas prix et des liquidités.
JPMorgan Chase, Citigroup et Goldman Sachs ont toutes annoncé des résultats soit en demi-teinte soit franchement décevants pour le dernier trimestre et l'année 2011, plombés par la morosité des investisseurs et par la crise de la dette européenne qui plane comme "un nuage noir" sur les marchés, comme l'ont remarqué les dirigeants de Citigroup.
Mais à toute chose malheur est bon. Les banques européennes, sous pression des marchés et des régulateurs, sont contraintes de céder des actifs pour renforcer leurs capitaux propres, à l'instar des Françaises Crédit Agricole, Société Générale et BNP Paribas, ou de l'Espagnole Santander.
C'est l'occasion pour leurs concurrentes d'outre-Atlantique d'acquérir des actifs à bon prix.
Dans un rapport publié le mois dernier, le cabinet Deloitte notait que ces "opérations de fusions et acquisitions par les banques américaines pourraient accélérer un peu dans le cadre de la crise de la zone euro".
"Les banques européennes vendent des positions et n'ont pas le luxe d'attendre pour un bon prix", remarque Jim Sinegal, analyste de la maison de recherche Morningstar, interrogé par l'AFP.
Jamie Dimon, PDG de JPMorgan, a admis que la première banque américaine en termes d'actifs était intéressée par ces actifs.
"Il n'y a pas de vague de ventes" a-t-il toutefois noté lors d'une conférence d'analystes, ces cessions d'actifs "sont plutôt un mouvement ordonné d'actifs qui passent d'une banque à une autre".
"Nous commençons à voir des actifs vendus par des organisations en difficulté" en Europe, a également souligné mercredi le directeur financier de Goldman Sachs, David Viniar, lors d'une conférence téléphonique.
Alors que les banques européennes réduisent leur activité dans de nombreux domaines et que leur image pâtit des turbulences de la zone euro, leurs rivales de Wall Street peuvent espérer gagner facilement des parts de marché.
"Les banques européennes comptent 40.000 milliards de dollars d'actifs et sont en train de réduire leur périmètre" et les autres banques dans le monde "vont devoir se substituer à elles", remarquait ainsi mardi le directeur général de Citigroup, Vikram Pandit.
Citi ne se veut toutefois pas forcément "acquéreur direct" d'actifs, ayant comme Bank of America, encore des actifs non stratégiques à céder, mais elle espère générer des revenus en conseillant ses clients qui, eux, se porteraient acquéreurs.
Enfin, alors que les banques européennes ont de plus en plus de mal à se procurer des liquidités, leurs homologues américaines bénéficient de rapatriements de fonds vers les États-Unis de la part d'investisseurs qui liquident leurs actifs en euro, échaudés par les incertitudes et les risques qui pèsent sur l'économie européenne.
D'après Jim Sinegal, les banques américaines croulent même sous des montagnes de cash en provenance d'Europe au point que "la question, c'est de savoir quoi en faire, alors que la demande de prêts est insuffisante" aux Etats-Unis.
Les problèmes des banques européennes "sont une bonne chose en termes de croissance des dépôts pour les américaines, qui peuvent jouer le rôle de refuge" pour les investisseurs ou les particuliers, remarque Erik Oja, analyste de l'agence de notation Standard and Poor's.
"Les banques américaines, même si elle ne sont pas aussi capitalisées qu'elles le devraient, ne présentent pas de danger de faillite" pour le moment, ajoute-t-il.