Certains aspects entourant la mise en ligne prochaine du site Internet « Conseillers de confiance » par le Regroupement des conseillers de l'industrie financière du Québec (RCF) suscitent des interrogations de la part d'organismes et de conseillers.
Dévoilé à la fin de novembre, « Conseillers de confiance » se veut un outil destiné aux clients et épargnants qui leur permettra de trouver, avec leur code postal, des conseillers ayant obtenu un label de compétence éthique qui font affaire près de leur domicile.
Pour figurer sur cette liste, les représentants devront entre autres suivre une formation en éthique, éviter les conflits d'intérêts, ne jamais avoir déclaré de faillite commerciale dans l'exercice de leur profession, ni avoir été coupables de crime grave. De plus, ils devront s'engager à faire évaluer leurs dossiers par un expert indépendant dans les 24 mois suivants leur inscription.
AMF et CSF
Inquiète quant à ces critères, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a demandé à rencontrer le RCF, selon Sylvain Théberge, directeur des relations médias à l'AMF. Deux rencontres ont eu lieu dans les deux semaines précédant Noël. « Il y a des [critères] qui relèvent déjà de l'AMF ou d'organismes d'autoréglementation qui sont déjà en place. On ne voudrait pas créer de confusion », a dit Sylvain Théberge, avant le premier tête-à-tête, sans toutefois élaborer davantage.
Par exemple, un représentant qui soumet à l'AMF une demande de certificat doit divulguer s'il a fait faillite ou s'il a été déclaré coupable par un tribunal d'un acte criminel. Après avoir fouillé le passé de l'individu, l'AMF évalue sa probité avant de lui délivrer un permis.
De plus, l'AMF et la Chambre de la sécurité financière (CSF) se chargent quant à elles d'inspecter respectivement les dossiers des cabinets et des conseillers.
Par ailleurs, le Code de déontologie de la CSF mentionne notamment qu'un représentant doit « éviter toute situation où il serait en conflit d'intérêts ». Cependant, la CSF permet aux conseillers de participer à des concours de vente, ce qui sera interdit aux conseillers désirant figurer à la liste des « Conseillers de confiance ».
L'initiative du RCF élève la norme exigée par les régulateurs en matière de formation en éthique avec 10 heures de cours, qui seront soumis à un contrôle de connaissance. Les représentants assujettis à la CSF doivent déjà obligatoirement suivre 10 UFC de conformité aux normes, d'éthique ou de pratique professionnelle, mais qui ne comprend pas nécessairement de test des connaissances. Certains fournisseurs de formation vont toutefois passer un contrôle.
La nouveauté, avec « Conseillers de confiance », est d'amener les conseillers à prendre les devants par rapport aux inspections des régulateurs en s'engageant à faire évaluer leurs dossiers.
Deux classes de professionnels ?
Luc Labelle, président et chef de la direction de la CSF, craint que l'initiative du RCF ne crée deux classes de professionnels aux yeux des clients : « Avec un objectif qui est louable, on vient malheureusement ternir l'image des autres qui sont pourtant astreints aux exigences réglementaires qui assurent la protection du public », a-t-il déclaré à Finance et Investissement.
« Il peut se créer une présomption que les autres ne sont pas de confiance. À mon sens, ça serait erroné. Le public s'attend que les mesures [de contrôle des conseillers], elles soient efficaces. Et elles le sont, car elles ont la puissance des lois », a-t-il précisé.
Le planificateur financier Gaétan Veillette abonde dans le même sens, soulignant que l'étiquette « digne de confiance » risque de créer des attentes déraisonnables du public. « Aucun organisme ne peut prétendre offrir une garantie "digne de confiance" parmi ses assujettis. Il y a une différence entre une garantie de compétence et une garantie "digne de confiance" », a-t-il écrit dans un courriel envoyé à Finance et Investissement.
De son côté, le porte-parole du RCF, Léon Lemoine, ne croit pas que le répertoire crée une classe à part de conseillers. « On n'a pas la prétention de dire que ceux qui ne sont pas inscrits au répertoire des conseillers dignes de confiance, ne se le sont pas, a-t-il souligné. Au contraire, nous avons la profonde certitude que tous les conseillers du Québec vont pouvoir être dans le répertoire. »
Léon Lemoine soutient que le site ne vise qu'à aider les clients à repérer géographiquement un conseiller : « On n'est pas en train de devenir un organisme de réglementation. Notre prétention, c'est de faire la promotion des professionnels de la finance. Et cette promotion, personne ne la fait. »
Adoption prévu et questions
Léon Lemoine souligne qu'il a reçu plusieurs appels et courriels de félicitations pour la création du répertoire. Des conseillers, dont Gaétan Veillette, jugent l'initiative louable et bien intentionnée.
Par exemple, le planificateur financier de Planifax, Martin Lecavalier, est favorable à l'initiative du RCF et entend faire le nécessaire pour figurer au répertoire.
Toutefois, il se pose plusieurs questions sur la mise en place de l'initiative, notamment sur la perception du public de ceux qui préfèrent ne pas figurer au registre et sur le suivi après inscription. « Ça va prendre combien d'années avant que ce titre soit compris du public? », a-t-il ajouté.
Sur le plan du suivi, Léon Lemoine souligne qu'un conseiller qui quitte l'industrie pour une raison ou une autre sera exclu du répertoire des « Conseillers de confiance ». Le porte-parole du RCF n'a cependant pas défini comment le registre traitera les conseillers radiés temporairement.
Le RCF envisage également de confier la gestion de la base de données des « Conseillers de confiance » à une entité distincte du RCF afin d'éviter de favoriser son indépendance.
L'Institut québécois de planification financière n'a pas souhaité émettre de commentaire sur l'initiative du RCF.