Le secteur financier canadien, même s'il s'est relativement bien tiré de la crise de 2007-2008, n'a pas le luxe de se reposer sur ses lauriers et doit continuer à resserrer ses pratiques, a insisté mercredi la surintendante des institutions financières, Julie Dickson.
Même si elles sont impatientes d'augmenter le dividende qu'elles versent à leurs actionnaires, les banques devront, avant de passer à l'action, tenir compte du fait que le système financier mondial continue d'être instable, a déclaré Mme Dickson dans une allocution prononcée devant l'Association CFA Montréal.
"Le contexte économique est incertain, la réforme de la réglementation n'est pas terminée, les banques doivent se conformer aux nouvelles règles dans les meilleurs délais, a-t-elle souligné. Et en élaborant leurs plans de fonds propres, les banques doivent tenir compte de scénarios d'affaires susceptibles de les affecter négativement."
Présents dans la salle, les grands patrons du Mouvement Desjardins, de la Banque Nationale (TSX:NA) et de la Banque Laurentienne (TSX:LB) ont écouté attentivement le discours.
Certes, les institutions financières canadiennes sont très bien capitalisées lorsqu'on les compare à celles du reste du monde, mais le niveau de fonds propres n'est pas le seul critère à considérer, et certainement pas une "panacée", a prévenu la surintendante.
"Une institution ne disposera jamais de fonds propres adéquats si ses processus de gestion des risques présentent de sérieuses lacunes", a-t-elle fait remarquer, en mettant en garde contre le "faux sentiment de sécurité" que pourrait apporter l'augmentation du ratio minimal de fonds propres.
"Toute règle peut être respectée, ne serait-ce qu'en apparence, et un ratio de levier est une mesure non fondée sur le risque, a-t-elle indiqué. (...) Les fonds propres ne reflètent pas toujours correctement les risques."
En termes clairs, les organismes de surveillance devront s'assurer que les institutions financières ne prennent pas plus de risques pour maintenir leurs profits devant le resserrement des règles de capitalisation.
Les organismes publics ont évidemment un rôle important à jouer pour éviter l'éclatement d'une nouvelle crise. Mais cela ne signifie pas que les institutions financières doivent abandonner toute responsabilité, a relevé Julie Dickson.
Elle a qualifié de "déconcertant" le fait que les États-Unis et l'Europe aient dû soumettre leurs plus grandes banques à des simulations de crise ("stress tests") pour rassurer des marchés qui n'avaient plus confiance en l'information que celles-ci communiquaient.
Le risque est réel, a-t-elle affirmé, que le milieu financier, par avidité, répète les erreurs qui ont mené à la crise d'il y a deux ans. Pour calmer les ardeurs, elle a avancé une solution intéressante: que les institutions financières embauchent des historiens spécialisés en finance.
À l'échelle mondiale, le resserrement de la réglementation ne suffira pas. "Ce qui est plus difficile, c'est d'avoir la même approche dans la supervision au jour le jour", a estimé Mme Dickson, en notant qu'il est facile de formuler des grands principes sans les appliquer.
"Ce que nous écrivons aujourd'hui au sujet de l'importance de la gestion des risques, de la gouvernance ou de la supervision n'est pas vraiment différent de ce qui a été écrit voici des années", a-t-elle rappelé.
Julie Dickson a par ailleurs indiqué que son organisme allait continuer d'accroître son personnel pour mieux surveiller l'industrie.
Dans un rapport publié mardi, la vérificatrice générale du Canada, Sheila Fraser, a soutenu que l'équipe de Mme Dickson avait fait du bon travail pendant la crise financière, mais que ses ressources limitées étaient susceptibles de compromettre son efficacité future, en raison notamment de la complexification du secteur.
Le Bureau du surintendant des institutions financières, un organisme fédéral, est financé exclusivement par l'industrie. Il compte près de 600 employés.