Si la création de Finance Montréal, qui a le mandat de repositionner la métropole dans l'univers boursier et financier international, a été l'événement pour le secteur financier québécois en 2010, tout n'est pas au beau fixe pour autant. Une ombre plane. Les emplois du secteur financier sont menacés par la création éventuelle d'une commission pancanadienne des valeurs mobilières. " Cela risque de transformer le Québec en un simple distributeur de produits financiers ", craint Luc Labelle, président et chef de la direction de la Chambre de la sécurité financière.
" Tous les avocats, comptables et consultants qui gravitent autour de l'émission d'actions ou la création de produits financiers vont suivre la commission à Toronto. " Une migration qui aurait un impact important sur les emplois financiers au Québec.
Renverser la vapeur
La Bourse montréalaise se classe 25e sur 75 dans le monde, selon la publication britannique Global Financial Centres Index, après avoir successivement occupé les 28e et 32e rangs. La métropole a toutefois perdu du terrain face à Toronto, selon des données de l'Institut de la statistique du Québec. En 2009, par exemple, la province a vu disparaître environ 700 emplois dans le secteur des valeurs mobilières, tandis que l'Ontario en a gagné plus d'un millier.
Finance Montréal lancera plusieurs chantiers en 2011 pour redresser la situation. Entre autres, celui de conquérir le marché des produits dérivés, un secteur en pleine croissance, qui suscite la convoitise de Toronto.
" Nous voulons définir quels éléments favorisent la création ou l'utilisation des produits dérivés pour les mettre en valeur ", dit Jean Houde, président du conseil d'administration de l'organisme. " Concrètement, ces éléments pourraient être une fiscalité plus favorable ou une réglementation plus claire ", précise-t-il. Selon lui, en effet, la crise financière est l'occasion de développer une expertise sur les nouvelles réglementations dans ce domaine.
La fiscalité et la règlementation pourraient aussi jouer en faveur de l'entrepreneuriat financier, un autre chantier que Finance Montréal étudiera en 2011. " Certains grands joueurs sous-traitent leurs services administratifs ou techniques à des PME situées à l'extérieur du Québec, note M. Houde. Nous voulons créer les conditions qui permettront aux PME d'ici de répondre à cette demande ou qui attireront au Québec des entreprises capables de le faire. " Les répercussions des activités de Finance Montréal sur l'emploi ou le PIB sont cependant difficiles à prévoir pour l'instant. " Nous travaillons à long terme. Nous verrons l'effet de nos efforts dans quelques années. "
À court terme, l'événement qui aura le plus d'effet sur l'emploi des planificateurs financiers est moins glamour : " c'est le départ à la retraite des premiers baby-boomers ", dit Jocelyne Houle-LeSarge, présidente-directrice générale de l'Institut québécois de la planification financière.
Certes, les conseillers financiers auront moins d'actifs à gérer quand les retraités commenceront à encaisser massivement leur REER. " Toutefois, les baby-boomers auront encore besoin de conseils ", dit Mme Houle-LeSarge. Ils voudront notamment savoir s'ils doivent transformer leurs REER en fiducie, en rentes ou en FERR, connaître l'impact fiscal de leurs choix ou planifier leur succession.
Jacques Girard, pdg par intérim du Centre financier international, voit lui aussi 2011 d'un bon oeil. " En 2010, nous avons attiré six entreprises au Québec, dont deux gestionnaires de portefeuille et une qui offre des services administratifs. Nous ne sommes qu'au début de l'année, mais je sens déjà que l'intérêt des sociétés étrangères à venir s'installer à Montréal est plus marqué que l'an passé. "
La récession : un effet négligeable, voire positif
La récession en W - une nouvelle baisse de l'activité économique après une reprise de courte durée - annoncée par des experts ne devrait pas toucher les emplois financiers.
" Lors des ralentissements économiques, les conseillers financiers doivent rassurer leurs clients et s'assurer que leur capital sera préservé ", dit Léon Lemoine, porte- parole du Regroupement indépendant des conseillers de l'industrie financière du Québec (RICIFQ). " C'est encore plus vrai pour les conseillers indépendants, qui ne peuvent être mis à pied par une institution financière aux prises avec une baisse de la demande. " Les récents projets de loi visant à assainir et resserrer les pratiques du milieu auront eux aussi une incidence limitée sur l'emploi, estime la plupart des experts interviewés. Au mieux, " les nouveaux règlements pourraient stimuler l'embauche d'agents de conformité ", dit Stéphane Langlois, président de BLC Services financiers et du Conseil des fonds d'investissement du Québec.