Le Québec posera ses conditions et exigera des garanties écrites qu'elles seront respectées, avant de donner son approbation à la fusion du Groupe TMX, qui exploite les Bourses de Toronto et de Montréal, avec la Bourse de Londres.
Montréal devra donc tirer son épingle du jeu de cette transaction ou elle ne se fera pas, a assuré le ministre des Finances, Raymond Bachand, à La Presse Canadienne, lors d'un entretien téléphonique, dimanche.
Le gouvernement Charest, qui se montre d'emblée plutôt favorable à la transaction sans le dire ouvertement, ne se contentera donc pas des promesses verbales faites jusqu'à maintenant, mais lira d'abord les textes juridiques qui lui seront soumis avant de donner le O.K. final.
Parmi les conditions imposées, figurera au premier chef l'assurance que la bourse de Montréal pourra non seulement conserver, mais développer son expertise en matière de produits dérivés.
De plus, le gouvernement vise la nomination d'un certain nombre de Québécois aux postes-clés d'administrateurs de la nouvelle entité, dont la valeur boursière sera estimée entre 6 et 7 milliards $.
Le ministre Bachand s'attend à ce qu'il y ait des administrateurs qui soient du Québec.
Il lui apparaît tout aussi évident que Montréal devra demeurer "la principale place d'affaires des produits dérivés" et qu'il devra être acquis que la métropole devienne le "pôle de développement" de cette spécialité.
"Il ne faut pas seulement protéger, mais développer la bourse de Montréal", a-t-il fait valoir.
Même s'il reconnaît que cette intégration, annoncée la semaine dernière, s'inscrit dans une tendance mondiale et qu'il en vante d'avance les avantages escomptés, M. Bachand refuse cependant, à cette étape-ci, de dire clairement qu'il l'approuve, se bornant à considérer qu'il s'agit là "peut-être, d'une bonne opportunité".
Jouant de prudence, il sait que la partie n'est pas gagnée, car l'Ontario et le gouvernement fédéral ont aussi leur mot à dire dans cette méga-transaction.
Si Ottawa a réservé ses commentaires pour plus tard, Toronto a déjà exprimé une inquiétude certaine. Le ministre des Finances de l'Ontario, Dwight Duncan, a dit craindre que les financiers de Dubaï contrôlent désormais les Bourses de Montréal et Toronto, du fait que l'émir de Dubaï, Mohammed ben Rachid Al Maktoum, sera le premier actionnaire de la future entité. Invité à commenter cette vision des choses, M. Bachand a décliné l'offre.
Quoi qu'il en soit, il est clair qu'à ses yeux, la chose semble désormais inéluctable.
"Le monde a changé", dit le ministre, qui voit l'avenir du secteur boursier québécois à travers son positionnement stratégique dans le secteur des produits dérivés. "Le marché mondial se spécialise", dit-il. Le Québec peut, s'il le désire, "conquérir la planète" en développant des créneaux d'excellence dans lesquels, il sera "le meilleur de la planète".
C'est pour cette raison qu'il a été estomaqué devant la réaction qu'il qualifie "d'irresponsable" du porte-parole péquiste en matière d'institutions financières, Jean-Martin Aussant, qui a demandé au ministre de rejeter carrément la transaction, sous prétexte que les décisions financières relatives au Québec seraient prises "à 5000 kilomètres d'ici".
"C'était pas fort", dit-il, voyant là "une réaction du 20e siècle".
Il s'empresse d'ailleurs de noter les divergences dans le clan péquiste, alors que l'ex-premier ministre Bernard Landry a soutenu quant à lui que la fusion annoncée serait une bonne chose pour l'économie du Québec.
"Ce ne sont pas les sentiments qui doivent primer" quand on examine ce genre de dossiers, qui nécessitent qu'on regarde froidement quel est l'intérêt du Québec et des investisseurs en quête d'un accès toujours élargi à des capitaux, a plaidé M. Bachand.
De toute façon, il est trop tôt, dit-il pour se prononcer sur le fond, étant donné qu'une consultation sera menée "dans les prochaines semaines" par l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour analyser en profondeur les pour et les contre de la fusion.
M. Bachand indique à ce propos que les dirigeants de la Bourse de Londres auront alors l'occasion de répondre aux questions et aux inquiétudes des Québécois. Au moment de l'annonce, à Toronto, Xavier Rolet, patron de la Bourse de Londres, indiquait que la nouvelle entité compterait un double siège social, à Toronto et à Londres et que huit sièges de son conseil d'administration seraient occupés par des Britanniques, contre sept pour les administrateurs du Groupe TMX. Il a dit que Montréal jouerait un rôle "capital" dans la nouvelle méga-bourse.
Il restera donc à préciser le tout et à mettre ensuite tout cela par écrit, selon les vux de Québec.