Le secteur de la finance se targue d'offrir de bons salaires. Pour les consultants en technologies de l'information (TI), c'est un peu moins vrai depuis quelques mois.
À quelques semaines d'intervalle, la Banque Nationale et le Mouvement Desjardins ont imposé unilatéralement des baisses de taux horaires respectives de 5 % et de 2 % à leurs consultants en TI, même à ceux qui disposent actuellement de contrats valides.
Si Desjardins a expliqué sa décision à ses «partenaires de consultation» dans un document de 16 pages, dont Les Affaires a obtenu copie, la Banque Nationale a simplement expédié un bref courriel d'une dizaine de lignes expliquant que son groupe des Technologies de l'information imposait une baisse de salaire de 5 % pour «atteindre ses objectifs financiers».
Les consultants qui ont refusé ces baisses de salaire ont vu leur contrat prendre fin le 1er mars à la Banque Nationale, moment de l'entrée en vigueur des nouveaux taux. Chez Desjardins, la baisse a pris effet le 1er avril et 2% des consultants ont choisi de mettre fin à leur contrat de façon graduelle.
À la Banque Nationale, on a, pour seul commentaire, précisé que la baisse s'inscrivait dans un «processus de saine gestion de nos dépenses».
Chez Desjardins, on dit faire face à une «tempête parfaite». «Comme pour toutes les institutions financières, la faiblesse des taux d'intérêt nous touche. De plus, la concurrence arrive de partout et n'est pas réglementée de la même manière que nous [le sommes]», explique Di-Thai Hua, vice-président, approvisionnement et services administratifs chez Desjardins, citant entre autres ApplePay et PayPal pour les transactions, Lendingclub et Kickstarter dans le secteur des prêts.
De plus, Desjardins impose à ses consultants un minimum de six semaines de vacances non facturables, échelonnées du 15 décembre au 15 janvier et du 15 juillet au 15 août.
M. Hua, qui a récemment fait valoir la position de Desjardins devant les membres de l'Association québécoise des informaticiens et informaticiennes indépendants (AQIII), soutient que 98 % des partenaires en consultation TI de Desjardins sont restés malgré la diminution de salaire de 2 %.
Le directeur principal des relations de presse chez Desjardins, André Chapleau, ajoute que la coopérative fait également face à des défis de productivité. En effet, elle doit entretenir un réseau d'environ 1 100 points de service au Québec, alors que, selon lui, la Banque Royale en possède 1 200 pour desservir l'ensemble du Canada. «Notre indice de productivité, ce qu'il nous en coûte pour produire un dollar de revenus, est supérieur à celui de nos concurrents. La Fédération doit faire des efforts pour réduire ses coûts, les caisses doivent faire des efforts... Dans la même veine, nous demandons aussi à nos consultants de faire des efforts», dit-il. Desjardins précise que son indice de productivité était de 74,3 % en 2014, par rapport à 59,6 % pour la moyenne des banques. Plus l'indice est bas, plus l'entreprise est productive.
Les baisses des taux horaires ont été reçues comme une douche froide par les consultants. «L'AQIII a constaté, auprès de ses membres, un profond malaise. Surtout pour les consultants qui avaient des contrats en cours», dit la directrice générale de l'organisme, Caroline De Guire.
Cette dernière souligne que les consultants ne seront pas tous touchés de la même manière. «Les contrats sont signés avec les consultants ou une entreprise intermédiaire. Dans le second cas, c'est l'entreprise et non le consultant qui doit absorber le choc», précise-t-elle.
Pire au gouvernement du Québec
Sous le couvert de l'anonymat, des dirigeants d'entreprises qui embauchent des consultants étaient résignés à éponger les diminutions, affirmant que les taux horaires étaient encore moins élevés au gouvernement, un autre important donneur d'ouvrage. Des consultants ont parlé d'abus de confiance, s'interrogeant sur la valeur d'un contrat signé de bonne foi s'il peut être ensuite modifié à tout moment par le donneur d'ouvrage.
Les montants en jeu sont très importants. Desjardins estime ses besoins en consultation (incluant les TI) à 500 millions de dollars par année, alors que le budget total dévolu aux TI par la Banque Nationale est évalué à 350 M$ pour 2015. Du côté du gouvernement du Québec, le budget prévu pour les «services externes en ressources informationnelles» est estimé à près de 648 M$ pour l'exercice 2014-2015.
Rappelons que le président et chef de la direction de la Banque Nationale, Louis Vachon, est à la tête du chantier finance et technologie de Finance Montréal, la grappe financière du Québec, et la présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins, Monique Leroux, dirige le chantier ressources humaines. Il s'agit là de deux des six «piliers de croissance» retenus par Finance Montréal.