Le fiasco du processus d'entrée en Bourse de la plateforme d'échanges financiers BATS Global Markets vendredi, victime d'un incident informatique, relançait lundi la controverse à Wall Street sur la fiabilité des échanges électroniques.
Peu après l'ouverture de la séance à Wall Street, vers 10H45 vendredi, la troisième plateforme boursière des États-Unis représentant environ 11% des échanges de la place new-yorkaise, a dû annuler le processus d'entrée en Bourse (IPO) de son propre titre, à cause d'un accident informatique.
"Nous avons été incapables d'assurer convenablement notre introduction en Bourse", a reconnu lundi le PDG de la société Joe Ratterman sur la chaîne d'informations financières CNBC. "Nous avons subi une panne de logiciel qui a interrompu notre activité et nous ne sommes pas parvenus à faire repartir les échanges" sur le titre de BATS, a-t-il poursuivi.
Après plus de deux heures d'arrêt, vers 13H00, malgré la réparation de la panne et la reprise d'une cotation normale, les dirigeants de l'échange ont décidé d'annuler une opération qui devait leur permettre de récolter 101 millions de dollars.
"Nous avons déterminé que cet événement avait entamé la confiance des investisseurs et qu'elle rendait un redémarrage d'échanges juste et ordonné peu probable", avait expliqué M. Ratterman dans une lettre à ses employés datée de dimanche et mise en ligne par la plateforme.
Lundi, l'ensemble des analystes portaient un regard très sévère sur la société qui affichait il y a peu son ambition de concurrencer les deux géants de la Bourse new-yorkaise, le New York Stock Exchange et le Nasdaq.
"C'est un peu comme si une compagnie aérienne (lançait) une IPO, et qu'au moment de l'IPO, l'un de ses avions s'écrasait", a commenté Gregori Volokhine stratège chez Meeschaert New York. "Il vaut mieux oublier, le risque est trop grand", a-t-il souligné, rappelant que le retrait d'une introduction en Bourse était un phénomène rarissime sur le marché.
"C'est un gigantesque fiasco, de bout en bout", a estimé de son côté Peter Cardillo, de Rockwell Global Capital, pour qui cet incident était de très mauvais augure pour l'avenir de la société. "Quand un tel événement se produit, on ne peut pas s'empêcher de se dire qu'il n'y a pas de fumée sans feu".
Au-delà d'un échec propre à BATS, cet accident démontre, selon ces analystes, que l'incident qui avait fait chuter en mai 2010 l'indice Dow Jones de plus de 1 000 points en quelques minutes en raison d'un engorgement des échanges commandés par des programmes informatiques, n'était pas isolé.
En effet, malgré la mise en place depuis de coupe-circuits imposés aux plateformes électroniques par les régulateurs, "cela montre qu'un système où la machine a remplacé l'homme, non seulement n'est pas à l'abri de l'erreur mais qu'il peut tout simplement s'arrêter de fonctionner", a souligné M. Volokhine.
"C'est plus que de la malchance pour la compagnie, c'est le signe qu'avec l'automatisation des échanges, un simple incident peut remettre en cause l'intégrité du marché", a-t-il continué.
Plus grave encore, pour Peter Cardillo, "ce type de gros titres éloigne encore davantage les petits investisseurs d'un marché sur lequel ils ne se sentent plus capables de peser".
A l'opposé, pour certains spécialistes, cet événement prouve la fiabilité des échanges électroniques.
"Ce n'est pas si négatif" pour les échanges électroniques, a estimé Ciamac Moallemi, professeur à la Columbia Business School. "La situation a été rapidement contenue, les marchés plus larges n'ont pas été si perturbés que cela, les échanges (erronés) ont été annulés, et les coupe-circuits ont fonctionné".