L’annonce de la fermeture du centre de recherche d’AstraZeneca à Montréal le 2 février surprend et attriste deux observateurs reconnus de l’industrie pharmaceutique.
« Nous sommes au début d’une nouvelle ère dans le développement du médicament », remarque Michelle Savoie, directrice générale de Montréal InVivo, la grappe des sciences de la vie et des technologies de la santé du Montréal métropolitain. Un changement du modèle de mise au point de nouveaux traitements entraîne la disparition d’emplois de haut niveau dans la province, dit-elle.
« C’est un coup dur en ce début d’année 2012 », concède Alain Cassista, directeur général de PharmaBio Développement, le comité sectoriel de main d’œuvre des industries des produits pharmaceutiques et biotechnologiques.
« En janvier, nous misions sur un capital nul, c'est-à-dire que nous pensions que la création d’emplois compenserait les pertes. À l’heure actuelle, nos anticipations se dirigeraient plutôt dans le négatif. PharmaScience doit ouvrir un site de production au cours de l’été, mais cela passera probablement inaperçu, car les emplois chez RatioPharm devraient baisser », poursuit M. Cassista.
Pourtant, dans la dernière enquête de PharmaBio Développement, réalisée en 2011, 55% des entreprises répondantes prévoyaient une croissance de leurs activités.
Un modèle virtuel
Nathalie Francisci, chef de développement corporatif pour Les carrières Jobwings, qui dirige le site spécialisé de recrutement pharmajob.ca, constate un changement de modèle d’entreprise. « Les alliances entre les pharmas et les biotechnologiques augmentent. »
Mme Savoie constate aussi une modification des stratégies de R-D. « Le modèle devient plus virtuel. Avant la recherche était effectuée à l'interne, maintenant les pharmas se tournent vers des PME et des biotechnologies. »
« Des entreprises telles que Caprion ou Corialis sont des fournisseurs de services. Les investissements vont se faire dans les centres de recherche, les biotechnologies et les PME », estime Mme Savoie.
Elle pense que la recherche collaborative est un modèle à favoriser. « Le développement de nouvelles molécules se fera au sein de biotechnologies. Les pharmas font appel aux entreprises de recherche contractuelle pour l’optimisation de molécules », continue t-elle.
Pour M. Cassista, cette dernière suppression d’emplois démontre que le modèle d’affaire connu depuis 10 ans change. « Nous arrivons au bout d’un cycle. Nous perdons dans l’innovation et la R-D. »
La virtualisation est un processus surtout connu dans la promotion. Les médecins et les pharmaciens peuvent avoir accès à des représentants via des plateformes sur le Web, précise M. Cassista.
« L’enjeu actuel est de faire grossir nos PME pour qu’elles deviennent des moyennes ou des grandes entreprises qui embaucheront plus », estime t’il. Néanmoins, ces entreprises se heurtent encore à la difficulté du financement.
Mme Savoie observe une mutualisation du financement. « Des consortiums sont créés pour favoriser le financement d’entreprises en développement, par exemple le Consortium québécois de découverte sur les médicaments. Il s’agit d’une tendance qui se dessine. »
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