Les entreprises qui offrent un régime d'assurance médicaments à leurs employés ont peu profité de la baisse du prix des médicaments génériques imposée par Québec.
" Le coût de notre régime d'assurance médicaments augmente de 10 à 12 % par année. C'est assez frustrant de constater que le prix des médicaments génériques a baissé de 28 % et que nous n'en profitons aucunement ", affirme Arold Turmel, directeur des ressources humaines d'Olymel, à Berthier, qui compte 500 employés.
Comme les médicaments génériques représentent 22 % du coût d'un régime d'assurance médicaments, explique Jacques L'Espérance, de J. L'Espérance Actuariat Conseil, les employeurs s'attendaient à une baisse de la facture. Or, ce ne fut pas le cas. Explication de l'actuaire : les pharmaciens ont récupéré des régimes privés les pertes financières qu'ils ne pouvaient récupérer du régime public, en raison de la politique de fixation des prix de l'État.
Il y a un an, le prix demandé par les fabricants de génériques représentait environ 52 % du prix des médicaments d'origine au Québec. En décembre 2010, Québec a plafonné à 37,5 % le prix d'une majorité de produits génériques. Cette proportion a de nouveau été abaissée à 30 % ce mois-ci, et le sera à 25 % en avril 2012.
Le prix coûtant (prix payé par le pharmacien) des médicaments génériques a donc chuté de 28 % (de 52 % à 37,5 %).
Or, le pharmacien reçoit des fabricants de médicaments génériques une ristourne, qui s'élevait à 20 % jusqu'au 1er avril dernier. S'il paie ses médicaments moins cher, sa ristourne diminue. Par exemple, pour une quantité de médicaments génériques qu'il payait 1 000 $, il recevait une ristourne de 200 $. La mesure de plafonnement des prix de décembre 2010 a fait baisser sa facture à 720 $ et sa ristourne, à 144 $. C'est ce manque à gagner que les pharmaciens ont fait peser sur le secteur privé, faute de pouvoir aussi le faire sur le régime public.
Pas de restrictions sur les marges dans le privé
Précisons d'abord que, en ce qui a trait à environ la moitié des médicaments, le prix payé par le patient est soumis au régime public, donc régi par une loi. Quant à l'autre moitié, les prix sont établis selon le marché.
Dans le public, la loi oblige le pharmacien à restreindre ses honoraires à 8,44 $ par ordonnance ; il ne peut prendre de marge supplémentaire. Dans le privé, il n'existe aucune restriction. Et justement, souligne Jacques L'Espérance, on constate que les pharmaciens ont haussé leurs honoraires ou leur marge de profit (ou les deux) sur les médicaments vendus dans le privé, entre décembre 2010 et janvier 2011, afin de compenser la baisse des ristournes versées par les fabricants.
Normand Cadieux, vice-président exécutif et directeur général de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, explique ce phénomène de trois façons : le prix du tiers seulement des médicaments génériques a baissé ; les grossistes en ont profité pour augmenter leur marge bénéficiaire ; et les pharmaciens ont ajusté leurs prix pour compenser leurs pertes de revenus consécutives à la baisse du prix des génériques.
Compensations supplémentaires à venir
" Les pharmaciens ont sans doute fait la même chose pour compenser la baisse, directe cette fois, du plafond des ristournes de 20 % à 16,5 % imposée par Québec le 1er avril 2011 ", affirme M. L'Espérance. Encore une fois, comme les prix du secteur public sont fixés par l'État, ce sont les assurés du privé qui ont absorbé toute la facture. Et on peut s'attendre à des compensations supplémentaires dans les mois à venir, puisque le plafond des ristournes sera de nouveau réduit à 15 % le 1er avril 2012.
" Le gouvernement du Québec a imposé des baisses de coût qui profitent sans doute à son régime public mais, comme on s'y attendait, les pharmaciens se sont repris dans le secteur privé ", résume l'actuaire.
Une source de frustration pour les employeurs
28 % Baisse du prix coûtant des médicaments génériques depuis le plafonnement du prix de ces produits.
5 % Économies réalisées par les consommateurs, incluant les entreprises, à la suite de la baisse du prix des génériques.
Source : Jacques L'Espérance, de J. L'Espérance Actuariat Conseil