Il existe très peu de débouchés au Québec pour les sols qui ont été décontaminés. Ils sont utilisés sur leur lieu d'origine, envoyés dans un site d'enfouissement, ou dirigés vers un lieu déjà contaminé afin de servir de remblai.
Cette situation serait toutefois sur le point de changer grâce à une nouvelle politique de gestion des sols contaminés actuellement à l'étude par le gouvernement du Québec.
Biogénie, une division d'EnGlobe, à Québec, attend impatiemment l'entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation. «Nous avons déjà de multiples solutions pour valoriser les sols décontaminés qui sont prêtes à être commercialisées», dit Christian Bélanger, vice-président principal Innovation, Développement et Affaires gouvernementales d'EnGlobe.
Une bactérie qui digère le carbone
Depuis près de 20 ans, cette entreprise se démarque dans le secteur de la décontamination des sols souillés par les hydrocarbures.
Grâce à sa plateforme technologique Biopile, qui exploite un procédé bactérien «digérant» le carbone, EnGlobe a développé un savoir-faire permettant de régénérer les sols contaminés en moins de quatre mois, au lieu de 12, voire 18 mois par les autres procédés de décontamination biologique.
Depuis six ans, Christian Bélanger dirige une petite équipe multidisciplinaire réunissant des ingénieurs mécanique, civil, agricole, géologique, industriel ainsi que des géochimistes, des biologistes et des microbiologistes, dont le mandat est de diversifier et valoriser les utilisations des sols décontaminés.
L'entreprise mise entre autres sur la revégétalisation de sites miniers.
Mis au point par le biologiste Nicolas Moreau, un procédé de revégétalisation consiste à mélanger les sols décontaminés avec des matières résiduelles fertilisantes. Lesquelles ? Motus et bouche cousue sur le nom des ingrédients. Mais le résultat est étonnant.
Des MRC, qui préfèrent ne pas être identifiées, procèdent actuellement à des projets-pilotes en collaboration avec EnGlobe.
Le chargé de projet environnemental d'une des MRC concernées a signalé n'avoir jamais vu une végétation pousser aussi rapidement. «Nous avons semé des herbacées en août et elles poussaient encore à travers la neige en octobre dernier», rapporte le chargé de projet.
«Des échantillons de sol prélevés sur le terrain d'une des MRC avec laquelle on travaille depuis trois ans démontrent que les bactéries servant à la décontamination du sol ont réussi au fil des ans à éliminer toute trace d'hydrocarbures», souligne M. Bélanger.
Nombreux débouchés
Les sols décontaminés, dits de qualité résidentielle - donc sans danger pour la santé, humaine comme animale - pourraient très bien servir de terreau pour les vivaces et annuelles de nos plates-bandes...
Toutefois, EnGlobe ne compte pas se lancer dans l'ensachage pour le moment. «On préfère exploiter les sols décontaminés pour des usages à grande échelle», indique Christian Bélanger.
Selon Donald Tremblay, ingénieur agricole chez EnGlobe, les sols décontaminés permettent de préparer un terreau industriel qui convient parfaitement à la culture de végétaux pour la biomasse, comme le saule à croissance rapide.
«Il est également très efficace pour faire pousser des plantes qui aident à réduire le risque d'érosion, en particulier le panic érigé (panicum virgatum).» Cette graminée a des qualités intéressantes pour l'industrie de la biomasse au Québec, indique l'ingénieur.
L'ingénierie civile constitue également un autre débouché que surveille de près EnGlobe. «Les sols décontaminés de qualité résidentielle que nous produisons peuvent aisément être utilisés pour la création de buttes servant d'écrans aux abords des autoroutes», souligne Pascale Pierre, ingénieure civile chez EnGlobe.
«Ils peuvent aussi servir pour la formation des bas-côtés, des terre-pleins ainsi que pour la végétalisation des fossés», ajoute-t-elle.
Par ailleurs, il sera même possible d'établir des registres en matière de traçabilité des sols utilisés. Un facteur qui devrait rassurer, selon elle, les futurs utilisateurs municipaux.
En Europe, il existe déjà des débouchés pour les sols décontaminés. «Les Belges ont notamment conçu un guide d'utilisation», dit Pascale Pierre. «Et les Français utilisent déjà ces sols pour leurs infrastructures routières.»
EnGlobe occupe la moitié du marché de la décontamination des sols au Québec. Et la technologie mise au point par la division Biogénie est régulièrement utilisée dans l'Ouest canadien, en Angleterre et en France. Elle est même utilisée au Proche-Orient, où l'on procède à la décontamination du fleuve Kishon, en Israël.
Outre ses efforts en recherche et développement pour valoriser les sols décontaminés, EnGlobe continue d'améliorer ses techniques de décontamination.
En ce moment, la méthode biologique est la plus utilisée en raison de son coût plus abordable. «Cependant, cette technique a ses limites et ne peut fonctionner qu'avec des sols contaminés aux hydrocarbures», dit M. Bélanger.
«Des techniques physicochimiques et thermiques seront nécessaires pour décontaminer les terrains souillés par les métaux. Nous travaillons à leur mise au point», précise-t-il.