L'association entre industrie chimique, quartier industriel et biotechnologie environnementale n'est pas évidente à première vue. Sani Marc, qui fabrique entre autres des produits de nettoyage et de désinfection, veut travailler à changer cette perception en synthétisant l'un des composants les plus utilisés dans ses produits à partir des eaux usées du parc industriel Paul-André-Poirier de Victoriaville, où le siège social de l'entreprise est établi.
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«Nous voulons boucler la boucle, explique Patrick Marchand, directeur de l'innovation et du développement de Sani Marc. Nous voulons récupérer les eaux usées de certaines usines du parc industriel pour y faire croître des microalgues capables de produire des matières de base permettant la synthèse de surfactants.»
Les surfactants sont des molécules, principalement issues de produits pétroliers, qui permettent de dissoudre les graisses.
«Sani Marc en utilise des centaines de milliers de kilogrammes par année, de 30 à 50 types différents, précise le chimiste. Nous avons ciblé le type que nous utilisons le plus et notre but est d'être capable d'en produire une version "bio" à partir des microalgues.» Celles-ci pousseront dans des bassins remplis des eaux usées provenant de diverses entreprises, selon un ratio destiné à «maximiser la production des molécules d'intérêt» nécessaire à la fabrication de biosurfactants.
Selon Guy Viel, directeur général du Centre de recherche sur les biotechnologies marines (CRBM), ce projet s'inscrit dans une tendance mondiale : «Compte tenu des mesures incitatives réglementaires et de l'instabilité économique liée à l'exploitation du pétrole, les industries commencent à voir les microalgues comme un outil permettant d'arriver au rejet zéro tout en obtenant des produits à valeur ajoutée.»
Des ressources mises en commun
Depuis deux ans, Sani Marc collabore entres autres avec la Ville de Victoriaville et la Chaire de recherche industrielle en environnement et biotechnologie de l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). La première a lancé l'idée d'un projet pour diminuer les eaux usées, et la seconde travaille à la sélection des microalgues ainsi qu'à l'optimisation de leur croissance. Les recherches de l'UQTR se concentrent sur «un consortium microalgues-bactéries dominé par une espèce de chlorelle», une variété très commune de microalgues d'eau douce.
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Plusieurs entreprises du parc industriel participent, dont Parmalat, Groupe Canlac Laboratoires Abbott et Gesterra. Elles fourniront une part des eaux usées qui, à terme, rempliront les bassins de croissance installés dans le parc industriel. «Nous ne sommes pas rendus là, mais probablement que des conduites transporteront directement les eaux usées des usines vers les bassins», ajoute M. Marchand. Les entreprises n'auront donc plus à payer pour s'en débarrasser.
Une fois l'étape du projet-pilote franchie, la recherche devrait se poursuivre. «Nous pourrons penser à récupérer d'autres parties des microalgues, question d'optimiser le processus et de faire d'autres produits pour les entreprises concernées», annonce M. Marchand.
Il mentionne la production de biocarburant destiné aux parcs de véhicules de la Ville de Victoriaville ou de l'entreprise de gestion des matières résiduelles Gaudreau Environnement.
Guy Viel juge que le potentiel de valorisation de leur projet «est quand même fort», surtout en ce qui concerne les enzymes, les colorants, les polymères et autres produits de commodités. «Les microalgues sont comme des usines microscopiques à partir desquelles nous pouvons produire à peu près tout ce que nous voulons, pourvu que l'on puisse influencer les paramètres de culture», résume-t-il.
Sani Marc estime qu'il lui faudra encore «au moins deux ans» de recherche avant l'installation des premiers bassins de croissance. Un échéancier qui «tient la route», estime Guy Viel. «Les microalgues ont des applications commercialisées dans le monde, mais il n'y en a jamais eu au Québec, malgré de multiples tentatives depuis 15 à 20 ans, fait-il remarquer.
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