L'Association internationale du transport aérien vise à être carboneutre, en 2020, et à avoir réduit de moitié ses émissions de CO2, d'ici 2050. Le biocarburant à base de moutarde d'Abyssinie (Brassica carinata) mis au point par Agrisoma Biosciences, de Gatineau, arrive donc à point.
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«L'industrie mondiale de l'aviation utilise 227 milliards de litres de carburant chaque année, et les appareils peuvent employer jusqu'à 50 % de biocarburant sans qu'on ait à modifier leurs technologies, explique Steve Fabijanski, président et chef de la direction d'Agrisoma. Il s'agit d'une énorme occasion commerciale.»
Contrairement au maïs, au soya ou à son proche cousin, le canola, la moutarde d'Abyssinie est une plante non comestible qui pousse sur des terres arides souvent impropres à la culture. «Il est très important de s'assurer que le biocarburant n'a pas d'impacts négatifs», souligne Denis Leclerc, président et chef de la direction d'Écotech Québec, la grappe provinciale des technologies propres. «Il est crucial de ne pas entrer en concurrence avec quelque chose de vital comme l'alimentation.»
Agrisoma a commencé à développer des souches de Brassica carinata en 2007, et en produit de manière commerciale depuis 2012. «Nous avons un vaste programme de reproduction ; des souches spécifiques sont développées pour chaque région», précise M. Fabijanski. La moutarde pousse actuellement dans l'Ouest canadien, au Dakota du Nord et en Floride. Des tests sont également menés en Europe et en Amérique latine.
«L'un de nos plus grands défis a été d'obtenir les approbations réglementaires de la part des gouvernements, dit-il. Le second a été de sensibiliser les agriculteurs à notre technologie et de travailler en étroite collaboration avec eux.»
L'entreprise s'entend en effet avec des agriculteurs locaux qui font pousser leurs plants sur leurs terres marginales, puis elle leur rachète toute leur production, qui est transformée en huile industrielle et vendue à des producteurs de biocarburants.
Le sous-produit de l'extraction de l'huile - un tourteau à haute teneur en protéines - est également vendu à des éleveurs de bovins. «Ce type d'économie circulaire est de plus en plus recherchée, note Denis Leclerc. Elle est positive d'un point de vue financier - se débarrasser des résidus de production coûte cher -, et elle améliore l'acceptabilité sociale de l'innovation.»
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Des vols commerciaux dès 2017
Même si aucune moutarde ne pousse au Québec, car «les terres sont de trop bonne qualité», l'entreprise a choisi d'y déménager son siège social. «Je crois que la province a une approche très innovante de l'économie à faible émission de carbone, et nous sommes très heureux d'en faire partie», souligne M. Fabijanski.
«Ce qui est intéressant pour Agrisoma, c'est tout l'écosystème québécois, dit Denis Leclerc, d'Écotech Québec. Elle pourra y créer des liens avec des utilisateurs potentiels, car le Québec est le troisième pôle aéronautique du monde.»
C'est d'ailleurs à Montréal, en 2012, qu'Agrisoma a effectué le premier vol test du monde avec 100 % de biocarburant. «Nous avons pu démontrer à quel point nous arrivons à réduire les émissions de gaz à effet de serre», affirme Steve Fabijanski.
«Ce vol a permis de changer la donne en matière de perception des possibilités et des occasions liées aux biocarburants dans l'aviation, affirme Denis Leclerc. Les fabricants sont à la recherche de fournisseurs qui développent de telles innovations, parce qu'elles leur donneront un avantage concurrentiel.»
À ce jour, Agrisoma a produit plus de deux millions de litres de biocarburant. En 2012, Porter Airlines en a utilisé pour réaliser le premier vol commercial de démonstration au Canada. «Nous travaillons actuellement avec un partenaire européen, et si tout se déroule comme prévu, les premiers transporteurs aériens commenceront à utiliser un mélange de notre biocarburant de façon régulière au cours des premiers mois de 2017», dit M. Fabijanski.
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