La mise au point d'un médicament peut coûter de un à deux milliards de dollars et prendre jusqu'à 15 ans, de la découverte de la molécule à sa commercialisation. Une solution ? Se regrouper pour partager les coûts et les risques ainsi que pour accélérer la recherche. Trois partenariats public-privé ont ainsi vu le jour depuis cinq ans au Québec.
Lancée en novembre 2012, Néomed veut créer des ponts entre la recherche fondamentale universitaire et les besoins de l'industrie biopharmaceutique. «Tous les médicaments tirent leur origine de la recherche universitaire», affirme le Dr Max Fehlmann, président et chef de la direction de Néomed, qui regroupe le gouvernement du Québec et les pharmaceutiques AstraZeneca, Pfizer et Johnson & Johnson.
L'organisme entend sélectionner des projets de recherche partout dans le monde pour les amener au stade de preuve de concept chez l'humain. Il agit comme gestionnaire de projets, en dirigeant le développement et en faisant appel à des entreprises de recherche contractuelle.
Pour cela, il dispose d'un budget de 38,5 millions de dollars, mais il prévoit bonifier ce montant à 80 M $ d'ici quatre ans en allant chercher du financement supplémentaire auprès du gouvernement canadien et en s'associant à d'autres pharmaceutiques. Ces dernières ont un droit de premier regard sur les molécules qui seront développées, d'où leur intérêt.
«Au stade de la validation humaine, la valeur d'une molécule peut atteindre plusieurs centaines de millions de dollars, indique Max Fehlmann. Quand on fera une première vente à une pharmaceutique, tout l'argent sera réinvesti dans d'autres projets.»
Cette première vente devrait survenir d'ici deux ou trois ans avec une molécule destinée à soulager la douleur des personnes atteintes d'une forme d'arthrite. Il s'agit de l'une des trois molécules qu'AstraZeneca a données à Néomed en même temps que son ancien centre de recherche, situé dans le Technoparc.
Néomed a une quatrième molécule en chemin, issue de l'Université de Sherbrooke et choisie par son comité scientifique parmi quelque 200 projets. Destinée à contrer l'influenza, elle constitue une nouvelle approche thérapeutique et présente un important potentiel commercial.
L'organisme veut piloter un total de 20 projets d'ici quatre ans. Mais le taux d'échec dans ce domaine est élevé. «On s'attend à ce que deux ou trois molécules franchissent l'étape de la commercialisation», dit M. Fehlmann. Néomed loue aussi des locaux à 16 entreprises des sciences de la vie.
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Partenariats fructueux
Créé en 2008, le Consortium québécois sur la découverte du médicament (CQDM) se consacre à la recherche précompétitive. Financé à parts égales par Québec, Ottawa et sept pharmaceutiques, dont AstraZeneca, Merck, Pfizer et Novartis, il a jusqu'ici recueilli 65 M $ afin de concevoir des technologies pour améliorer le développement des médicaments.
Quelque 32 projets ont reçu une subvention à ce jour. L'un consiste à développer une technologie d'imagerie susceptible de détecter précocement l'Alzheimer. «Ce serait une percée majeure pour la création de futurs médicaments», s'enthousiasme Diane Gosselin, pdg du CQDM.
Environ 80 % des inventions mises au point sont déjà utilisées par les pharmas qui financent l'organisme et qui disposent ainsi d'un accès privilégié aux découvertes. Quelque 25 ententes de collaboration, de licences ou de partenariats stratégiques ont aussi été signées.
«Nous visons à générer des retombées économiques pour le Québec et pour les entreprises», dit Diane Gosselin. Les technologies développées ont permis aux chercheurs de recueillir 14,5 M $ en investissements supplémentaires. Exemple : une technologie de biocapteurs, créée par l'Institut de recherche en immunologie et en cancérologie de l'Université de Montréal ainsi que par les universités McGill et de Sherbrooke, a mené à l'implantation de la pharma française Domain Therapeutics dans le bâtiment de Néomed en décembre.
Mailler les centres publics de recherche et les entreprises afin de développer des technologies pouvant améliorer la qualité de vie des patients, c'est ce que vise le Consortium de recherche industrielle et d'innovation en technologies médicales du Québec (MEDTEQ). Fondé en 2013, le Consortium réunit 46 partenaires, universités, centres hospitaliers et entreprises, qui paient une cotisation pour y adhérer en plus d'investir dans les projets auxquels ils participent.
Parmi les entreprises, on compte notamment CAE Santé, Johnson & Johnson, Medtronic, Roche Diagnostics, Siemens, Telus Santé et... Ubisoft. «On peut penser, par exemple, que l'expertise d'Ubisoft dans les jeux sérieux pourrait être intégrée à une technologie qui nécessiterait un apprentissage de la part du patient», explique la pdg, Diane Côté.
Les projets subventionnés doivent impliquer un établissement public et au moins deux entreprises membres. Ils doivent aussi obtenir des sources de financement. L'organisme annoncera sous peu les trois premiers projets sélectionnés par son comité scientifique.
Cette stratégie de recherche collaborative sur laquelle reposent les consortiums sourit à Montréal InVivo, la grappe des sciences de la vie et des technologies de la santé. «Nous voulons nous en inspirer pour créer un réseau d'excellence sur les essais cliniques précoces chez l'humain, indique sa directrice générale, Michelle Savoie. L'objectif est de mettre en commun les ressources pour améliorer la compétitivité du Québec dans ce domaine. En ce moment, il y a des biotechs d'ici qui font faire leurs essais cliniques aux États-Unis parce que c'est plus rapide !»
Les partenariats public-privé permettent de développer des molécules prometteuses susceptibles d'intéresser les grandes pharmaceutiques.
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